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[Updated] Les histoires de Shurima en ligne !

[Updated] Les histoires de Shurima en ligne !
 
Mise à jour 14/05 : Rajout des histoires de Sivir et de Skarner
Mise à jour 18/05 : Rajout des histoires de Rammus et de Taliyah
 
Sorti il y a quelques jours, le mini-site de Shurima apporte les nouvelles histoires des champions qui y sont rattachés. Dans le cas de certains champions comme Azir ou Xerath, nous avions déjà pu voir une bonne partie de ces histoires l'an dernier, pendant l'évènement lié à Shurima. Mais pour d'autres comme Nasus ou Renekton, on en apprend davantage. De très belles histoires, que nous livrons ici.
 
Attention tout de même, toutes les histoires ne sont pas encore sorties. Nous les ajouterons donc au fur et à mesure !
 
Shurima
 
Shurima était autrefois un puissant empire qui s'étendait jusqu'aux confins du vaste continent sud. Après une ère d'expansion et de prospérité, son dernier empereur fut trahi par son plus proche ami, et l'empire tout entier tomba en ruines. Sa capitale étincelante fut entièrement détruite dans un séisme cataclysmique et l'empire se retrouva plongé dans le chaos, son peuple éparpillé et ses majestueuses cités englouties par le sable. À présent, Shurima est une terre stérile, un désert inhospitalier où seuls les plus forts peuvent espérer survivre, et son peuple se raccroche aux quelques oasis restantes et aux bandes de terre fertile situées près des côtes.Au cours des millénaires qui se sont succédé depuis la chute de Shurima, les récits de sa glorieuse capitale et de son Disque solaire étincelant sont passés au rang de mythes et de cultes obscurs parmi les descendants des survivants restants de l'ancien empire. La plupart des habitants de Shurima vivent désormais en tribus, dans des petits postes avancés installés près d'un point d'eau ou construits sur les vestiges d'anciennes cités, et vénèrent les gloires du passé. Certains cherchent les richesses enfouies dans les ruines de l'empire déchu ou gagnent leur vie en jouant les mercenaires, combattant pour de riches mécènes avant de disparaître dans les dunes. D'autres essaient d'oublier le passé et se tournent vers l'avenir et les autres nations, par-delà l'océan, pour former des liens commerciaux.Pourtant, les anciens mythes de Shurima ont la peau dure et font de nouveau parler d'eux. Des murmures portés par le vent, au cœur du désert, parlent de colossales cités émergeant de nouveau des entrailles de la terre, et d'un guerrier d'or à la tête d'une armée de soldats de sable. Des rumeurs évoquent d'anciens guerriers qui sont revenus à la vie et mentionnent une guerre entre plusieurs dieux qui risque de faire trembler les fondations du monde.La ville de Shurima a refait surface, et dorénavant, rien ne sera plus jamais pareil.
 
Rammus Square 0   Rammus - Tatou blindé
 
"OK"
 
Beaucoup l'idolâtrent, certains le méprisent, mais tous restent perplexes devant l'énigmatique Rammus. Protégé par une carapace cloutée, Rammus inspire des théories de plus en plus variées sur ses origines : demi-dieu, oracle, simple bête transformée par la magie... Quelle que soit la vérité, Rammus n'est pas très bavard et ne s'arrête pour personne tandis qu'il parcourt le désert.
 
Certains pensent que Rammus est un Transfiguré, un dieu antique qui déboule, lorsque cela est nécessaire, pour protéger Shurima. Les superstitions en font le héraut du changement, apparaissant quand le pouvoir s'apprête à changer de mains. D'autres affirment qu'il est le dernier représentant d'une espèce agonisante qui peuplait la région avant que les Guerres Runiques ne noient le désert sous des vagues de magie incontrôlée.
 
