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Ombre et fortune (Chapitre 1)

Ombre et fortune (Chapitre 1)
 
Riot a publié une très longue histoire. Elle semble être le début d'un événement sur Halloween. On peut y découvrir que l'assassinat de Gangplank par Miss Fortune a des conséquences funestes, la ville étant envahie par la brume noire venue des Îles obscures. On y voit également la mention d'Illaoi, qui est visiblement une nouvelle championne, dont l'existence avait déjà été suggérée par l'apparition d'un fichier sonore sur le PBE. Prêtresse et visiblement amie de Miss Fortune, elle fait son apparition dans l'histoire...
 
L'histoire devrait se composer de 4 chapitres au total. Les suivants arriveront mercredi, jeudi, et vendredi !
 
 
Un conte de la nuit de l'horreur
 
À la mort de Gangplank, Bilgewater s'enfonce dans le chaos au rythme des vieilles rivalités purgées dans le sang : la guerre des gangs menace de détruire la cité. Miss Fortune apprend le prix de sa vengeance tandis que la Brume noire venue des Îles obscures engloutit la ville dans un ouragan cauchemardesque peuplé de spectres.
 
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Chapitre 1
Du sang dans les rues, La gloire en la mort, Jusqu'à la Grande Barbue
 
I
 
Les Lames du boucher avaient suspendu le Choucas à un épissoir rouillé et l'avaient abandonné aux charognards des quais. C'était le dix-septième truand assassiné que l'homme à capuche voyait ce soir.

Une nuit tranquille, selon les habitudes de Bilgewater.

Du moins, depuis la chute du roi corsaire.

Les rats aux crocs rouges avaient déjà dévoré les pieds du pendu et grimpaient sur des caisses entassées pour attaquer la chair tendre des mollets.

L'homme à capuche poursuivit sa route.

« Aidez... Moi... »

Les syllabes moites tombaient d'une gorge noyée de sang. L'homme à capuche se retourna, les mains sur les armes passées à son large ceinturon.

Aussi invraisemblable que cela parût, le Choucas était toujours en vie. Il était solidement accroché au cadre de bois d'une grue de chargement. Impossible de le décrocher sans faire exploser son crâne.

« Aidez... Moi... » dit-il encore.

L'homme à capuche réfléchit une seconde à la supplication du Choucas.

« Pourquoi ? » dit-il enfin. « Même si je te descends de là, tu seras mort au matin. »

Le Choucas leva péniblement sa main vers une poche intérieure de sa redingote couturée de pièces rapportées et en tira un kraken d'or. Même dans la demi-pénombre, l'homme à capuche vit que la pièce était authentique.

Les charognards sifflèrent, tous poils hérissés, quand il approcha. Les rats des quais n'étaient pas énormes, mais ils n'abandonneraient pas facilement une viande aussi fraîche. Leurs crocs étaient fins et perçants comme des aiguilles et leur salive pesteuse.

D'un coup de pied, l'homme jeta un rat à la mer. Il en écrasa un deuxième. Les animaux tentèrent de le mordre, mais il avait le geste sûr, fluide, sa chair ne fut pas touchée. Il tua trois autres rats avant que le reste de la meute ne se disperse dans la pénombre, le rouge de leurs yeux luisant dans le noir.

L'homme à capuche se tenait maintenant à côté du Choucas. Ses traits n'étaient pas visibles, mais un nimbe de clarté lunaire suggérait un visage qui ne souriait plus.

« La mort est là pour toi », dit-il. « Accueille-la, et ne crains rien : je ferai en sorte que tout pour toi finisse ici. »

Il passa la main sous son manteau et en tira un pic d'argent. On aurait dit un poinçon de tanneur, mais orné et gravé sur deux longueurs de paume de symboles en spirales. Il en plaça la pointe sous le menton de l'agonisant.

Les yeux de l'homme s'agrandirent et il chercha à tâtons la manche de son exécuteur, les yeux fixés sur l'immensité de l'océan. La mer était un miroir noir scintillant d'une myriade de lumignons, brasiers des quais et flammèches encagées dans le verre des lampes-tempête.

