By Tsuba-Nezumi on mercredi 26 avril 2017
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Nouvelles histoires sur les Vastayas

De nouvelles histoires sur les Vastayas sont arrivées sur le site univers dédié à l'histoire du jeu. Elles concernent Ahri, Nami, Rengar et Wukong !
 
Évolution des Vastayas
 
Les Marai marins, les Kiilash tribaux... Incroyable ! Combien d'espèces reste-t-il à découvrir ?
 

 
 

Ahri - Bio

 
Dotée d'un lien inné avec le pouvoir naturel de Runeterra, Ahri est une Vastaya capable de modeler la magie pour en faire des orbes d'énergie pure. Elle aime plus que tout jouer avec ses proies en manipulant leurs émotions avant de dévorer leur essence vitale. Malgré sa nature prédatrice, Ahri conserve une certaine empathie lorsqu'elle découvre les fragments de souvenirs des âmes qu'elle consomme.
 
Abandonnée dans les forêts enneigées du nord d'Ionia, Ahri ne connaissait rien de sa famille, dont elle ne gardait qu'un unique témoignage : deux gemmes assorties. Alors qu'elle participait régulièrement aux chasses matinales d'une meute de renards des glaces, elle finit par être adoptée par eux. N'ayant personne pour lui enseigner la magie de son peuple, Ahri découvrit par instinct comment l'absorber dans l'environnement et elle apprit à créer des sphères destructrices et à affûter ses réflexes pour abattre ses proies. Si elle se trouvait assez près, elle était même capable de plonger une biche dans un état de tranquillité tel que l'animal restait calme quand bien même elle plongeait ses dents dans sa chair.
 
Ahri fit pour la première fois la rencontre des humains lorsque des soldats étrangers établirent un camp près de sa tanière. Intriguée par leur comportement et bien décidée à en apprendre plus, elle les observa à distance. Elle était particulièrement fascinée par un chasseur qui, contrairement à ses compagnons gaspilleurs, utilisait chaque partie des animaux qu'il tuait, à l'image de sa fratrie de renards.
 
Un jour, le chasseur fut blessé par une flèche et Ahri sentit sa vie le quitter. Par instinct, elle dévora l'essence qui quittait son corps, et assista pendant un court instant à ses souvenirs : l'amour qu'il avait perdu au combat, les enfants qu'il avait laissés dans une mystérieuse terre de pierre et d'acier. Elle découvrit qu'elle pouvait transformer sa douleur en joie et, au moment de sa mort, projeta en lui l'image d'une prairie baignée par le soleil.
 
Enthousiasmée par la vie du chasseur qu'elle venait d'absorber, Ahri se sentit plus vivante que jamais et voyagea à travers Ionia pour trouver d'autres victimes. Elle prenait grand plaisir à jouer avec ses proies et à altérer leurs émotions avant de consommer leur énergie vitale. Elle les éblouissait parfois avec des visions d'une grande beauté, ou leur inspirait un profond sentiment de nostalgie, ou encore dépeignait des rêves teintés d'une lourde tristesse.
 
Elle était enivrée par des souvenirs qui ne lui appartenaient pas, grisée par les vies des autres. Grâce à ces visions arrachées à leurs propres yeux, Ahri les voyait prêter serment d'allégeance devant un temple des ombres, offrir des offrandes à une déité solaire, rencontrer une tribu de Vastayas aviaires qui ne s'exprimaient qu'en chansons, et admirer un paysage montagneux tel qu'elle n'en avait jamais vu. Le chagrin et l'allégresse auxquels elle goûtait à travers ces alléchants souvenirs la rendaient de plus en plus gourmande, et le spectacle des envahisseurs noxiens qui massacraient les villageois ioniens l'affligea.
 
Ahri fut surprise lorsque ces souvenirs la menèrent à découvrir l'histoire d'un mystérieux renard démoniaque. En absorbant toujours plus d'essences vitales, elle finit par s'identifier de plus en plus à ses victimes et commença à se sentir coupable de mettre fin à tant d'existences. Elle craignait que les mythes racontés à son sujet fussent vrais, et qu'elle ne fût en fait qu'un monstre cruel. Mais chaque fois qu'elle espaçait ses repas spirituels, elle sentait ses forces diminuer, et ne pouvait s'empêcher de repartir en chasse.
 
Ahri mit sa maîtrise d'elle-même à l'épreuve en ne consommant que des faibles quantités d'énergie vitale, de quoi absorber l'un ou l'autre souvenir sans pour autant tuer sa proie. Elle y parvint, pendant un temps, mais restait torturée par sa faim inassouvie et finit par succomber à la tentation en allant se repaître des rêves d'un village côtier tout entier.
 
Tourmentée par son erreur, Ahri ne parvenait pas à se pardonner et ressentit un chagrin tel qu'elle remit sa propre existence en question. Elle se retira dans les grottes de la forêt, où elle s'isola dans l'espoir d'y apprendre à maîtriser son désir impulsif. Quelques années plus tard, elle refit son apparition, bien décidée à découvrir chaque facette de la vie à travers ses propres yeux. S'il lui arrivait à de rares occasions de se nourrir encore d'essence vitale, elle résistait à l'envie de consommer des vies entières. Avec l'aide de ses gemmes comme seul indice de ses origines, Ahri se mit à la recherche des siens. Il n'était plus jamais question pour elle de se reposer sur des souvenirs empruntés et des rêves qui ne lui disaient rien.
 
 
Ahri - Un échange équitable
 
Le marché embaumait l'encens et les légumes pourrissant.
 
Ahri resserra son manteau autour de ses neuf queues et joua avec ses deux pierres solaires pour ne plus penser à la puanteur, les faisant rouler entre ses doigts et cliqueter l'une contre l'autre. Chacune d'elles avait la forme d'une flamme, mais elles étaient gravées de telle manière que les angles les plus rudes s'imbriquaient pour en faire un orbe lisse. Ses pierres d'or l'accompagnaient depuis aussi longtemps qu'elle pouvait s'en souvenir, même si leur origine lui était inconnue.
 
Ahri était dans un nouvel environnement, mais la magie latente qui bourdonnait autour d'elle la rassurait. Elle longea un étal dont les paniers tressés étaient intégralement remplis de rocs polis, de coquillages gravés de légendes par une tribu des mers, de dés taillés dans des os et d'autres objets étranges. Rien n'était dans le style des pierres sculptées d'Ahri.
 
« Vous voulez une gemme aussi bleue que l'azur des cieux ? » lui demanda le marchand à barbe grise. « Pour vous, je me séparerais d'un verre céruléen pour le prix d'une simple plume de corbeau hurleur, ou peut-être d'une graine d'arbre de jubji. Je suis ouvert à la discussion. »
 
Ahri lui sourit, mais secoua la tête et continua de remonter le marché, ses pierres solaires en main. Elle dépassa un étal couvert de légumes orange piquetés de pointes, un enfant dont les fruits changeaient de couleur selon le temps et au moins trois bonimenteurs qui agitaient des encensoirs, chacun affirmant avoir découvert la forme la plus profonde de méditation.
 

 
« L'avenir ! Faites-vous prédire l'avenir ! » héla une jeune femme aux yeux lavande et au visage ovale. « Découvrez qui sera l'amour de votre vie, ou évitez le malheur avec une pincée de racines de bardane. Si vous préférez laisser aux dieux le champ de l'avenir, je vous répondrai sur votre passé. Mais je vous recommande tout de même d'apprendre si vous risquez la mort par empoisonnement. »
 
Un grand Vastaya aux oreilles félines était sur le point de mordre dans une pâtisserie aux épices. Il s'immobilisa et regarda la diseuse de bonne aventure d'un air affolé.
 
« La réponse est non. Échantillon gratuit », dit la jeune femme en lui faisant une révérence, avant de se tourner vers Ahri. « Vous, vous avez l'air d'avoir un passé sombre et mystérieux. Ou du moins des contes dignes d'être partagés. Aucune question ne vous tourmente, madame ? »
 
Sous d'épaisses couches d'encens, Ahri sentit une odeur de fourrure mouillée et de cuir au cou de la femme.
 
« Aucune, merci. Je ne fais que jeter un coup d'œil. »
 
« Vous ne trouverez pas d'autres pierres d'Ymelo sur ce marché, j'en ai peur », dit la femme en désignant du menton la main d'Ahri. « Comme celles que vous avez là. »
 
Les cheveux se dressèrent sur la nuque d'Ahri et elle approcha. Mais elle ne laissa pas l'enthousiasme s'emparer d'elle. « Vous les reconnaissez ? D'où viennent-elles ? »
 
La femme regarda Ahri.
 
« Je crois qu'elles sont d'Ymelo », répondit-elle. « Je n'en ai jamais vu en personne. Il n'en a sculpté qu'un petit nombre et la plupart des ensembles ont été dispersés pendant la guerre. Ils sont extrêmement rares. »
 
Ahri se penchait un peu plus à chaque mot.
 
« Je m'appelle Hirin, à propos », dit la femme.
 