Il y a tant de rumeurs sur sa puissance, ses aptitudes magiques, sur les mystères qui l'entourent, que beaucoup de Shurimiens recherchent la sagesse de Rammus. Les beaux parleurs, les prêtres et les fous prétendent savoir où se trouve le Tatou blindé, mais ce dernier a toujours esquivé les recherches. Malgré cela, des preuves de sa présence existent depuis plus longtemps que les plus anciennes mémoires : les mosaïques défraîchies représentent son image sur les murs des ruines antiques de Shurima. Il décore également de colossaux monuments de pierre datant des premières Ascensions, ce qui convainc certains qu'il est un demi-dieu immortel. Les sceptiques proposent une explication plus simple : Rammus n'est qu'une créature parmi tout un peuple de semblables.
 
On dit qu'il n'apparaît qu'aux pèlerins méritants qui ont besoin de son aide et que ceux qui reçoivent la grâce de sa présence voient leur vie changer du tout au tout. On raconte que le Tatou blindé a sauvé des flammes l'héritier d'un vaste royaume et que le prince a abdiqué pour devenir éleveur de chèvres. Un maçon âgé fut inspiré par une brève et profonde conversation avec Rammus et construisit un immense marché qui devint le cœur foisonnant de Nashramae.
 
Sachant que Rammus peut les guider sur les chemins de l'illumination, des croyants dévoués accomplissent des rituels élaborés pour attirer les faveurs de leur divinité. Les disciples de sectes dédiées à Rammus démontrent leur inébranlable foi lors de cérémonies annuelles au cours desquelles ils imitent les roulades et les acrobaties du Tatou blindé dans les rues des cités. Tous les ans, des milliers de Shurimiens marchent jusqu'aux confins les plus dangereux du désert dans leur quête pour trouver Rammus, car nombre d'enseignements affirment qu'il répondra à une question de ceux qu'il estimera méritants... s'ils sont capables de le trouver. Connaissant son goût pour les douceurs, les pèlerins emportent des offrandes pour attirer ses bénédictions : ils chargent leurs mules avec des flasques de lait de chèvre, des coffres remplis de colonies de fourmis scellées dans la cire et des jarres de miel. Beaucoup ne reviennent pas de leur cheminement dans le désert et peu de ceux qui reviennent ont quelque chose à raconter ; nombre de voyageurs disent pourtant s'être réveillés au petit matin pour découvrir leurs sacs vidés de tout ce qui s'y trouvait de comestible.
 
Qu'il soit un véritable et sage oracle, une divinité transfigurée ou simplement un puissant animal, Rammus est connu pour ses exploits et son endurance. Il entra autrefois dans l'impénétrable Forteresse de Siram, un bastion imposant conçu par un sorcier fou. Le bâtiment avait pour réputation de contenir d'indescriptibles horreurs magiques : des bêtes mutées au-delà des pires difformités, des corridors noyés dans les flammes, des tunnels impénétrables gardés par les démons des ombres. Une heure ne s'était pas écoulée que l'énorme forteresse s'effondrait dans un nuage de poussière et l'on aperçut Rammus qui s'en extirpait dans une roulade. Nul ne sait pourquoi Rammus avait franchi la porte sombre ni quels secrets il avait glanés entre les murs basaltiques de la forteresse. Lors du grand déluge, il traversa le vaste lac d'Imalli en deux jours et creusa le sol sur des lieues pour détruire une fourmilière géante et tuer sa reine, dont les enfants dévastaient les fermes proches.
 
Il apparaît parfois sous la forme d'un héros providentiel. Quand des bandes armées noxiennes attaquèrent un campement du nord de Shurima, des tribus disparates firent corps pour défendre leur territoire au lieu-dit du Temple des Transfigurés. Ils étaient bien inférieurs en nombre et en férocité aux envahisseurs auxquels ils s'opposaient, et la bataille était presque perdue quand Rammus entra dans la mêlée. Les deux camps furent si stupéfaits de voir surgir la créature mystérieuse qu'ils cessèrent de combattre pour la regarder. Lorsque Rammus passa devant le temple, le bâtiment trembla sur ses fondations et d'énormes blocs de pierre tombèrent sur l'armée d'invasion, écrasant un grand nombre de ses combattants. Désormais surclassée numériquement, l'armée battit en retraite sous les hurlements de joie des Shurimiens. Beaucoup affirment que Rammus sauva la ville par amour de Shurima, mais d'autres pensent qu'il défendait simplement le territoire où poussent ses fleurs de cactus préférées. Il y a même une voix solitaire pour affirmer que Rammus était juste en train de rouler dans son sommeil et n'avait aucune intention de faire s'effondrer un temple.
 