« Vous savez ce qui rôde à l'horizon », dit-il. « Vous savez les horreurs qui viennent. Et pourtant vous vous entredéchirez comme des chiens enragés. Cela n'a aucun sens pour moi. »

Il frappa violemment de la paume la poignée plate de son poinçon, et la lame s'enfonça jusqu'à la cervelle de l'homme. Dans un ultime sursaut, les souffrances du Choucas prirent fin. La pièce d'or tomba de sa main et roula jusqu'au bord du quai ; elle coula dans une éclaboussure.

L'homme à capuche retira son poinçon et le nettoya sur la manche du Choucas. Il le rengaina sous sa veste et sortit une aiguille d'or et une longueur de fil d'argent trempé dans les eaux d'une source d'Ionia.

Avec les gestes sûrs de ceux qui ont souvent accompli ce rituel, il cousit les yeux et les lèvres du cadavre. Tout en travaillant, il murmura des mots qui lui avaient été appris tant d'années plus tôt, des mots sombres qu'un roi mort depuis longtemps avait le premier prononcés.

« Les morts ne peuvent plus te prétendre des leurs », dit-il en terminant son ouvrage et en rangeant ses instruments.

« Peut-être pas », dit une voix derrière l'homme à capuche, « mais nous, nous ne repartirons sûrement pas les mains vides. »

L'homme se retourna et retira sa capuche, révélant une peau dont la couleur et la texture évoquaient l'acajou vieilli, des pommettes anguleuses de patricien. Ses cheveux noirs étaient noués en longues nattes et c'est avec des prunelles qui avaient vu des horreurs insoutenables qu'il accueillit les nouveaux venus.

Six hommes. Vêtus de tabliers au cuir durci par le sang et taillés pour mettre en valeur chacun de leurs muscles tatoués d'épines. Chacun d'entre eux portait un croc dentelé et un ceinturon alourdi par des couteaux de boucher. De minables truands enhardis par la chute du tyran qui tenait jusque-là Bilgewater dans sa poigne de fer. Maintenant qu'il était éliminé, la ville sombrait dans le chaos, chaque gang tâchant d'agrandir son territoire.

Ils n'avaient pas essayé de camoufler leur approche. Bottes cloutées, puanteur d'abats et jurons murmurés avaient annoncé leur présence bien avant qu'ils ne se montrent.

« Ça ne m'ennuie pas qu'une pièce salue la Grande Barbue, sûrement pas », dit le plus large des Bouchers, un homme au ventre si incroyable qu'on l'imaginait mal pouvoir s'approcher d'une carcasse pour l'éviscérer. « Mais c'est l'un de nous qui a tué John Cent-Coups ici présent, sans discute, clair et net. Alors ce kraken d'or nous appartenait. »

« Veux-tu mourir ici ? » demanda l'homme à la capuche.

L'obèse éclata de rire.

« Sais-tu à qui tu parles ? »

« Non. Et toi ? »

« Instruis-moi, alors, ainsi nous pourrons graver ton nom sur le rocher que j'utiliserai pour engloutir ta carcasse. »

« Je m'appelle Lucian », dit-il, repoussant les pans de son manteau pour dégainer une paire de pistolets dont les métaux brunis étaient inconnus même aux alchimistes les plus aventureux de Zaun. Une boule de lumière renversa l'énorme Boucher : un trou brûlant perçait sa poitrine là où son cœur grotesquement enflé avait palpité.

Le second pistolet de Lucian était plus petit, plus finement ouvragé : il tira un trait de feu aveuglant qui trancha un autre Boucher dans le sens de la longueur.

Comme les rats avant eux, les hommes voulurent s'enfuir ; mais Lucian les abattit un à un. Chaque éclat de lumière était un coup mortel. Dans le temps d'un clin d'œil, les six Bouchers étaient morts.

Il rengaina ses pistolets et referma son manteau. D'autres importuns allaient être attirés par le fracas de son œuvre, et il n'avait pas le temps de sauver ces hommes de ce qui approchait.

Lucian soupira. Il avait eu tort de s'arrêter pour le Choucas, mais peut-être que l'homme qu'il avait été naguère n'était pas totalement perdu. Un souvenir était sur le point de refaire surface dans son esprit et il secoua la tête.