« Vous savez où je peux trouver cet artisan ? » demanda Ahri.
 
Hirin eut un petit rire. « Aucune idée. Mais si vous entrez, je vous dirai ce que je sais. »
 
Ahri resserra son manteau autour de ses épaules et suivit la diseuse de bonne aventure jusque dans une caravane dont tous les murs étaient recouverts de peaux d'animaux.
 
« Vous voulez du thé ? demanda Hirin. « Je l'ai préparé ce matin. »
 
Elle versa deux tasses d'un liquide qui avait la couleur d'un jus de prune. Le thé avait un goût d'écorce de chêne, à peine masqué par une noix de miel. Hirin tendit la main pour demander les pierres, mais Ahri ne bougea pas.
 
« J'ai l'impression qu'elles sont spéciales pour vous, n'est-ce pas ? Mais ne vous en faites pas, je ne fais pas dans la contrebande de pierres solaires volées. C'est mauvais pour la réputation. »
 
« Pouvez-vous me dire d'où elles viennent ? » demanda Ahri en les lui transmettant précautionneusement.
 
Hirin les leva à la lumière.
 
« Elles sont très belles », dit-elle. « C'est incroyable comme elles se complètent bien. Je n'en ai jamais vu de pareilles. »
 
Ahri ne dit rien. Elle restait pétrifiée de curiosité et ne quittait pas la femme des yeux.
 
« D'après la légende, l'artiste connu sous le nom d'Ymelo collecta des œufs de lézard fossilisés des milliers d'années plus tôt, et les sculpta de formes complexes. Ces lézards vivaient bien avant que la Mer morte de Ghetu ne s'assèche pour devenir un désert, ne laissant que de la poussière et des os pétrifiés. »
 
Hirin toussa et Ahri détecta de l'amertume dans son souffle, comme si elle avait bu du vinaigre.
 
« Les pierres d'Ymelo sont conçues comme les éléments d'une sculpture plus grande », continua-t-elle.
 
La femme fit miroiter les pierres dorées devant le visage d'Ahri.
 
« Tout comme votre passé a des trous, ces pierres sont peut-être liées à d'innombrables pièces qui, une fois combinées, créent une forme totalement différente. Qui sait ce que vous deviendrez quand vous exhumerez votre histoire personnelle. Avec les morceaux qui manquent, vous risquez d'en apprendre plus que vous ne le voudriez. »
 
« De bien belles paroles », murmura Ahri en fixant la femme.
 
Après un moment de silence, Hirin ricana. « Des bribes d'inventions mêlées à des bribes de vérités. Les raccords d'une diseuse de bonne aventure doivent être invisibles. »
 
La femme prit dans un tiroir un couteau de chasse.
 
« J'injecte juste la dose suffisante de choses que vous voulez entendre pour vous donner envie de rester », dit-elle. « Jusqu'à ce que le thé engourdisse vos muscles, en tout cas. »
 
Un grognement passa les lèvres d'Ahri. Elle allait éviscérer cette femme. Elle essaya de bondir, mais ses jambes ne lui obéirent pas. Elle était clouée sur place.
 
« Oh, inutile de s'énerver. Je n'ai besoin que d'une seule queue. C'est utile dans toutes sortes de potions et ça vaut très cher. Enfin, je crois. Je n'avais encore jamais vu de Vastaya à queues de renard. Rassurez-vous, le thé vous immobilise, mais il anesthésie aussi la douleur. »
 
Hirin enroula un bandage autour d'une queue d'Ahri. Cette dernière essaya de résister, mais elle ne pouvait toujours pas bouger.
 
« Vous vous réveillerez demain, fraîche comme un gardon ! Avec une queue en moins, bien sûr. Il vous en faut vraiment neuf ? »
 
Ahri ferma les yeux et lança son esprit vers la magie qui l'entourait. L'environnement en était riche, mais elle était trop affaiblie pour puiser ce dont elle avait besoin. Elle dirigea alors son esprit vers celui d'Hirin, qui était bien plus malléable, et elle poussa.
 
Ahri ouvrit les yeux et regarda intensément ceux d'Hirin. Ils s'assombrirent, passant de la lavande au violet.
 
« Hirin », dit-elle. « Approche. Je veux voir le visage de celle qui m'a trompée. »
 
« Bien sûr, madame », répondit la tireuse de cartes hébétée. La voix de la femme semblait lointaine, comme si elle provenait du fond d'un puits.
 
Elle se pencha jusqu'à ce que son visage ne soit plus qu'à quelques pouces. Ahri inspira, siphonnant les essences vitales de la femme dans son souffle.
 
...Hirin était une jeune fille qui se cachait, affamée et effrayée, derrière les étals d'un marché. Deux hommes se disputaient à un pas, et c'était elle qu'ils cherchaient. Une journée de travail, et elle n'avait rien trouvé que des coffres vides...
 
Ahri continua à drainer la vie d'Hirin, un souvenir d'émotion brute après l'autre. Ils avaient un goût capiteux dans sa bouche et elle goûtait avec ravissement à chaque parfum d'émotion.
 
...Hirin prédisait l'avenir à un chaman recouvert de voiles et recevait une pièce de cuivre en paiement. Elle utilisait la pièce pour acheter un quignon de pain qu'elle dévorait en quelques secondes…
 
...Dans une taverne borgne, un groupe douteux jouait aux cartes. Un homme aux sourcils épais misait une pierre d'Ymelo, observé par Hirin depuis un recoin obscur…
 
...Hirin pistait Ahri alors qu'elle remontait le marché. Une de ses queues de renard dépassait sous le rebord de son manteau. Elle attirait la Vastaya dans sa caravane...
 
Assez.
 
Ahri stoppa, sa tête chaude de vigueur retrouvée. À chaque souvenir volé à Hirin, elle avait senti l'énergie revenir dans ses muscles affaiblis, nettoyant toute trace du poison.
 
De nouveau forte, elle remua ses membres un à un et les poils de ses queues ondulèrent dans un frisson. Des picotements les tiraillaient toujours.
 
Hirin ne bougeait pas, les yeux vagues et écarquillés, mais bien vivante. C'est elle qui se réveillerait le lendemain, fraîche comme un gardon, mais délestée de quelques souvenirs qui ne lui manqueraient sans doute pas.
 
Sachant ce que la femme avait vécu, Ahri avait perdu toute colère. Elle caressa la joue de la diseuse de bonne aventure d'un revers de main, puis resserra son manteau sur ses épaules et sortit au plein jour sur le marché.
 
Hirin ne se souviendrait ni d'elle, ni de leur rencontre. Mais dans cet échange, Ahri avait appris un nom : Ymelo, et l'image de l'homme aux sourcils épais s'était gravée dans son esprit.
 

 
 
Ahri - Le jardin de l'oubli
 
L'air froid de la nuit soufflait depuis le jardin, avec ses senteurs de fruits trop mûrs et de fleurs capiteuses. Ahri se tenait devant l'entrée du jardin, là où la pierre devenait terre et où les grottes labyrinthiques s'ouvraient en une vaste caldeira. Arbres et roncières s'épanouissaient sous la lumière lunaire et les fleurs bourgeonnaient en luxuriants parterres. Ahri hésita, sachant le danger que recèle souvent la beauté. Toute son enfance, elle avait entendu les légendes sur le bosquet sacré, mais elle n'avait jamais traversé les grottes du sud à sa recherche. D'après les contes, ceux qui franchissaient le seuil du jardin repartaient totalement transformés, ou ne repartaient pas du tout.
 
Vérité ou légendes, Ahri avait fait son choix. Lorsqu'elle fit son premier pas dans le jardin, un frisson courut sur sa nuque ; elle avait comme l'impression d'être observée. Aucune silhouette n'était visible parmi les arbres, mais le décor n'était pas immobile. Où que portât le regard d'Ahri, de nouvelles fleurs se déployaient à chaque seconde. La Vastaya emprunta un chemin sinueux dans les treillis de plantes, enjambant les racines qui affleuraient au sol. Elle se baissa pour passer sous des plantes grimpantes qui pendaient vers elle, comme pour la caresser au passage. Elle aurait juré avoir entendu un chut perdu dans le bruissement des feuillages.
 
La lumière lunaire brillait au-dessus d'elle à travers la canopée, révélant des arbres miroitant de feuilles d'or et d'argent. Les tiges des fleurs s'entrelaçaient sur leurs troncs, pétales ouverts sur des cœurs plus brillants que des gemmes. Des baies épicées recouvertes d'une pellicule de givre résonnaient comme des grelots agités par le vent dans le fouillis des buissons sauvages.
 

 
Un lys des neiges se tendit vers le visage d'Ahri et effleura sa joue. C'était trop tentant pour résister. Ahri s'approcha pour inhaler le parfum émanant du calice. Elle perçut une odeur d'orange, de brise d'été et de sang récemment versé. Le bourgeon trembla, envahi de couleurs, et le souffle d'Ahri s'immobilisa dans sa gorge. Elle chancela, étourdie par la forte fragrance.
 