Quoi qu'il en soit, les histoires concernant Rammus sont chéries comme un trésor par le peuple de Shurima. Tous les enfants de la région peuvent lister une douzaine de théories sur la question de ses origines, dont la moitié probablement sortie de leur imagination sur le moment. Les contes sur le Tatou blindé n'ont cessé de croître avec la renaissance de l'antique Shurima, comme ils l'avaient fait avant sa chute, confirmant la légende que sa présence prélude aux heures sombres.
 
Mais comment cette âme bénéfique et épicurienne peut-elle annoncer un âge de destruction ?
 
Caravane vers le nord
 
Le couteau d'Ojan donnait au morceau de bois une ligne doucement incurvée. À huit ans, il n'était pas le plus expérimenté des artisans, mais son travail commençait à prendre la forme d'une boule épineuse.
 
Sa sœur Zyama se pencha vers lui et fit la grimace.
 
« Qu'est-ce que c'est que ce machin ? Du crottin de Rhoksha ? Personne ne voudra acheter ça. »
 
« Mais non ! C'est un dieu puissant et effrayant, avec son armure et tout et tout ! Et je n'ai pas l'intention de le vendre. C'est un porte-bonheur. »
 
« Nous sommes des marchands, petit frère. Tout ici est à vendre. »
 
La caravane grinçait et cliquetait en franchissant les dunes. Chaque espace libre, du sol au plafond, accueillait une jarre d'épices, laissant à peine assez de place pour les couchettes de la famille.
 
« Quelque chose nous a pris en chasse ! Au sud ! » La mère d'Ojan, à l'extérieur, venait de hurler. Ojan entendit son fouet claquer pour inciter les chameaux à accélérer.
 
Zyama se pencha par la fenêtre, portant à son œil son bien le plus précieux : une longue-vue ornée.
 
« Ce sont des Kmiros ! Je vais préparer les flèches ! » s'exclama-t-elle. « Ils doivent vouloir te prendre ton crottin de Rhoksha ! »
 
Ojan la remplaça à la fenêtre. En effet, des centaines de scarabées de la taille de chiens survolaient la dune derrière eux.
 
Zyama revint avec un arc et un carquois de flèches colorées. Elle tira, éliminant un scarabée, mais la masse des insectes continua de charger sans s'arrêter.
 
« Combien de flèches avons-nous ? » demanda Ojan.
 
« Une quarantaine », répondit Zyama en regardant le carquois. Elle fronça les sourcils.
 
La voix de leur mère leur parvint de l'avant de la caravane. « Il faut qu'on les prenne de vitesse. Accrochez-vous ! »
 
Les fouets claquèrent une fois de plus et la caravane fit un bond en avant, jetant Ojan au sol.
 
Zyama tira une nouvelle flèche dans l'essaim, traversant d'un coup deux insectes. Les créatures tombèrent, mais une nuée prit aussitôt leur place.
 
« L'huile ! Dans le tiroir de gauche ! » hurla sa mère.
 
Ojan accroupi se faufila jusqu'au fond et revint avec une flasque d'huile à lampe et un paquet de vieux tissus. Il trempa dans l'huile un morceau d'étoffe avant de l'enrouler autour d'une pointe de flèche. Il enflamma le projectile et le passa précautionneusement à Zyama, qui tira dans un amas de scarabées. De grandes flammes sifflantes brûlèrent au cœur de l'essaim. Ojan sourit.
 
