By Philidia on vendredi 9 octobre 2015
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La nouvelle histoire de Fiora

 
Jusqu'à présent, nous n'avions pu voir que la version courte en quelques lignes de la nouvelle histoire de Fiora, après sa refonte, à la fin du mois de juillet sur le PBE. Et sur la page du champion, on voyait jusqu'à présent que Riot avait quelques soucis à mettre en place les détails comme les nouveaux sorts et la nouvelle histoire, puisque rien n'apparaissait, hormis des inscriptions bizarres laissant penser à des bugs.
 
Mais l'histoire complète est enfin disponible, et en français. Et Riot n'a visiblement pas lésiné sur la longueur de l'histoire, et notamment sur le concept d'honneur de la famille de Fiora, sur lequel on peut en apprendre beaucoup, ainsi que sur son père... Une très belle histoire, qu'a d'ailleurs saluée IronStylus.
 
Fiora, Sublime bretteuse
 
« Je viens vous tuer parce que l'honneur l'exige. Et quoi que vous en soyez dépourvu, vous allez mourir. »
 
Fiora est la duelliste la plus redoutée de Valoran : elle est connue pour ses manières brusques et sa vivacité d'esprit autant que pour la rapidité de sa rapière d'acier bleu. Née au sein de la Maison Laurent du royaume de Demacia, Fiora a pris le contrôle de la famille à son père dans les remous d'un scandale qui faillit la détruire. La réputation de la Maison Laurent a été ternie, mais Fiora investit toute son énergie à restaurer l'honneur de sa famille pour qu'elle reprenne sa place légitime parmi les grands de Demacia.
 
Dès son plus jeune âge, Fiora trompa toutes les attentes que l'on plaçait en elle. Sa mère lui fit fabriquer par les meilleurs artisans de Demacia des poupées d'un réalisme stupéfiant, mais Fiora les donna à ses servantes et s'empara de la rapière de son frère, le forçant à lui donner des leçons en secret. Son père acheta des légions de mannequins de couturière pour permettre à sa modéliste personnelle de lui broder les brocarts les plus fabuleux. Fiora les utilisa pour s'entraîner aux fentes et aux bottes.
 
À chaque étape de sa vie, Fiora incarna tout ce qu'il y a de noble à Demacia, cherchant rien moins que la perfection en toutes choses et ne tolérant aucune insulte envers son honneur ou les idéaux de sa famille. Plus jeune fille de la Maison Laurent, elle était destinée à n'être qu'un pion politique, à servir par son mariage le grand jeu des alliances patriciennes. Cela ne lui convenait nullement, son tempérament lui affirmant qu'il n'y a que déshonneur à être manipulé par la volonté d'un autre, cet autre fût-il son père bien-aimé. Mais en dépit de sa résistance, un mariage hautement politique fut arrangé avec une branche de la Maison Crownguard et les noces devaient être célébrées l'été suivant.
 
Les vieilles familles de Demacia envoyèrent leurs représentants à la Maison Laurent pour la cérémonie, mais Fiora refusa d'accepter le sort qui lui était imposé. Elle déclara devant l'élégante assemblée qu'elle mourrait plutôt que de se disgracier en laissant quelqu'un prendre la main haute sur sa vie. Son prétendant était publiquement humilié et sa famille exigea qu'un duel à mort efface le scandaleux affront de Fiora.
 
Fiora accepta immédiatement, mais en tant que maître de la Maison Laurent, il était du devoir de son père d'accepter. Le champion de la Maison Crownguard était un guerrier redoutable et la défaite était presque certaine. Mais perdre signifiait la ruine de la Maison Laurent et l'exil en disgrâce de sa fille. Devant cette terrible perspective, le père de Fiora fit un choix qui allait jeter l'opprobre sur sa famille pour les années à venir. La nuit précédant le duel, il tenta de droguer son adversaire pour amoindrir ses réflexes, mais sa tentative fut découverte et le maître de la Maison Laurent fut arrêté.
 
La loi de Demacia est, de notoriété publique, dure et inflexible. Le père de Fiora avait rompu le fondement même de son code de l'honneur. Il allait subir une humiliation publique sur l'échafaud, pendu comme un criminel de droit commun, et toute sa famille serait bannie de Demacia. La veille de sa mort, Fiora rendit visite à son père en cellule, mais ce qu'ils se dirent reste un secret pour tout autre qu'elle.
 