« Je ne peux plus être lui », dit Lucian.

Il n'est pas assez fort pour tuer le Garde aux chaînes.
 
II
 
Le haubert d'Olaf était couvert de sang et de viscères. Il grogna en balançant d'une main sa hache. L'arme brisa des os et déchira des muscles : sa lame avait été trempée dans un lit de glace pure aux confins de Freljord.

Portant une torche dans une main, il progressa dans les entrailles dégoulinantes du wyrm kraken, plus térébrant à chaque revers. Il lui avait fallu trois heures pour aller aussi loin, pour creuser cette trouée dans la forêt d'organes et d'ossements.

La bête, certes, était déjà morte, abattue une semaine plus tôt après un mois de chasse depuis le Nord. Plus de trente harpons actionnés par les bras puissants et les musculatures trempées de l'équipage du Baiser de l'Hiver avaient percé sa carapace, mais c'est la lance d'Olaf qui avait enfin porté le coup de grâce.

Tuer la bête au cœur d'une tempête dans les parages de Bilgewater avait été exaltant et, pendant un court moment, lorsque le tangage du navire avait menacé de le faire basculer dans la gueule du monstre, Olaf avait vraiment pensé gagner la mort glorieuse qu'il avait toujours cherchée.

Mais Svarfell, à la barre (maudites soient ses puissantes épaules !), était parvenu à recentrer le navire.

Hélas, Olaf avait survécu. De nouveau, il risquait de mourir un jour dans son lit, paisiblement, bêtement, vieillard à la barbe grise.

Ils avaient mouillé à Bilgewater, espérant vendre la carcasse et lui arracher des trophées guerriers (d'immenses crocs, du sang noir brûlant comme de l'huile, une cage thoracique assez vaste pour abriter un hall de palais).

Les hommes de sa tribu, épuisés par la chasse, dormaient à bord du Baiser de l'Hiver, mais Olaf, toujours impatient, ne parvenait pas à trouver le sommeil. Il avait donc pris sa hache et il travaillait à démembrer le monstre colossal.

Enfin, il atteignit la gueule de la bête, assez vaste pour dévorer tout un clan ou une barcolle à trente bancs de nage en une bouchée. Ses crocs étaient taillés comme des blocs de granit.

Olaf hocha la tête. « Oui. Digne d'accueillir le foyer des hordes du vent et des visionnaires qui lisent les os et la cendre. »

Il planta la base aiguisée de sa torche dans la chair du wyrm kraken et se mit au travail, attaquant la mâchoire jusqu'à desceller une dent. Il accrocha la hache à sa ceinture et souleva la dent pour la caler sur son épaule, non sans grogner sous le poids.

« Comme un troll des neiges cherchant de la glace pour son antre », dit-il en replongeant dans les entrailles de la bête, enfoncé jusqu'aux genoux dans le sang et le suc gastrique.

Finalement, il émergea de l'immense blessure à l'arrière du wyrm kraken et il aspira une longue bouffée d'air presque frais. Même en sortant des entrailles de la bête, Bilgewater paraissait ce qu'elle était : une puanteur de fumée, de sueur et de cadavres. Son air était alourdi par la masse des habitants entassés les uns sur les autres comme des porcs avant l'abattoir.

Olaf cracha et grommela : « Plus tôt je retournerai dans le Nord, mieux ça vaudra. »

L'air de Freljord était assez glacial pour vous percer jusqu'à l'os. Ici, chaque inspiration sentait le lait caillé et la viande avariée.

« Eh oh ! » cria une voix.

Olaf tenta de percer l'obscurité et aperçut un pêcheur solitaire qui ramait vers la haute mer, au-delà de la ligne des bouées où cloches et oiseaux morts étaient suspendus.

« Cette bête vient de te déféquer ? » demanda le pêcheur.