Une incision.
 
Le lys des neiges tomba au sol, tige coupée. Un liquide visqueux coulait de la coupure. Ahri expira, ses neuf queues frémissant tandis qu'elle reprenait ses esprits.
 
Soudain, une femme se tint devant elle, chevelure blanchissante et sécateur en mains. Elle était enveloppée dans un châle et la rosée étincelait sur ses cils.
 
Tandis qu'elle tournait son regard d'émeraude vers Ahri, la Vastaya ressentit un malaise étrange, comme si cette femme pouvait taillader ses entrailles comme on coupe une mauvaise herbe. On ne pouvait rien lire sur son visage, ridé comme une écorce. Mais Ahri n'avait plus peur pour sa vie.
 
« Tu m'as surprise, Ighilya », dit-elle. Dans les contes, la vieille femme était connue sous plusieurs noms : la Dévoreuse des Secrets, l'Oubliée, la Sorcière aux Fleurs. Voulant témoigner son respect à une puissance si formidable, Ahri avait décidé de l'appeler Ighilya. Aïeule.
 
« Les fleurs attendent quelque chose de nous », répondit la vieille femme. « Tout comme nous attendons quelque chose d'elles. Je te conseille de bien surveiller ton nez. Crois-moi, j'ai quelques lumières sur la question. Il me faut nourrir moi-même ces enfants affamés. »
 
« Tu es donc bien la Sorcière aux Fleurs », dit Ahri.
 
« C'est l'un de mes noms les plus affables, oui. Mais là n'est pas la question. Je sais pourquoi tu es venue, Iminha. »
 
Petite fille. Sans trop savoir pourquoi, Ahri ressentit un malaise en entendant ce mot que l'on réservait généralement aux relations de famille.
 
« Tu recherches l'absolution. Tu veux être libérée de ta douleur. »
 
La sorcière enjamba une fougère et fit signe à Ahri.
 
« Viens. »
 
Tandis qu'elles remontaient le jardin éclairé par la lune, les fleurs se tournaient vers la vieille femme comme si elle était le soleil en personne, comme si elle chauffait leurs feuilles et les aidait à pousser. Ou peut-être les fleurs n'osaient-elles pas lui tourner le dos.
 

 
La vieille femme désigna à Ahri un banc devant le tronc noueux d'un arbre à fruits cirrus et elle s'assit en face d'elle.
 
« Laisse-moi deviner. Tu étais amoureuse », dit la sorcière, un sourire aux coins des lèvres.
 
Ahri fronça les sourcils.
 
« Ne t'en fais pas, tu n'es pas la première. Alors, qui était-ce ? Un soldat ? Un aventurier ? Un guerrier en exil ? »
 
« Un artiste », dit Ahri. Elle n'avait pas prononcé les syllabes de son nom depuis plus d'un an et elle ne se sentait pas le courage d'essayer maintenant. C'était comme avaler du verre pilé. « Il peignait... des fleurs. »
 
« Ah. Un romantique. »
 
« Je l'ai tué », jeta Ahri. « Est-ce que c'est assez romantique pour toi ? »
 
En révélant la vérité à voix haute, Ahri ne put déguiser son amertume.
 
« J'ai aspiré sur ses lèvres son dernier souffle tandis qu'il agonisait entre mes bras. Il était plus doux, plus dévoué qu'on a le droit de l'être. J'ai cru que je pourrais maîtriser mes instincts. Mais le goût de ses rêves et de ses souvenirs était trop alléchant. Il m'a incitée. Je n'ai pas résisté. Et maintenant... Je ne supporte plus de me rappeler ce que j'ai fait. S'il te plaît, Ighilya. Peux-tu me donner le don de l'oubli ? Peux-tu m'arracher ce souvenir ? »
 
La sorcière ne répondit pas. Elle cueillit un fruit cirrus et le pela lentement, soigneusement, pour que la peau reste d'un seul tenant. La chair s'étoila en six morceaux vermillon et elle les offrit à Ahri.
 
« Veux-tu un quartier ? »
 
Ahri la regarda.
 
« Ne t'en fais pas, ce fruit n'attend rien de toi. Ce n'est pas comme les fleurs. Les fruits sont sans exigence. Le fruit est la part la plus généreuse d'une plante : il s'efforce d'être somptueux, juteux. Tentant. Il ne veut qu'attirer. »
 
« La nourriture a le goût de cendre dans ma bouche », dit Ahri. « Comment puis-je me nourrir alors que je ne suis qu'un monstre ? »
 
« Même les monstres ont besoin de manger », répondit la sorcière en souriant doucement.
 
Elle plaça l'un des quartiers du fruit cirrus dans sa bouche et mâcha avant de faire la grimace.
 
« Acide ! Depuis le temps que je suis dans ce jardin, je n'ai jamais pu m'habituer à ce goût. »
 
La vieille femme mangea les quartiers restants pendant qu'Ahri attendait en silence. Quand elle eut fini, elle essuya le jus à la commissure de ses lèvres.
 
« Tu as donc pris une vie que tu n'avais pas le droit de prendre. Tu dois à présent en souffrir les conséquences. »
 
« Je ne le supporte plus », dit Ahri.
 
« Vivre, c'est toujours souffrir, j'en ai peur », dit la sorcière.
 
Une plante grimpante couverte de bourgeons de lys des neiges vint s'enrouler autour du bras de la vieille femme. Elle n'eut pas un frémissement.
 

 
« Je ne peux continuer en sachant que je l'ai tué », fit Ahri d'un ton suppliant.
 
« Te perdre n'est pas la plus dangereuse des conséquences, Iminha. »
 
La sorcière chercha la main d'Ahri et la serra. Ses yeux d'émeraude brillèrent dans la nuit et Ahri détecta quelque chose de neuf dans son regard. De l'envie, peut-être.
 
« Tu seras brisée », reprit la vieille femme. « Tu ne seras plus jamais entière. »
 
« Je suis déjà décomposée », répliqua Ahri, « et chaque seconde qui passe me déchire davantage. Je t'en prie, Ighilya. Il le faut absolument ! »
 
La vieille femme soupira.
 
« Ce jardin ne refusera pas un don offert librement, car la faim le tenaille toujours. »
 
Elle présenta son bras à Ahri, toujours entrelacé à la liane du lys des neiges. Les bourgeons s'ouvrirent comme un poing qui se dénoue.
 
« Offre ton souffle à cette fleur et remémore-toi ce dont tu veux être débarrassée », dit la vieille femme. « Les fleurs vont consumer ces souvenirs. N'inhale plus jusqu'à ce que tu ne sentes plus rien. »
 
Ahri prit doucement une fleur entre ses doigts. La sorcière approuva du menton. Ahri inspira profondément et souffla dans la fleur.
 

 
...Ahri se tenait à côté d'un homme aux cheveux de jais, sur les bords d'un lac. Ensemble, ils sautèrent à l'eau et se mirent à rire en batifolant dans les remous écumeux.
 
Les souffrances d'Ahri s'évaporèrent comme un nuage en même temps que cette image.
 
...dans une forêt silencieuse, Ahri regardait un homme aux cheveux de jais peindre un bourgeon. « Ne suis-je pas pour toi la seule fleur ? » demanda-t-elle, en tirant sur le cordon de sa robe. Il leva son pinceau et se mit à peindre sur son dos nu. La soie effleurait sa chair tandis qu'il recréait la fleur autour de la tige de son épine dorsale. « Bien sûr que si », répéta-t-il, embrassant son épaule entre chaque mot.
 
Ahri aurait dû craindre ce qui allait suivre, mais son cœur s'engourdissait.
 
...elle se tenait au centre d'un lac, tenant dans ses bras le corps sans vie de l'homme qu'elle avait aimé. Elle plongea sous l'eau, déformée par la réfraction.
 
Naguère, cette vision l'aurait plongée dans une insupportable douleur, mais Ahri ne sentit cette fois-ci qu'un vague malaise.
 
...Dans une grotte, Ahri était penchée sur un bûcheron agonisant et aspirait le reste de sa vie. En entendant des bottes sur la neige, elle releva la tête. L'homme aux cheveux de jais la regardait. Le désespoir saisit Ahri : elle ne voulait pas qu'il la vît ainsi.
 
« Je ne te mérite pas », dit Ahri. « Regarde-moi, avide de prendre son âme à un agonisant. Oublie-moi, je t'en prie. Je suis mauvaise. Je ne peux qu'être mauvaise. »
 
L'homme répondit. « Ça m'est égal. » C'était la première fois que quelqu'un aimait Ahri totalement, en dépit de sa nature. Sa voix était chaude d'une émotion profonde. « Je suis à toi. »
 
Le souvenir prit Ahri à la gorge et elle cessa de respirer, rompant le sortilège de la fleur.
 
Non, pensa-t-elle. Je ne peux pas perdre ça.
 