Ensemble, ils criblèrent la horde de flèches enflammées, tirant aussi vite qu'Ojan parvenait à préparer les têtes. L'air était empuanti de chair brûlée. La caravane accéléra et la distance avec l'essaim augmenta. Ils étaient presque à l'abri.
 
L'estomac d'Ojan se contracta. Les Kmiros avaient ouvert des ailes brillantes et s'étaient envolés vers les cieux en un épais nuage noir dans le but évident de leur retomber dessus.
 
Ojan sursauta quand un choc lourd secoua la voiture au-dessus de sa tête. D'autres chocs suivirent ; les planches de bois souffraient sous le poids des insectes géants.
 
« Tenez bon ! » hurla la mère en tournant brusquement vers la gauche. Les scarabées tombèrent du toit, mais Ojan entendit un cri stridulant au-dessus de lui et il comprit que d'autres avaient pris leur place.
 
Des pinces percèrent le plafond et un énorme scarabée chuta dans la caravane. Zyama dégaina sa dague et tenta de le poignarder, mais sa lame fut incapable de percer l'épaisse carapace. Elle repoussa Ojan derrière elle et agita son poignard, essayant désespérément de tenir la bête à distance.
 
D'autres Kmiros passèrent par l'ouverture du toit, mâchoires et pinces cliquetant frénétiquement. Ojan plongea sous sa couchette, repoussant de son mieux, à coups de pieds, les insectes qui tentaient de s'emparer de lui. Il saisit la figurine de bois dans sa poche.
 
« Je t'en supplie, Rammus ! » murmura-t-il. « Aide-nous ! »
 
La caravane fut durement secouée : d'autres scarabées atterrissaient sur le toit. La voiture penchait de droite et de gauche comme une barque secouée par une mer déchaînée. Les insectes finirent par la renverser complètement et elle s'immobilisa en grinçant dans le sable.
 
Ojan se protégea le visage contre les objets qui tombaient tandis qu'un nuage de poussière brouillait sa vision. Il fut projeté contre le mur, les oreilles bourdonnantes, quand la caravane subit un nouveau choc. Après un moment d'immobilité, il sentit une main saisir son bras et sa mère l'extraire de sous les gravats. Il plissa les yeux sous la lumière intense du soleil.
 
La famille était blottie dans les débris de la caravane, toussant dans le tourbillon de poussière tandis que les Kmiros les encerclaient. Un scarabée chargea et la mère d'Ojan enfonça son poignard entre ses mâchoires. Et elle en tua un autre qui tentait de happer sa fille, répandant ses organes sur le sable. Un troisième scarabée sauta du toit de la caravane et atterrit derrière eux. Zyama hurla quand il saisit son pied entre ses pinces.
 
Et soudain, les scarabées s'immobilisèrent en pleine attaque. Ils se tassèrent sur le sol, les antennes nerveuses. Dans le silence, Ojan entendit un vrombissement lointain. Il leva les yeux vers l'horizon, à l'ouest, et vit un nuage de sable foncer vers eux. La famille brandit ses armes dérisoires, prête à combattre cette nouvelle menace.
 
Une silhouette ronde jaillit du nuage de poussière et fonça sur le scarabée le plus proche avec une formidable puissance, le réduisant en pulpe de chair.
 
La silhouette, enroulée sur elle-même, continua sans s'arrêter d'écraser les insectes dans toutes les directions. Rien ne pouvait l'arrêter et, malgré leur tentative désespérée pour se défendre, les Kmiros furent éliminés en un rien de temps.
 
La poussière retomba lentement ; risquant un coup d'œil, Ojan aperçut une armure ronde recouverte de pointes.
 
« Est-ce que c'est... » demanda Zyama.
 
« Rammus ! » s'écria Ojan. Il s'élança pour voir son héros de plus près.
 
La carapace de la créature était composée d'écailles en spirales et ses griffes étaient tranchantes comme des couteaux. Il rongeait la patte poilue d'un scarabée et un liquide visqueux coulait de sa bouche.
 
Ojan et Zyama s'arrêtèrent devant lui.
 