Olaf approuva de la tête et répondit : « Je n'avais pas d'argent pour payer mon passage sur un navire, alors je lui ai permis de m'avaler à Freljord pour m'emmener jusqu'au Sud. »

Le pêcheur sourit et but au goulot d'une bouteille de verre bleu. « Je suis tout disposé à m'asseoir pour entendre ce conte ! »

« Viens sur le Baiser de l'Hiver et demande Olaf. Nous partagerons un tonneau de Gravöl et nous honorerons la bête avec des chants funèbres. »
 
III

L'air qui entourait le Quai blanc puait généralement le guano et le poisson pourri. Aujourd'hui, il sentait la viande brûlée et la fumée de feu de bois, et Miss Fortune associait ces odeurs à la mort des hommes de Gangplank. Les cendres obscurcissaient le ciel et de la fumée pestilentielle dérivait vers l'ouest depuis les cuves des quais-abattoirs où fondait le lard de léviathan. Miss Fortune avait l'impression que sa bouche était graisseuse et elle cracha sur le quai. L'eau, en dessous, était souillée par les milliers de cadavres engloutis au fil des ans.

« Toi et tes hommes avaient eu une nuit chargée », dit-elle, désignant du menton la fumée qui montait sur les falaises de l'ouest.

« On peut le dire, oui », fit Rafen. « Nombreux sont les hommes de Gangplank qui ont perdu la vie aujourd'hui. »

« Combien en avez-vous eu ? » demanda Miss Fortune.

« Une dizaine d'hommes du clan des Récifs », dit Rafen. « Et les Fossoyeurs ne nous embêteront plus. »

Miss Fortune approuva de la tête et chercha des yeux le canon de bronze sculpté posé sur le quai.

Jackknife Byrne était dans le fût, mort d'un coup de tromblon le jour où tout avait changé, le jour où le Dead Pool avait explosé devant tout Bilgewater.

Un coup de tromblon qui était destiné à Miss Fortune.

Il était temps pour Byrne d'être immergé avec les autres morts et elle lui devait bien ça, être là pour ses funérailles. Deux centaines d'hommes et de femmes étaient là pour lui rendre hommage ; ses propres lieutenants, les vieux camarades de Byrne, des inconnus qui étaient sans doute d'anciens membres de son équipage, ou de simples curieux voulant voir la femme qui avait abattu Gangplank.

Byrne prétendait avoir un jour commandé son propre navire, un brigantin à deux mâts qui terrifiait les côtes de Noxus, mais il n'en avait aucune preuve. C'était peut-être vrai, peut-être pas, mais à Bilgewater la vérité était souvent plus bizarre que les contes de taverne des marins en permission.

« Je vois que tu les as fait s'affronter aux quais-abattoirs », dit Miss Fortune, époussetant les cendres sur ses revers. Ses longues mèches rouges tombaient de son tricorne sur les épaules de sa redingote stricte.

« Oui, ça n'a pas été difficile de monter les Chiens d'égout contre les Rois des quais », dit Rafen. « Ven Gallar a toujours lorgné sur ce coin de la ville. On dit que les gars de Travyn l'ont volé à son père il y a une décennie. »

« C'est vrai ? »

« Qui sait ? » dit Rafen. « Ça n'a pas d'importance. Gallar dirait n'importe quoi pour pouvoir s'emparer de ce secteur des docks. Je lui ai juste donné un coup de main. »

« Je ne vois plus trop de quoi on peut s'emparer ici, maintenant. »

« C'est vrai », admit Rafen avec un sourire. « En attendant, ils se sont entretués. Je doute qu'aucune des deux bandes nous donne du souci avant longtemps. »

« Encore une semaine comme ça et il ne restera plus en vie un seul des hommes de Gangplank. »

Rafen lui lança un étrange regard et Miss Fortune fit comme si elle n'avait pas remarqué.

« Allons, offrons Byrne aux profondeurs », dit Miss Fortune.

Ils approchèrent du canon, prêts à le faire rouler jusqu'à la mer. Une forêt de bouées de bois tanguait sur la surface écumeuse de l'eau, des simples disques aux plus somptueuses sculptures de wyrms marins.

« Quelqu'un veut dire quelque chose ? » demanda Miss Fortune.

Personne ne répondit et elle fit un geste du menton à Rafen ; mais avant qu'ils ne puissent faire basculer le canon dans l'eau, une voix tonnante retentit sur le quai.