Ahri essaya de respirer, mais l'air était un nœud coulant autour de son cou. Elle étouffait, comme si un poison se répandait dans ses poumons. Sa vision s'assombrit, mais elle s'efforça de remplir ses poumons jusqu'à ce qu'ils lui paraissent en feu.
 
Perdre ce souvenir, ce serait comme le tuer une seconde fois.
 
Les genoux d'Ahri cédèrent et elle s'effondra au sol sans lâcher le lys des neiges. Le parfum surnaturel qu'elle inhalait se répandit dans son esprit, appelant des visions étranges et dérangeantes.
 

 
Ahri hallucinait. Dans une forêt assourdie par la neige, elle vit ses neuf queues arrachées à sa colonne vertébrale, renaissant pour pouvoir être extirpées, toujours et encore.
 
Dans une grotte, elle vit des dizaines de portraits d'elle peints à grands traits noirs. Dans chaque image, son visage était blanc et froid.
 
Elle flottait, sans poids, au centre d'un lac, et en baissant les yeux, elle constata que ce n'était pas un lac d'eau mais de sang.
 
Où es-tu ?
 
Puis elle vit un visage d'homme aux traits presque indiscernables, un visage qu'elle était déjà en train d'oublier. Ce n'était pas une face reconnaissable, juste une impression, comme une aquarelle délavée. L'homme la regardait, mais elle ne pouvait accrocher son regard.
 
Ahri ouvrit les yeux. La sorcière se tenait debout au-dessus d'elle, tenant la plante sur laquelle les lys des neiges avaient viré au noir.
 

 
« Le vois-tu toujours ? » demanda la vieille dame.
 
Ahri se concentra sur les formes floues de son esprit jusqu'à ce qu'elles dessinent un visage reconnaissable. Son visage.
 
« Oui. C'est imprécis, mais... Je me souviens », dit Ahri. Elle inscrivit ces traits dans sa mémoire, jusqu'au moindre détail. Elle refusait de laisser ce portrait disparaître.
 
Les yeux de la vieille femme brillèrent, non de jalousie mais de regret.
 
« Alors, tu as fait ce que peu ont la force de faire. Tu n'as pas cédé à la paix. »
 
« Je n'ai pas pu », dit Ahri, comme étranglée par ces propos. « Je n'ai pas pu l'abandonner. Même si je suis un monstre. Même si chaque jour est une torture et si la peine, chaque jour, me reprend cent fois. L'oubli est pire, bien pire. »
 
L'oubli, c'était un millier de visages flous la fixant avec des orbites vides.
 
« Tu ne peux reprendre ce que tu as donné, Iminha », dit la sorcière. « Les fleurs ne rendent pas ce qui a été librement offert. Mais tu peux garder ce qui reste. Va, va. Quitte cet endroit avant qu'il ne s'empare de toi. » Les plantes grimpantes s'enroulèrent autour des épaules de la vieille femme, florissant en lys d'un vert émeraude. « C'est arrivé à tant d'autres, déjà. »
 
Ahri essaya de se lever, mais une liane de lys des neiges s'était entremêlée à ses queues. Elle lutta pour forcer ce piège, arrachant des touffes de fourrure, puis sauta sur ses pieds et s'enfuit. Elle sauta par-dessus des racines qui jaillissaient du sol pour la capturer. Retenant son souffle, elle plongea sous les fleurs d'un rideau de roses sélènes qui tentait de bloquer son passage et laissa des mèches de ses cheveux accrochées aux épines.
 

 
Le chemin du jardin était soudain luxuriant de lys des neiges de toutes couleurs. Leurs feuilles, tranchantes comme des couteaux, lacérèrent la peau d'Ahri tandis que des tiges épaisses s'enroulaient autour de son visage comme pour la bâillonner. Ahri arracha les fibres végétales de ses dents aiguisées et goûta un sang rance. Elle lutta pour s'arracher aux plantes jusqu'à l'entrée de la caverne.
 
Elle entendit à peine la voix de la sorcière.
 
« Désormais, il y aura toujours ici un morceau de toi. Contrairement à nous, le jardin n'oublie pas. »
 
Ahri ne se retourna pas pour répondre.
 

 
 

Nami - Bio

 
Jeune Vastaya des mers, Nami utilise son bâton mystique d'Aquamancienne pour donner forme aux marées et défendre son peuple contre tout danger. Nami fut la première de son espèce à quitter les océans et à s'aventurer sur la terre ferme, et elle est capable d'affronter l'inimaginable avec courage, détermination et audace.
 
Dans les mers situées à l'ouest du Mont Targon vit une tribu de Vastayas connus sous le nom de Marai. Il y a longtemps, ces créatures proches des sirènes découvrirent une faille dans les profondeurs. Cette dernière abritait des ténèbres rampantes et furieuses dont l'objectif unique était de détruire toute forme de vie.
 
Au centre de leur village, les Marai plaçaient un roc palpitant, la pierre de lune, dont on disait qu'il était gorgé de magie céleste. Sa lumière éthérée protégeait les Marai contre les créatures qui rampaient dans les abysses. À peu près tous les cent ans, la lumière de la pierre de lune ternissait. C'était le moment que choisissait la tribu pour conférer à leur plus fier guerrier le titre d'Aquamancien.
 
L'Aquamancien devait plonger dans les profondeurs glaciales de la faille, survivre aux horreurs qu'elle abritait et récupérer une perle des abysses. S'il y parvenait, l'Aquamancien se dirigeait ensuite vers le rivage où un voyageur lumineux venu du Mont Targon l'attendait avec une pierre de lune à échanger contre la perle. C'était un rituel difficile dont dépendait le sort de tous, mais jusque-là, il avait toujours réussi à contenir les créatures des ténèbres. Dans le passé, les Marai avaient envoyé des troupes composées de leurs soldats d'élite pour récupérer la perle, mais ils avaient appris que plus les forces envoyées dans la faille étaient nombreuses, plus puissants devenaient ses monstres, qui se nourrissaient de leur énergie. Une armée ne pouvait manquer d'être annihilée par les abominations des profondeurs, mais un simple éclaireur, armé d'un légendaire bâton marai capable de contrôler les vagues, pouvait esquiver assez longtemps les dangers océaniques pour revenir avec la perle.
 
Nami avait toujours voulu être Aquamancienne, mais elle était jeune et impulsive. Combattante courageuse, elle était connue parmi les Marai pour sa détermination obstinée, qui lui attirait souvent des ennuis. Elle était adolescente quand la lumière de la pierre de lune commença à faiblir, pour la première fois en un siècle. Nami décida de participer à l'épreuve des Aquamanciens. Mais, en raison de son impulsivité, les anciens choisirent Rasha, un guerrier prudent connu pour garder la tête froide en toutes circonstances.
 
Rasha plongea dans les abysses. Une semaine passa, puis une autre. Un mois entier, les Marai attendirent le retour de leur Aquamancien, mais Rasha ne donna plus signe de vie. Les Aquamanciens, pourtant, revenaient toujours.
 
Alors les anciens attendirent, se disputèrent, et cependant la pierre de lune s'affaiblissait ; Nami, elle, savait que quelqu’un devait assumer la fonction d'Aquamancien au plus vite si l'on voulait éviter l'ultime désastre.
 
Pourquoi pas elle ?
 
Nami s'empara du bâton qui appartenait à sa mère et plongea vers l'abysse. Quelques jours plus tard, elle revint avec la perle, le bâton de l'Aquamancien mort et un regard rempli d'horreur muette. Bien que furieux de son audace, les anciens du village, admiratifs devant son courage, nommèrent officiellement Nami nouvelle Aquamancienne. Nami monta jusqu'à la surface et se laissa porter par la vague jusqu'au rivage dans l'espoir d'y rencontrer le voyageur.
 
Mais le porteur de la pierre de lune n'était pas là. Une vieille dame attendait sur le rivage à sa place.
 
Cette femme, dont les grands-parents avaient assisté au dernier échange, expliqua qu'il n'y avait plus de pierre de lune. La Manifestation de la Lune était la seule capable d'en invoquer une, et elle avait fui Targon.
 
Nami refusa de l'accepter. Elle fit le vœu de retrouver la Manifestation et de récupérer la pierre. La vie de son peuple en dépendait.
 
Utilisant le pouvoir de son bâton mystique d'Aquamancienne pour invoquer un bassin perpétuel d'eau vive sous ses nageoires, Nami s'engagea sur la terre pour poursuivre sa quête.
 
Déterminée, l'Aquamancienne pénétra dans un monde nouveau.
 
Nami - Premiers pas
 
Personne ne croyait la jeune fille. Même après l'avoir rhabillée, même après l'avoir calmée suffisamment pour qu'elle fût capable de prononcer des phrases complètes, rien de ce qu'elle disait n'avait aucun sens.
 
Les villageois avaient vu leur content d'étrangetés : ils vivaient au pied du Mont Targon, après tout. Mais l'histoire de l'enfant était vraiment absurde.
 