Une règle ancienne d'un code d'honneur oublié autorisait cependant le membre d'une famille déchue à reconquérir son honneur dans le sang et à éviter ainsi un exil qui correspondait presque à une condamnation à mort. Sachant qu'ils n'avaient pas le choix, le père et la fille s'affrontèrent dans la Salle des Lames. La justice ne pouvait se contenter d'un assassinat, le père de Fiora devait combattre et être combattu. L'affrontement fut prodigieusement rapide, dans une danse de lames si fluide que ceux qui la virent n'oublièrent jamais ce dont ils avaient été le témoin. Le père de Fiora était une fine lame, mais il ne pouvait lutter contre sa fille. Chaque cliquetis de lame était pour eux un adieu, mais à la fin Fiora, en larmes, enfonça son épée dans le cœur de son père et regagna la place de sa famille au sein de la société de Demacia. Son père gisant mort à ses pieds, Fiora devint le maître de la Maison Laurent (à la plus grande surprise de ses frères aînés...).
 
L'honneur de la Maison Laurent n'était pas totalement détruit, mais les scandales de cette envergure ne s'oublient pas si vite. Dans les années qui suivirent, Fiora se montra avisée à la tête de sa Maison, apprenant rapidement à ne pas commettre les erreurs habituelles des jeunesses impétueuses. Elle devint aussi remarquable dans la négociation qu'avec une épée, tranchant les nœuds gordiens avec une clarté qui allait devenir légendaire et une immédiateté qui n'avait que l'apparence de la cruauté. À ce jour, certains parlent encore de la disgrâce de sa Maison ou rient de la décadence d'une Maison dont la tête est une femme, mais toujours en privé. Car quand de tels propos viennent aux oreilles de Fiora, elle se fait justice des calomniateurs à la pointe de l'épée. Mais même en ces circonstances, elle n'abandonne pas toute ruse pragmatique, offrant à chaque adversaire une manière d'échapper à la mort sans sacrifier à l'honneur. Jusqu'à aujourd'hui, nul n'a accepté son offre, et nul n'a survécu à un duel avec elle.
 
La fortune de la Maison Laurent connaissant un nouvel essor, Fiora ne manque pas de prétendants, mais nul n'a encore su mériter sa main. Beaucoup suspectent Fiora de soumettre les prétendants à d'impossibles règles de cour pour pouvoir rester célibataire, une femme mariée devant traditionnellement abandonner le pouvoir à son mari.
 
Et Fiora n'a jamais rien fait en suivant les traditions.
 
 
L'homme que Fiora s'apprêtait à tuer se nommait Umberto. Il avait l'apparence d'un homme sûr de lui. Elle le regardait parler à quatre hommes, si semblables qu'ils étaient sans doute ses frères. Les cinq personnages étaient arrogants et satisfaits, comme si se présenter à la Salle des Lames pour répondre à son défi était bien en dessous d'eux.
 
L'aube diffractait des lueurs anguleuses par les meurtrières et le marbre pâle reflétait la silhouette de ceux qui étaient venus voir une vie atteindre son terme. Ils étaient alignés sous les ogives, membres des deux Maisons, badauds, spectateurs seulement avides de voir le sang couler.
 
« Madame », dit Ammdar, le frère puîné de sa Maison, lui tendant une courte rapière à la lame d'acier bleu que la lumière teintait d'éclats liquides. « Voulez-vous vraiment poursuivre ? »
 
« Bien sûr », répliqua Fiora. « Vous avez entendu les sornettes qu'Umberto et la stupidité de ses frères répandent au Commercia ? »
 
« Oui. Mais cela vaut-il la mort ? »
 
« Si on laisse passer une insulte, tout le monde se pensera libre de bavasser », répondit Fiora.
 
Ammdar fit un geste de la tête et recula. « Faites ce que vous devez. »
 
Fiora s'avança, fendant deux fois l'air de sa lame : un signe que le duel était sur le point de commencer. Umberto se retourna vers elle et la colère gonfla Fiora quand elle le vit évaluer son physique d'un regard qui descendait loin sous le visage. L'homme tira son arme, un long sabre sculpté de la cavalerie demacienne, orné d'un saphir et de glands d'or. Une arme de poseur qui ne convenait nullement aux exigences d'un duel.
 