« Moi, j'ai quelque chose à dire. »

Miss Fortune se retourna et vit une grande femme à la robe colorée remonter le dock dans leur direction. Un détachement d'hommes tatoués l'accompagnait, une dizaine de jeunes gens armés de lances crantées, de tromblons et de gourdins à pointes. Ils avançaient comme la bande arrogante qu'ils étaient, escortant leur prêtresse comme s'ils possédaient les docks.

« Par les sept enfers, qu'est-ce qu'elle fait ici ? »

« Illaoi connaissait Byrne ? »

« Non. Elle me connaît », dit Miss Fortune. « Il paraît qu'elle et Gangplank... tu sais ? »

« Vraiment ? »

« C'est ce qu'on dit dans les tavernes. »

« Par la Grande Barbue, je ne m'étonne plus que les hommes d'Okao nous aient donné tant de mal au cours de ces dernières semaines. »

Illaoi portait une lourde sphère de pierre qui semblait peser autant que l'ancre du Syren. L'immense prêtresse l'emportait partout où elle allait et Miss Fortune en concluait que ce devait être une sorte de totem. Illaoi avait pour celle que tout le monde appelait la Grande Barbue un nom à peu près imprononçable.

Illaoi sortit d'on ne sait où une mangue épluchée et prit une bouchée. Elle mâcha bruyamment en observant vaguement le fût du canon.

« Un citoyen de Bilgewater mérite la bénédiction de Nagakabouros, non ? »

« Pourquoi pas ? » dit Miss Fortune. « Il s'en va rencontrer la déesse, après tout. »

« Nagakabouros ne vit pas dans les profondeurs », dit Illaoi. « Seuls les naïfs paylangi le croient. Nagakabouros est en toute chose que nous faisons lorsque nous suivons notre voie. »

« Ouais, je suis vraiment trop bête », dit Miss Fortune.

Illaoi cracha la peau fibreuse de la mangue dans l'eau et redressa l'idole de pierre pour la tenir devant Miss Fortune.

« Tu n'es pas bête, Sarah », rit-elle. « Mais tu ne sais même pas qui tu es ni ce que tu as fait. »

« Pourquoi es-tu ici, Illaoi ? C'est vraiment pour lui ? »

« Ha ! Sûrement pas. Ma vie tout entière appartient à Nagakabouros. Hésiter entre un dieu et un homme ? Allons donc ! »

« Vu comme ça », dit Miss Fortune. « Gangplank n'avait aucune chance. »

Illaoi sourit, la bouche encore pleine de mangue.

« Tu n'as pas tort », dit-elle avec un geste du menton, « mais tu continues à ne pas entendre. Si tu attrapes un brochet, il faut lui briser la nuque avant qu'il ne te morde. Sinon, ton mouvement cessera à jamais. »

« Qu'est-ce que ça veut dire ? »

« Reviens me voir quand tu auras compris. » Dans la paume d'Illaoi, il y avait un pendentif de corail rose : ses courbes, qui semblaient jaillir d'un point central, évoquaient un œil toujours attentif.

« Prends ceci », dit Illaoi.

« Qu'est-ce que c'est ? »

« Un don de Nagakabouros pour te guider quand tu es perdue. »

« Qu'est-ce que c'est vraiment ? »

« Rien de plus que ce que je viens de te dire. »

Miss Fortune hésita, mais trop de monde était assemblé ici pour qu'elle puisse offenser ouvertement une prêtresse de la Grande Barbue en refusant son cadeau. Elle prit le pendentif et ôta son tricorne pour passer à son cou le fil de cuir.

Illaoi se pencha pour murmurer à son oreille.

« Je ne crois pas que tu sois bête. Il ne te reste qu'à me le prouver. »

« Je me moque de ce que tu penses de moi », dit Miss Fortune.

« Tu as tort, car un ouragan approche », rétorqua Illaoi, les yeux fixés sur quelque chose, au-delà des épaules de Miss Fortune. « Tu sais de quoi je veux parler, tu devrais te préparer à affronter le raz-de-marée. »

Elle se retourna et frappa du pied le canon de Byrne. Il creva l'eau dans une éclaboussure sonore et coula sous la surface huileuse, ne laissant derrière lui que la bouée qui indiquait sa position.