Ce qu'elle avait décrit, c'était une sorte d'humanoïde venue d'un autre monde, surgissant de la mer qui bordait leur village. Cette vision évoquait un peu un voyageur : l'une des créatures célestes qui s'aventuraient parfois parmi eux depuis le sommet du Targon. Mais aucun voyageur n'était jamais venu de l'océan. Non, vraisemblablement, la jeune fille se moquait d'eux.
 
Ce n'est que lorsqu'une femme aux yeux rouges pénétra dans leur village, portée par un bassin d'eau se déplaçant selon ses ordres, que les villageois comprirent : ce n'était pas un jeu.
 

 
« Salutations », dit l'étrangère. « Je suis Nami. Je suis une Marai, une créature du grand bleu. Je ne vous veux aucun mal. »
 
Les villageois la regardèrent, bouche bée. Peut-être étaient-ils pétrifiés par son apparence. Rien de plus naturel, si l'on considère combien ils étaient étranges aux yeux de Nami : de la chair sans écailles, deux bras postérieurs là où des nageoires auraient dû se trouver...
 
En tout cas, bien qu'ils fussent peu portés sur la conversation, Nami avait capté leur attention.
 
« Je cherche la Manifestation de la Lune, car elle détient quelque chose dont mon peuple a besoin. Sans cela, nous succomberons, et peut-être le monde entier avec nous, à des ténèbres féroces et sans pitié. »
 
Les villageois continuaient de regarder Nami, les yeux écarquillés, muets. Seul un quadrupède à demi endormi restait insensible à l'apparition de la créature : il continuait à brouter, avec des bruits de mâchoire, de l'herbe qui séchait dans un chariot.
 
Nami se tenait là, ne sachant plus que dire, tapotant son bâton d'un air embarrassé.
 
« Donc, si quelqu'un sait où se trouve la Manifestation, ce serait, euh... » Elle renifla, prête à émettre n'importe quel bruit pour rompre le silence de la foule. « Très utile. Pour moi. »
 
Pas de réponse, c'était comme si les villageois avaient été transformés en pierres. Nami laissa son regard errer tout autour d'elle et vit de petites lumières palpiter. Accrochées à de petits piliers de cire ou à de grands bâtons de bois, les lumières semblaient vivantes, à défaut d'être pensantes. Elles s'agitaient dans la brise et crépitaient d'énergie.
 
« Comment appelez-vous ça ? » demanda Nami en montrant les lumières du doigt. « C'est magnifique. »
 
Flanqué de deux sentinelles, un vieil homme en robe dorée fit un pas en avant (les gens du Plein-Air se couvraient toujours d'étoffes, pour une raison ou une autre. Compte tenu des couches successives de draps, Nami conclut que ce devait être une sorte d'ancien. Ou alors il avait froid.).
 
« Tu cherches la Lune ? » demanda-t-il. « Est-ce ton amie ou ton adversaire ? »
 
Nami plissa les yeux. Les lèvres de l'homme tremblèrent de rage silencieuse. La Manifestation de la Lune semblait être un sujet important pour lui. Mais dans quel sens ? Voulait-il l'adorer et la protéger ou la considérait-il comme une ennemie ?
 
Nami soupesa les options. Personne ne pouvait être assez dénué de sagesse pour se faire un ennemi de la Lune en personne. Elle répliqua :
 
« Mon amie, bien s... »
 
« HÉRÉTIQUE ! » hurla l'ancien.
 
« Ennemie ! J'ai dit ennemie ! Vous m'avez mal entendue ! » Nami hurlait, mais ses protestations étaient perdues dans les ordres vociférés par des sentinelles. Nombre des villageois s'emparèrent de leur arme, trempèrent la pointe de leur lance dans des conteneurs de fluide et les enflammèrent.
 
Nami observa les sommets des pointes désormais teintés de feux-follets orangés. Leur danse était fascinante, mais irradiait de chaleur. Nami suspecta que les toucher serait extrêmement déplaisant.
 
« Tu dois quitter ce village immédiatement ! Tu répands ici la PEUR et le MENSONGE, et nous refusons l'une comme l'autre ! » s'exclama l'ancien.
 
Nami regarda les villageois d'un air dur. C'était sa première épreuve face aux habitants des terres fermes. Elle savait que, le cas échéant, elle pouvait se défendre contre les villageois.
 
Mais ce n'est pas ainsi qu'elle obtiendrait ce qu'elle cherchait.
 
« J'ai peur », dit-elle.
 
L'ancien sourit. Nami fit de son mieux pour l'ignorer.
 
« Pas de vous, cela dit. J'ai regardé en face le gouffre affamé et haineux des ténèbres et j'ai cru ne plus jamais ressentir la joie. À côté de ça, vos lances ne sont rien. »
 
« Et je n'ai pas l'intention de partir. Pas tant que mon peuple sera en danger. » Elle s'avança et planta son bâton dans le sol.
 
Elle faisait montre d'une telle confiance en elle, d'une telle assurance, que les villageois en furent désarçonnés.
 
Un jeune homme, en reculant, trébucha et tomba à la renverse, lâchant sa lance qui atterrit dans le chariot d'herbe sèche. L'esprit de feu grandit. Léchant l'herbe, il transmit son énergie à la végétation. Il ne fallut que quelques secondes pour que le chariot ne soit plus qu'un foyer d'énergie volatile.
 
Le quadrupède recula, terrifié par l'intensité des flammes. Dans la confusion, il battit des quatre fers et renversa le chariot, projetant dans les airs l'herbe enflammée.
 
Les feux-follets s'abattirent sur les toits de chaume du village où ils se multiplièrent rapidement, comme animés d'un appétit vorace.
 
Les villageois se précipitèrent vers le puits voisin pour s'y emparer de tout ce qu'il s'y trouvait de seaux. Nami regarda, effrayée et fascinée, leurs tentatives pour noyer les esprits affamés. Pendant un temps, leurs efforts semblèrent pouvoir repousser la fureur des esprits, transformant les lueurs tremblotantes en un horrible nuage d'air sifflant qui semblait s'étendre, gagner en volume, changer en forme. Mais la fumée sifflante tourbillonna en volutes, but l'eau et la danse reprit sur les toits, peignant d'orange le bleu de la nuit.
 

 
« Encore de l'eau ! » crièrent les villageois. « Vite ! »
 
Voilà quelque chose qui relève de mes talents, pensa Nami.
 
Elle leva son bâton d'Aquamancienne, la main fermement serrée sur le manche.
 
Elle se concentra et l'eau de mer qui bordait le village se mit à vibrer.
 
Nami serra le poing davantage et ferma les yeux, relevant le bâton pour attirer l'eau vers elle.
 
L'océan rugit. Il s'élança vers les cieux au-dessus du village, mur de férocité mouvante qui suivait les instructions de sa maîtresse. Les humains hurlèrent.
 
Nami dirigea la pointe de son bâton vers le tourbillon de chaleur.
 
« Ne restez pas là ! » cria-t-elle aux villageois.
 
Ils obéirent.
 
Le mur d'eau s'abattit, comme pour noyer le village tout entier. Juste avant de toucher le sol, la marée s'enroula en un énorme tentacule. Ce dernier se contorsionna dans l'air, comme pour renifler la piste affamée de colère et de chaleur.
 
Il encercla la furieuse lumière, comme un prédateur qui tourne autour de sa proie, et il se resserra pour étouffer la lumière dans une poigne suffocante. Dans un ultime frémissement de fumée, les esprits se tarirent, leur éclat remplacé par le bleu silencieux de la nuit.
 
Nami souffla et ses doigts se desserrèrent autour du bâton. Le tentacule d'eau perdit aussitôt sa forme et tomba au sol dans de grandes éclaboussures, pour le plaisir et la stupéfaction des villageois.
 
L'ancien et ses sentinelles lâchèrent leurs seaux. Ils se tournèrent vers Nami, et toute leur rage avait disparu de leurs traits. Ils regardaient maintenant leur visiteuse d'un œil nouveau.
 
« Ionia », dit l'ancien.
 
« Pardon ? »
 
« La Lune, c'est là que tu dois chercher sa Manifestation. C'est un continent. Dans cette direction. » L'ancien désignait la mer, vers l'horizon qui attirait le bâton de Nami.
 
Rien de plus normal. La Lune et la marée sont liées. Où qu'aille la Lune, le bâton d'Aquamancienne ne pouvait qu'être attiré.
 
« Oh ! » s'exclama Nami, le cœur rempli d'espoir. « Eh bien... Merci. Je suis désolée de... » dit-elle en montrant vaguement de la main le village suintant d'eau. « Enfin... Merci. »
 
Nami leva son bâton et une vague venue du rivage l'enveloppa dans un cocon d'eau pour l'entraîner vers l'océan. L'ancien la rappela.
 
« Du feu ! » hurla-t-il.
 
« Pardon ? » demanda Nami.
 
« La lumière sur nos torches, sur nos lances. On appelle ça du feu. Il nous est très précieux, mais... il lui arrive d'être irrationnel. »
 
« Du feu », dit Nami en souriant. « Cela me plaît. »
 
Sur ce, l'Aquamancienne retourna à l'océan, fonçant vers des rivages inconnus.
 