Umberto se plaça sur la marque qui lui était réservée et imita les mouvements que Fiora avait exécutés. Il salua et fit un client d'œil. Fiora sentit ses mâchoires se crisper, mais chassa son mépris. L'émotion n'avait nulle place dans un duel. Elle obscurcissait l'art de l'escrimeur et, à cause d'elle, plus d'un grand bretteur avait cédé devant un médiocre adversaire.
 
Ils se tournèrent autour, multipliant les mouvements de pieds et de lames comme des danseurs au premier temps d'une valse. Les mouvements n'avaient pour but que de rappeler aux deux adversaires la signification de ce qu'ils s'apprêtaient à entreprendre.
 
Les rituels du duel étaient très importants. Ils avaient pour fonction de maintenir une illusion de civilisation et de noblesse dans l'assassinat. Fiora savait que c'étaient des lois justes, de bonnes lois, mais cela ne changeait rien au fait qu'elle s'apprêtait à tuer l'homme qui se tenait devant elle. Et comme Fiora croyait en ces lois, il lui fallait faire son offre.
 
« Monsieur, je suis Fiora, de la Maison Laurent. »
 
« Gardez cela pour le graveur de tombes ! » railla Umberto.
 
Elle ignora cette médiocre tentative d'ironie et ajouta : « On a porté à mon attention que vous avez meurtri la réputation de ma Maison d'une façon injuste et vile, en répandant sur elle des calomnies sur la légitimité de ma naissance. Il est donc de mon droit de vous défier pour restaurer dans le sang l'honneur des miens. »
 
« Je sais tout cela », dit Umberto, fanfaronnant pour la foule. « Ne suis-je pas ici ? »
 
« Vous êtes ici pour y mourir », promit Fiora. « Sauf si vous renoncez à combattre en me donnant satisfaction. »
 
« Et comment, madame, puis-vous donner satisfaction ? »
 
« Compte tenu de la nature de votre offense, acceptez que votre oreille droite soit coupée. »
 
« Quoi ? Êtes-vous folle, madame ? »
 
« C'est cela ou mourir », dit Fiora calmement, comme si elle parlait du temps. « Vous savez comment ce duel prendra fin. Il n'y a pas de honte à vous incliner. »
 
« Bien sûr que si », rétorqua Umberto ; et Fiora vit qu'il pensait toujours pouvoir vaincre. Comme tout le monde, il la sous-estimait.
 
« Chacun sait ici ce que je vaux lame en main, choisissez de vivre et portez votre amputation comme une marque honorifique. Ou choisissez la mort et nourrissez les corbeaux du matin. »
 
Fiora leva sa lame. « Mais choisissez maintenant. »
 
La colère d'Umberto devant ce qu'il croyait de l'arrogance submergea sa peur et il s'élança, la pointe de son sabre dirigée vers le cœur. Fiora avait deviné l'attaque avant même qu'elle ne parte ; elle pivota d'un quart de tour sur la gauche et l'arme ne faucha que le vent. Sa propre lame suivit avec précision un arc en diagonale. Un grondement s'éleva de la foule tandis que, dans une éclaboussure de sang, le duel prenait fin avec une stupéfiante rapidité.
 
Le sabre d'Umberto tomba en cliquetant sur les dalles de granit. L'homme tomba à genoux, les mains fermées sur une gorge tranchée d'où le sang jaillissait à bouillons.
 
Fiora s'inclina devant Umberto, mais les yeux vitreux de l'homme n'étaient déjà plus capables de voir que sa mort imminente. Fiora n'avait pris aucun plaisir à cette exécution, mais l'imbécile ne lui avait guère laissé de choix. Les frères d'Umberto vinrent chercher le cadavre et elle ressentit le choc qu'ils éprouvaient devant cette défaite.
 
« Combien cela fait-il ? » demanda Ammdar, approchant pour lui reprendre la rapière. « Quinze ? Vingt ? »
 
« Trente », dit Fiora. « Ou peut-être plus. Ils se ressemblent tous à mes yeux. »
 
« Il en viendra d'autres », promit son frère.
 
« Qu'il en soit ainsi », répondit Fiora. « Mais chaque mort restaure l'honneur de la famille. Chaque mort approche l'heure de la rédemption. »
 
« La rédemption pour qui ? » demanda Ammdar.
 
Mais Fiora ne répondit pas.
 
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