La prêtresse de la Grande Barbue repartit comme elle était venue en direction de son temple, niché dans le cratère de la falaise, et Miss Fortune tourna son regard vers l'océan.

Une tempête se préparait aux confins de la ligne d'horizon, mais ce n'est pas ce qu'Illaoi avait regardé.

Elle avait regardé en direction des Îles obscures.
 
IV
 
Personne ne pêche la nuit dans la baie de Bilgewater.

Piet savait pourquoi, bien sûr, il était du coin. Les courants étaient imprévisibles, des récifs affleuraient qui pouvaient crever une coque, et les fonds marins étaient le cimetière des capitaines qui n'avaient pas respecté la mer comme elle le méritait. Mais, bien plus grave, tout le monde savait que les esprits des naufragés sont seuls et veulent que d'autres se joignent à eux.

Piet savait tout cela, mais il fallait bien qu'il nourrisse sa famille.

La petite guerre privée de Gangplank et Miss Fortune avait réduit en cendres le navire du capitaine Jerimiad et Piet n'avait plus travail ni argent.

Il avait bu une demi-bouteille pour se donner du courage et avait mis sa barque à l'eau en pleine nuit ; la perspective de trinquer plus tard avec le géant venu de Freljord avait un peu apaisé ses nerfs.

Piet avala une autre gorgée avant de lâcher une rasade dans l'eau pour honorer la Grande Barbue.

Réchauffé et engourdi par la liqueur, Piet rama au-delà des bouées et poursuivit jusqu'à un coin d'océan où il avait eu de la chance la nuit précédente. Jerimiad disait toujours qu'il avait du flair pour les coins de pêche et il pensait avoir de bonnes chances autour des vestiges du Dead Pool.

Piet tira sur les avirons et les remisa avant de finir son alcool. Il ne laissa qu'un fond dans la bouteille avant de la lancer par-dessus bord. De ses doigts gourds, il accrocha à sa ligne un appât pris dans les orbites d'un mort et il attacha le fil au taquet.

Il ferma les yeux et se pencha de l'autre côté du bateau avant de plonger ses deux mains dans l'eau.

« Nagakabouros », dit-il, espérant attirer la chance en utilisant le nom indigène de la Grande Barbue, « je ne demande pas grand-chose. Aide simplement un pauvre pêcheur en lui concédant un peu de nourriture de ton cellier. Veille sur moi et protège-moi. Et si je meurs dans tes bras, garde-moi dans les profondeurs parmi les morts. »

Piet ouvrit les yeux.

Une face pâle le regardait, juste sous la surface. Elle brillait d'une lumière froide, morte.

Piet hurla et se rejeta en arrière dans sa barque tandis que ses lignes de pêche se tendaient une à une. Le bateau se mit à virer tandis que des filaments de brume montaient de l'eau. La brume s'épaissit rapidement et les falaises de Bilgewater disparurent aux yeux du marin dans l'obscurité d'un brouillard anthracite.

Une cacophonie éclata brusquement : les oiseaux morts qui décoraient les bouées semblaient revenir à la vie en piaillant et, dans leurs convulsions, faisaient tinter les cloches.

La Brume noire...

Piet se précipita sur ses avirons, cherchant à les glisser dans les dames de nage. La brume était froide à l'engourdir et, partout où elle touchait sa peau, des nécroses noires apparaissaient. Il se mit à pleurer tandis que le frisson de l'agonie paralysait son échine.

« Grande Barbue, Mère des profondeurs, Nagakabouros ! » sanglota-t-il. « Guide-moi jusqu'à la maison, je t'en prie. Je te supplie de bien vouloir... »

Piet ne finit pas son imploration.

Une paire de chaînes terminées par des crochets enfoncèrent sa poitrine, projetant des éclaboussures de sang. Un troisième crochet traversa son ventre, un quatrième sa gorge. Deux autres crochets traversèrent ses paumes et ancrèrent Piet sur le fond de sa barque.

Le pêcheur hurlait de douleur lorsque la silhouette du mal absolu émergea de la Brume noire. Un feu d'émeraude faisait halo autour de son crâne cornu et ses orbites crevées par des esprits vengeurs brûlaient tandis qu'ils savouraient sa souffrance.