 

Rengar - Bio

 
Rengar est un féroce Vastaya chasseur de trophées qui ne vit que pour le frisson de la traque et de l'élimination des proies les plus dangereuses. Il parcourt le monde à la recherche des bêtes les plus féroces, et surtout de Kha'Zix, la créature du Néant qui lui a fait perdre un œil. Rengar ne piste ses proies ni pour la nourriture ni pour la gloire, mais pour la beauté de la poursuite en elle-même.
 
Rengar est né chez les Kiilash, une tribu vastaya de la Shurima orientale où l'on vénère depuis toujours la gloire de la chasse. À sa naissance, Rengar n'était que le rejeton le plus chétif d'un chef de tribu : un Kiilash nommé Ponjaf. Ponjaf pensait que la petite taille de Rengar lui interdirait la chasse. Il ignora son enfant, convaincu qu'il finirait par mourir d'inanition.
 
Le jeune Rengar s'enfuit du camp, honteux d'avoir déçu son père. Il subsista de plantes et de larves pendant des semaines, jusqu'à ce qu'il échappe de justesse à la mort de la main d'un légendaire chasseur humain, Markon. En voyant dans quel état se trouvait Rengar, Markon prit la créature en pitié et le laissa vivre. De plus, une telle créature n'était pas digne de sa lame.
 
Rengar suivit Markon pendant des mois, se nourrissant des cadavres que le chasseur laissait derrière lui. Rengar espérait toujours retourner un jour dans sa tribu et il observait avec beaucoup d'attention comment Markon abattait ses proies.
 
Après quelque temps, Markon finit par se lasser d'être suivi partout par le pathétique Kiilash. Il plaça un couteau sous la gorge de Rengar et l'informa que la seule manière de devenir chasseur, c'était de chasser. Il jeta le coutelas à Rengar et le poussa d'un coup de pied en bas d'un ravin, où il fut contraint, pour la première fois de sa vie, de tuer pour survivre.
 
Dès lors, Rengar se consacra à la chasse avec une ardeur désespérée. Il se mit à arpenter Shurima à la recherche des proies les plus puissantes et les plus dangereuses. Jamais il ne serait aussi fort que les autres Kiilash, mais il était déterminé à être deux fois plus féroce. Le temps passa et, au lieu de revenir à chaque fois dans son campement avec de nouvelles cicatrices, Rengar finit par revenir avec des trophées. Il polit jusqu'à le faire briller un crâne de faucon des sables ; il emmêla à ses cheveux les crocs d'un hurleur.
 
Puis, quand il décida que l'heure était venue, il décida de retourner dans sa tribu, prêt à être accepté comme un vrai chasseur.
 
Ponjaf ricana devant Rengar et ses trophées. Il décréta que Rengar ne pourrait revenir dans sa tribu qu'en rapportant la tête d'une abomination du Néant.
 
Aveuglé par le désir de revenir dans sa tribu, Rengar échoua devant cette bête rusée et sournoise. La créature du Néant lui arracha un œil et s'enfuit.
 
Furieux et vaincu, Rengar admit son échec devant Ponjaf. Comme il s'y attendait, son père l'accabla.
 
Tandis que Ponjaf parlait, Rengar remarqua que tous les trophées qui ornaient la hutte de son père étaient vieux et poussiéreux. Le chef de la tribu n'avait plus rien chassé depuis longtemps : il avait sans doute envoyé Rengar traquer la créature du Néant parce qu'il avait trop peur de le faire lui-même.
 
Rengar interrompit son père et le traita de lâche. Beaucoup de Kiilash avaient la chance de posséder des corps puissants et des maisons confortables. Rengar, lui, regardait la mort en face depuis sa naissance. Il avait appris seul comment chasser et il avait les trophées et les cicatrices pour le prouver. Même son œil perdu était un trophée, la preuve que Rengar n'avait jamais abandonné, bien qu'il fût né avec des handicaps.
 
Rengar sauta sur son père et l'éventra. Les plus féroces chasseurs de la tribu le couronnèrent de pyroses : ils avaient fait de lui leur nouveau chef.
 
Mais Rengar n'avait nul besoin de l'approbation de son village. Tout ce qu'il voulait, c'était l'adrénaline de la chasse. Rengar quitta le village, sans prendre le temps de s'emparer d'un trophée sur ce qui restait de Ponjaf : son père ne méritait pas qu'on se souvînt de lui. Il n'avait plus qu'une idée en tête : retrouver et tuer la créature du Néant qui l'avait éborgné.
 
Pas pour satisfaire le village, mais pour satisfaire son instinct.
 
Rengar - Proie
 
Rengar sentit le sang avant de voir le cadavre des humains. Une demi-douzaine, estima-t-il, mais il était difficile de deviner le nombre exact, vu qu'on les avait démembrés en une multitude de morceaux. Leurs épées étaient dispersées dans l'herbe, aussi utiles que des couteaux à beurre.
 
Il mit un genou à terre, lécha le sang sur le sol.
 
Froid. Toujours sucré, mais rendu âcre par le goût du fer.
 
Il avait été versé moins d'une heure plus tôt.
 
Retournant l'un des membres déchiquetés dans sa main, Rengar repéra un filet de salive verdâtre là où le bras, récemment encore, rejoignait le corps. Il approcha le membre de son nez et renifla.
 
La salive avait l'odeur de pourriture d'un cadavre qui se décompose dans une mare d'excréments. Rengar eut le plus grand mal à s'empêcher de vomir, et il avait l'estomac mieux accroché que la plupart des gens.
 
Il eut un grand sourire, tous crocs dehors. La bête qui avait infligé ces blessures serait facile à pister.

Rengar, caché dans les hautes herbes, observa le stégolion enserrer le crâne d'un vieillard de ses griffes et le porter à ses crocs pour le détruire d'une pression. La créature poussa un hurlement de dépit, à l'évidence frustrée de son manque de résistance.
 
L'énorme quadrupède piétina la tente du vieil homme avant de mordre la toile pour la déchiqueter.
 
Il fit voler le sac de couchage et Rengar entendit son hululement de plaisir se mêler au cri d'un jeune garçon.
Un tout petit.
 
Terrifié. Bonne peur. Peur délicieuse.
 
C'est l'heure de manger. De faire taire les cris. C'est l'heure de...
 
La douleur.
 
Une douleur dans sa nuque. Aiguë et chaude. Quelque chose l'a mordu ? Non. Une autre douleur, puis une autre. Qui taille et tranche. Une arme. Quelque chose qui combat.
 
Peut-être quelque chose qui a bon goût.
 

 
Rengar tenait d'une main son sabre kirai tandis que le stégolion se débattait pour tenter de se débarrasser de lui. De l'autre main, armée d'un couteau, il frappait le cuir de la bête, encore et toujours. Il n'espérait pas tuer sa proie ainsi, seulement la faire saigner. La plonger dans la confusion.
 
Avec un peu de chance, la plonger dans la panique.
 
La créature se laissa tomber sur l'estomac et roula sur elle-même. Le mouvement avait été rapide, beaucoup plus rapide que Rengar ne l'aurait imaginé pour un monstre de cette taille. Il eut à peine le temps de sauter avant d'être écrasé.
 
Les deux combattants se relevèrent. Le sang coulait sur les écailles du stégolion. Des écailles assez acérées pour chacune pouvoir trancher un membre. Combinées, ces écailles constituaient à la fois une armure presque impénétrable et un millier de petites armes. La bête se mit à tourner autour de Rengar, humant l'air. Rengar sut tout de suite qu'il ne pouvait remporter un combat à la loyale. La créature était trop grande, trop rapide, trop puissante.
 
Une vie de cicatrices avait appris à Rengar tous les secrets de la chasse. La chasse, ce n'était pas la force. La chasse, c'était savoir quand reculer et quand attaquer.
 
Là ? C'était l'heure de reculer.
 
Rengar se mit à courir, dos au village, vers les hautes herbes qui l'entouraient. Le stégolion se lança à sa poursuite, le sol tremblant sous ses pas. Rengar l'entendait le poursuivre. Il allait se faire rattraper bien avant d'avoir atteint la végétation salvatrice.
 
Quelques secondes allaient lui manquer pour sauver sa vie.
Vastaya à un œil sera délicieux. Une chose est plus goûteuse que la jeunesse : quelqu'un qui vient d'essayer de vous tuer.
 
L'écraser avant de le dévorer ? Non. L'avaler d'un coup, le sentir devenir de plus en plus faible jusqu'à ne plus avoir la force de lutter.
 
Ouvrir les mâchoires. Mordre, sentir le sang chaud...
 
Trébucher. Tomber. Quoi ?*
 
Une espèce d'arme (trois boules reliées par du cuir) enroulée autour de mes pattes.
 
Mauvais.
 
Mais sans importance. Facile de se libérer. Le félin en a profité pour disparaître. Un frémissement des herbes, tout ce qui reste.
 