L'esprit mort portait une antique robe noire et des clés rouillées se balançaient à son côté. Une lanterne cadavérique s'agitait à son poing, grognant d'un appétit impie.

Le verre de la lanterne infernale s'ouvrit pour le recevoir et Piet sentit qu'on extirpait son esprit hors de sa chair chaude. Les hululements des âmes torturées rendues folles par leur éternel purgatoire crevaient l'obscurité. Piet lutta pour conserver son esprit dans son enveloppe de chair, mais une lame spectrale fendit l'air et son temps chez les vivants prit fin dans le claquement d'une lanterne qui se ferme.

« Tu es une âme médiocre », fit celui qui lui avait ôté la vie, d'une voix granitique de pierre tombale. « Mais tu es la première âme dont Thresh s'empare cette nuit. »

Il y eut un frémissement dans la Brume noire et les silhouettes des esprits maléfiques, des fantômes gémissants et des cavaliers spectraux piaffèrent en son sein.

Les ténèbres marines se déversèrent sur la terre.

Et les lumières de Bilgewater disparurent une à une.
 
Maintenance : Patch 5.21
[Updated] Nouvelles histoires pour Thresh, Mordeka...
 
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  • This commment is unpublished.
    Black Reaper CCG · 8 years ago
    Es ce normale qu'il n'y a pas eu d'annonce pour la mise à jour de demain sur le site ?
    Car vu que la présence de Illaoi dans cette histoire j'aurai penser à une révélation du champion demain si il veulent le sortir à peu près pour l'event d'halloween (quelque temp après dans se cas)
    • This commment is unpublished.
      Philidia
      • Administrateur du site
      · 8 years ago
      Ben pour l'instant, le cycle PBE est terminé, mais je n'ai pas encore vu d'annonce pour la maintenance. Vu que ça sera une MAJ présaison, ça ne me surprend pas plus que ça, mais ça m'ennuira d'avoir posé des congés pour rien si c'est pas cette semaine =P
  • This commment is unpublished.
    Anarky · 8 years ago
    C'est excellent cette histoire, on voit ENFIN Lucian!!!! J'ai tellement hâte de voir la suite, j'espère qu'il pourra libérer sa femme le pauvre, et en finir avec Thresh son ennemi de longue date (qui a 4 crochets dans l'histoire, dans le jeu on en a qu'un seul:D)
    Bon, je pense pas qu'ils oseront tuer un de leur champion, suffit de voir le dénouement de Graves/TF et GP qui survit à l'impossible, mais j'espère quand même qu'il y aura une vraie altercation et des changement à l'image de GP (skin qui change etc).

    En tout cas, BRAVO Rito, ça fait depuis la sortie de Lucian que j'attendais d'en savoir plus sur les Îles obscures et sa quête, je suis absolument comblée! J'espère vraiment qu'on aura des icône à gagner comme avec l'event de Bilgewater!
  • This commment is unpublished.
    SkitSky · 8 years ago
    L'histoire est cool ! Surtout l'énorme Spoil dIllaoi x)
    Par contre rien à voir mais je pense que c'est la déception pour la pre saison ce soir x)
    Ce sera pour demain alors :P
    Y a la bêta d'overwatch en consolation !
  • This commment is unpublished.
    Cypher · 8 years ago
    Marrant de voir une histoire sur les îles obscures et Bilgewater un peu plus d'une semaine après que j'ai posté la mienne sur le Fofo =)

    Pour ceux que ça intéresse:
    http://boards.euw.leagueoflegends.com/fr/c/creations-de-la-communaute-fr/k5LeBlkE-parce-que-nous-nous-approchons-des-brumes?comment=0007

    Ca envoi du pâté sévère tout ça =), j'ai hâte de voir la suite et surtout l'arrivée d'Illaoi
  • This commment is unpublished.
    hinata1906 · 8 years ago
    On aura une version video ? J'ai la fleme de tout lire la en fait, c'est trop d'un coup x)
  • This commment is unpublished.
    Jadien · 8 years ago
    Tiens ? Illaoi est présente dans ce texte o:
    • This commment is unpublished.
      Cypher · 8 years ago
      Une prêtresse de la Grande Barbue c'est quand même sympa comme concept =)
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