Se lancer derrière lui. Le félin : petit, effrayé.
 
Moi : grand, rapide.
 
S'il le faut, j'écraserai toutes les her...
 
Douleur.
 
Chaleur dégoulinant sur les pattes. D'où ? Derrière ?
 
Pas de félin. De nouveau en fuite.
 
Douleur. Nouvelle douleur, au côté. Ennuyeux. Mais pas un problème. Juste ennuyeux.
 
Commence à courir. Peu importe la direction. Mettre de la distance entre nous. Se ressaisir.
 
Se retourner. Où est le Vastaya ? Peut-être en fuite. Peut-être se cache-t-il, attend-il.
 

 
C'était la situation idéale. Invisible dans les hautes herbes. Sa proie était devenue prudente, mais elle n'était pas assez intelligente pour être terrifiée.
 
Le silence momentané avant l'attaque. Avant que la créature ne comprenne qu'elle était impuissante. Juste avant les hurlements de souffrance, le sang, l'adrénaline et la joie.
 
Rengar leva la tête et rugit.
D'où venait ce rugissement ? Il semblait venir de partout. Pas rugissement de colère. Pas rugissement de peur.
 
Excitation.
 
Se rapproche.
 
Non. C'était une erreur. À découvert. Courir. Revenir.
 
Difficile de respirer. Pourquoi ?
 
La blessure au flanc. Plus profonde que je le croyais ? Gorge sèche. Étouffe. Du sang.
 
Ne pas ralentir.
 
Où est le village ? Par ici ? Non. De l'autre côté.
 
Le Vastaya rugit toujours. De plus en plus près.
 
Courir. Peu importe où. Courir, c'est t...
 
Éclair de métal. Une sensation d'air froid sur l'estomac.
 
Non, à l'intérieur de l'estomac.
 
Sensation d'engourdissement. Le son de quelque chose de mouillé et de lourd frappant le sol. Beaucoup de choses mouillées et lourdes.
 
Regarder. Des tripes. Du liquide. Une flaque rouge et verte.
 
La douleur. Une douleur mordante, déchirante, lacérante. Partout.
 
Impossible de se lever. Les pattes molles. Le souffle dur. Des bruits de pas se font entendre à proximité.
 
Le son d'un couteau quittant son fourreau.
 
Une sensation. Une sensation nouvelle. Une sensation terrible. Ni la faim, ni la colère, ni la joie.
 
La peur.
Rengar approcha du stégolion qui battait toujours l'air de ses pattes tandis que le sang jaillissait de la blessure à son ventre. Ses yeux étaient dilatés.
 
Quel trophée allait-il prendre ? Le crâne ? La crinière ?
 
La bête leva la tête et sa mâchoire claqua dans l'air, mue par la colère ou la confusion.
 
Rengar sourit. Les crocs de la créature étaient aiguisés. Parfait.
 
L'un d'eux ferait un parfait ajout à son collier.
 
 

Wukong - Bio

 
 
 Wukong est un Vastaya qui utilise sa force, son agilité et son intelligence pour semer la confusion parmi ses adversaires et prendre sur eux l'avantage. Après s'être fait un ami en la personne d'un guerrier nommé Maître Yi, Wukong est devenu le dernier tenant d'un art martial antique connu sous le nom de Wuju. Armé d'un bâton enchanté, Wukong cherche à empêcher la ruine d'Ionia.
 
Au sein de la canopée d'Ionia vit une tribu de Vastayas qu'on appelle les Shimon. Ces créatures simiesques sont un peuple sage et prudent. Pacifistes, ils ont choisi de bâtir leur société loin des bipèdes et de vivre leur existence au sommet des arbres les plus hauts d'Ionia. Les Shimon considèrent la vie comme une montée progressive vers la sagesse et ils pensent qu'au moment de leur mort, ils deviennent des pierres et retombent au sol pour reprendre l'ascension de toute une vie.
 
Même durant l'enfance, Kong avait peu de traits en commun avec les autres Shimon. Impulsif, intelligent et facétieux, il était comme une épine permanente dans le talon de son village. Quand Ionia fut plongé dans la guerre, Kong fut fasciné par les sons et les couleurs des batailles qui se déroulaient au pied des arbres. Ils éveillaient quelque chose en lui. Un appel. Kong quitta la tribu pour se préparer à ce qu'il pensait être son destin.
 
Armé seulement de son instinct, dénué de toute formation, Kong erra dans tout Ionia, cherchant des adversaires pour apprendre auprès d'eux l'art du combat. Le jeune Vastaya ne récolta souvent pour sa peine que des bleus et des dents cassées, mais à chaque combat il se rapprochait de l'idéal du guerrier qu'il pensait sa vocation.
 
Au cours de ses voyages, Kong rencontra un homme qui méditait dans une clairière. Kong le défia en combat singulier. L'homme se releva et jeta l'impudent au sol d'un seul mouvement, avant de se replonger dans sa méditation. Kong avait défié de nombreux adversaires, mais il n'avait jamais rien vu de tel.
 
Pendant des semaines, Kong revint chaque jour à la clairière pour tenter de battre le guerrier. Bien qu'il fût plus fort et plus rapide, Kong était incapable de circonvenir son adversaire.
 
Finalement, le jeune Vastaya tenta quelque chose qu'il n'avait jamais essayé de toute son existence : l'humilité. Il s'agenouilla devant l'homme et sollicita son enseignement. Aussitôt, le guerrier lui posa une unique question : « Pourquoi combats-tu ? »
 
Kong se rendit compte qu'il ne s'était encore jamais posé la question. Il aurait pu poursuivre son existence dans une société paisible, mais quelque chose en lui exigeait qu'il allât plus loin. Kong retourna sa question au guerrier. Ce dernier répondit que, désormais, il ne combattait plus. Kong passa les jours suivants assis sur l'herbe à ses côtés, réfléchissant à la question.
 
L'homme constata le changement d'attitude de Kong et sa détermination silencieuse. Il se présenta comme étant Maître Yi et il accepta d'enseigner à Kong les vertus de discipline et de patience ainsi qu'un art du combat qu'il appelait Wuju. La technique et la précision de Kong s'améliorèrent à chaque leçon et Yi canalisa l'impulsivité et le manque de prudence de son élève pour les transformer en un style de combat rapide, d'autant plus mortel qu'il était imprévisible.
 
Tous deux apprirent à se respecter, mais Kong sentait chez son maître une profonde tristesse que même ses plaisanteries les plus hilarantes ne savaient chasser.
 
Bien plus, il n'avait toujours pas trouvé de réponse à la question de Yi. S'il avait su ce pour quoi son maître s'était un jour battu, peut-être aurait-il pu trouver une piste féconde de réflexion pour lui-même. Kong fit donc à Yi une proposition. Tous deux allaient s'affronter dans un combat amical. En cas de victoire de Kong, Yi lui expliquerait ce pour quoi il avait combattu. Si Yi l'emportait, Kong n'ouvrirait plus la bouche pendant un an.
 
Yi accepta avec enthousiasme.
 
Kong attira Yi jusqu'à un champ cotonneux de fumerettes. À chaque fois que Yi tentait l'une de ses foudroyantes attaques, Kong disparaissait dans une brume d'aigrettes libérées par les fleurs. Dans la confusion, Yi frappait ce qu'il croyait être Kong, mais ne touchait qu'une poupée de paille que Kong avait faite à son image et plantée dans le champ en guise de leurre. Kong profita de sa confusion pour porter un coup à la tempe de Yi.
 
Le maître sourit à l'intelligence de l'élève. Mais toute joie disparut de son visage quand il expliqua pourquoi il avait renoncé à combattre. Yi faisait autrefois partie des forces de défense d'Ionia contre l'invasion de Noxus. Yi et ses disciples avaient obtenu de tels résultats contre l'ennemi que les Noxiens avaient finalement décidé d'utiliser des armes chimiques. Yi se sentait responsable des centaines de morts dues aux bombes chimiques du scientifique zaunien employé par Noxus. Ne sachant plus pourquoi il combattait, il se bannit lui-même dans une lointaine clairière pour y méditer sur la question.
 
Kong venait d'un peuple qui voulait se tenir à l'écart des conflits du monde, mais le résultat est qu'il en laissait d'autres, peut-être moins bien armés, affronter seuls ces menaces. Malgré les conséquences, Kong admira que Yi ait combattu pour protéger les siens. Il comprit qu'il voulait en faire de même.
 
À travers les yeux de Kong, Maître Yi vit qu'il avait fui la vérité : il pouvait se bercer d'illusions autant qu'il voulait, il était un guerrier et son peuple avait besoin de lui. Reconnaissant, Yi offrit à Kong un bâton enchanté fabriqué par le légendaire forgeron Doran, et un titre honorifique réservé aux élèves les plus brillants de la voie du Wuju. Désormais, Kong fut connu sous le nom de Wukong.
 
Ensemble, Yi et Wukong se dirigèrent vers les confins sauvages d'Ionia dans l'espoir de trouver une cause digne d'être servie. Côte à côte.
 
Wukong - Rapide et stupide
 
Rapide et stupide, ou lent et intelligent ?
 
C'est ce que Yi me demandait tout le temps. Enfin, je dis « demandait », mais ce n'était pas vraiment une question. Ce n'était pas ouvert à débat. Pas vraiment. On peut se montrer impulsif, vif, réactif tout en s'amusant... ou faire les choses comme Yi. Comme il faut. Lentement. Patiemment. Stratégiquement. Avec une expression de détermination dégoûtée sur le visage, comme s'il avait marché sur une fiente. Ce qui est le cas. Parce que j'en ai mis dans sa botte. Je pensais que ça l'amuserait.
 
J'avais tort.
 
(Moi, en tout cas, ça m'a fait rire.)
 
Mais ce qui est vraiment agaçant, au bout du compte, c'est que la plupart du temps, c'est lui qui a raison. Pendant toutes nos années d'entraînement commun, j'ai dû le battre en tout et pour tout... une dizaine de fois ? Lui, bien sûr, m'a vaincu des centaines de fois. Et à chaque fois, je dis bien à chaque fois que j'ai mordu la poussière, ce fut à cause de mon impatience. Pour avoir donné un coup qui n'avait pas toutes les chances de porter. Pour avoir profité d'une ouverture qui n'était qu'un piège.
 
Ce n'est pas de l'humilité de ma part. Je suis bon. Vraiment bon. Seulement Yi, même si son sens de l'humour laisse à désirer, est l'un des meilleurs guerriers qui soient. Et n'allez pas croire qu'il est lent. Il est rapide. Incroyablement rapide. Il dégaine son sabre, il devient flou, trois hommes saignent au sol. Ce genre de rapidité.
 
Alors, la plupart du temps, quand il me dit d'être lent et intelligent plutôt que rapide et stupide, j'essaie de l'écouter.
 
J'essaie.
 
La plupart du temps.
 
On avançait dans une forêt où poussaient des champignons hauts comme des hommes quand nous avons entendu le hurlement.
 
En plus de couper avant la chute l'excellente blague que j'étais en train de raconter, Yi me fit plonger à l'abri des hautes herbes.
 
Ils étaient six. Cinq bandits et leur captif ligoté, un vieux fermier aux yeux affolés.
 
À mon avis, les circonstances autorisaient la distribution de baffes immédiate, sans organiser un référendum, mais Yi m'empêcha de bondir. Il mit un doigt sur sa bouche et désigna ensuite ses yeux. Observe. Pense la stratégie. Rapide et stupide, ou lent et intelligent ?
 
Je soupirai et regardai le groupe plus attentivement.
 
Des vêtements loqueteux recouvraient leurs dos voûtés, crispés par la tension. Ils semblaient bien plus soigneux avec leur lame qu'avec leur personne. Leurs yeux scrutaient les environs tandis qu'ils marchaient, craignant visiblement les embuscades. L'un d'eux enfonça un bâillon dans la bouche du vieux fermier, sans doute pour l'empêcher de hurler de nouveau.
 
Des bandits.
 
Le fermier tomba au sol. Il avait trébuché volontairement, tout le monde aurait pu s'en rendre compte. Ses ravisseurs ne furent pas dupes.
 
Le chef s'arrêta et regarda le vieillard. « Ça suffit comme ça. Tu es vieux, l'ami, mais pas à ce point. S'effondrer tous les cent pas pour gagner du temps ? Où est-ce que tu crois que ça va te mener, hein ? Ça ne prend pas. On n'est pas tombé de la dernière pluie. »
 
Il s'accroupit à la hauteur du fermier.
 
« Tu n'as aucun coffre de pierres précieuses chez toi, hein ? »
 
Le vieillard regarda le bandit, la peur cédant peu à peu à la résignation.
 
Il secoua la tête.
 
« Quel dommage », fit le malandrin avec un sourire aimable. Le genre de sourire qui précède généralement les éviscérations.
 
« Cette fois, j'y vais, il faut le sauver », dis-je à Yi.
 
Mon maître secoua la tête énergiquement, quoi qu'en prenant soin de ne pas faire cliqueter ses lunettes. Inutile de demander pourquoi. Il voulait que l'un de nous les contourne en se faufilant pour attaquer de l'autre côté, en étau. Ou un machin de ce genre, subtil et interminable. Lent et intelligent.
 

 
Le gros problème de Yi, en dehors de son incapacité à comprendre mon humour et de son absence de style en matière de mode oculaire, c'est qu'il a passé un paquet d'années assis dans des coquelicots. Ou des pâquerettes. Sa patience est sans fin. Il pense que tout peut se résoudre par la méditation. Par la planification.
 
Mais bon, cette fois encore, Yi voulait y aller à l'escargot. J'ai donc mis ma coquille. Je lui fis signe que je comprenais, puis je désignai le chemin derrière les bandits. Tu te mets en position. J'attends ton signal pour attaquer.
 
Yi s'enfonça dans les herbes. Il passa de l'autre côté du chemin, si rapide que les gars ne l'auraient pas vu, même s'ils avaient regardé dans la même direction. Embuscade classique. Il allait attirer leur attention, et une fois qu'ils auraient le dos tourné, ce serait à moi de jouer.
 
À ce moment précis, le chef des bandits sortit un couteau de sa poche droite. Un tout petit bidule, à peine bon à peler un fruit. Ou à trancher la gorge d'un vieux fermier fatigué.
 
Je ne distinguais pas Yi dans les herbes, de l'autre côté de la voie, mais je savais qu'il ne pouvait pas voir la lame. Il ignorait ce qui était sur le point de se passer.
 
Ils étaient sur le point de tuer le vieillard, et toute la discrétion de Yi n'y changerait rien. On n'avait plus le temps pour la lenteur intelligente.
 
Heureusement, j'avais un atout dans ma manche : je suis vraiment un très, très bon combattant.
 
Le chef des truands prit le vieil homme par les cheveux et plaça sa lame sous sa gorge. Je jaillis des buissons, le bâton dressé au-dessus de ma tête, et je fis voler le couteau de sa main. Puis, on est passé à mon moment favori.
 
À chaque fois que je tombe sur le paletot de quelqu'un, j'ai en général deux ou trois secondes avant que mon adversaire ne retrouve ses esprits. La plupart des gens n'ont jamais vu un Vastaya, encore moins un Shimon. Ils restent là, les yeux écarquillés, et ça me laisse généralement le temps de les frapper avant qu'ils ne réalisent.
 

 
J'envoyai mon genou dans le menton du chef des bandits, et ses dents claquèrent si fort que j'eus mal pour lui.
 
« Reste où tu es, Yi ! » hurlai-je en direction du buisson où il attendait, terré. « Je m'occupe de tout. »
 
C'est là qu'un couteau s'enfonça dans mon épaule.
 
Apparemment, une de ces crapules portait des dagues de lancer en bandoulière et je ne m'étais rendu compte de rien. J'essayai de ne pas penser au sourire ironique de Yi.
 
« Compris, tu t'occupes de tout ! » hurla-t-il depuis sa cachette. Évidemment, il allait se la couler douce juste assez longtemps pour que les bleus me fassent changer de couleur, puis il allait jaillir, me sauver et me dire de ralentir.
 
« De tout, et même du reste ! » criai-je en lançant une poignée de fumerettes sur le sol. (J'en garde toujours quelques-unes sur moi. Elles sont utiles au combat, et elles ont le délicieux pouvoir d'irriter Yi quand je m'ennuie.)
 
Après quoi, je me débarrassai de tous les malandrins. Je vous épargne les détails...
 
D'ailleurs non, après tout, je ne vois pas pourquoi vous priver de ce bonheur.
 
Je fis virevolter mon bâton dans toutes les directions, en veillant seulement à ne jamais toucher le vieillard. Mes bras frémissaient à chaque contact du bois contre les crânes. J'esquivai les coups, parai les attaques, et je ne fus touché au visage que... Allez, on va dire : deux fois.
 
Lorsque la brume des fumerettes fut dispersée, j'étais le seul encore debout. Et le vieil homme, dès que je l'eus remis sur ses pieds.
 
Yi sortit de son buisson en soupirant.
 
« Quoi ? » demandai-je. « Pourquoi est-ce que tu soupires ? J'ai sauvé le vieux crasseux, et... »
 
« Hé ! » s'écria le vieillard.
 
« ...mon épaule sera sans doute guérie dans un jour ou deux. Ouille », ajoutai-je en touchant la blessure. « Alors en quoi est-ce que je t'ai déçu, cette fois ? »
 
Yi coupa les liens qui entravaient le vieillard. « Je ne suis pas déçu. Je suis irrité. »
 
« Pourquoi ? »
 
« Je n'aime pas admettre que j'ai eu tort. Tu t'es montré impatient, agité, et tu as eu tout à fait raison. »
 
Je souris.
 
« Rapide et stupide. »
 
Il tapota gentiment mon épaule valide.
 
« Rapide et stupide », dit-il.
 
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