Leur mère approcha du Tatou blindé et s'inclina respectueusement.
 
« Vous nous avez sauvés », dit-elle. « Nous vous sommes reconnaissants. »
 
Rammus broya la patte du scarabée pendant que la famille le regardait. Plusieurs minutes passèrent.
 
Rammus roula soudain dans les débris de la caravane et en émergea avec la figurine du Tatou blindé qu'avait sculptée Ojan. La ressemblance laissait à désirer, mais on ne pouvait avoir aucun doute sur ce que le morceau de bois représentait.
 
« C'est toi », dit Ojan. « Je te la donne. »
 
Rammus s'accroupit et brisa la figurine en deux d'un coup de crocs. Il se détourna et fit quelques pas avant de cracher les morceaux dans le sable. Zyama laissa échapper un petit rire.
 
« Hmm », fit Rammus.
 
Il arracha la patte d'un autre scarabée mort et s'élança en roulant dans le sable.
 
La famille le regarda disparaître à l'horizon.
 
Ojan courut derrière lui pour récupérer les morceaux brisés de la petite statue. Il les empocha et s'inclina pour saluer.
 
« Un porte-bonheur ! » s'exclama-t-il.
 
Taliyah Square 0   Taliyah - Tisseuse de pierre
"Le monde est une tapisserie et nous sommes les tisseurs"
 
Taliyah est une jeune magicienne nomade de Shurima qui manipule la roche avec énergie, enthousiasme et une détermination sans faille. Malgré sa jeunesse portée à l'émerveillement, elle a traversé par devoir presque tout Valoran dans sa quête pour comprendre et maîtriser ses pouvoirs. Mais des rumeurs persistantes évoquent la réapparition d'un empereur mort depuis des millénaires, et elle revient chez elle pour protéger sa tribu du danger qui surgit une fois encore des sables inconstants de Shurima. Certains se méprennent sur son cœur tendre et la croient faible, mais ils paient leur erreur au prix fort : sous son attitude joviale, Taliyah dissimule une volonté de fer et un esprit assez féroce pour faire trembler la terre.
 
Née dans les contreforts rocheux qui bordent les confins corrompus d'Icathia, Taliyah passa son enfance à garder les chèvres au sein de sa tribu de tisseurs nomades. La plupart des étrangers considéraient Shurima comme un désert aride, mais sa famille éleva la jeune enfant en vraie fille des sables, sachant voir les beautés et les richesses de cette terre. Taliyah était fascinée par les pierres cachées sous les dunes. Dès sa prime enfance, elle collectionna les galets colorés sur la route des eaux saisonnières que suivait sa tribu. En grandissant, elle sembla attirer la terre elle-même, qui se déformait pour suivre ses pas dans le sable.
 
Après son sixième été, elle quitta un soir la caravane pour tenter de retrouver un chevreau qu'on lui avait confié. Déterminée à ne pas décevoir son père, maître chevrier et chef de la tribu, elle pista le petit animal dans la nuit. Elle suivit les empreintes dans un lit asséché jusqu'à un promontoire. Le chevreau était parvenu à grimper mais ne savait plus descendre.
 
La pierre parla alors à la jeune fille, l'incitant à former des poignées dans la paroi. Taliyah posa une paume hésitante sur le rocher. La puissance élémentaire qu'elle ressentit était aussi intense et frénétique qu'une pluie de mousson. Dès qu'elle s'ouvrit à la magie, cette dernière s'engouffra en elle ; la pierre réagit à la pression de ses doigts et le promontoire s'effondra sur elle.
 
Le matin suivant, le père de Taliyah, paniqué, suivit les bêlements affolés du chevreau perdu. Il tomba à genoux en découvrant sa fille inconsciente près d'un éboulement rocheux. Fou de douleur, il revint à la tribu, Taliyah entre ses bras.
 
Pendant deux jours, la petite fille s'agita dans la fièvre et les cauchemars, avant de reprendre connaissance dans la tente de Babajan, la grand-mère de la tribu. Taliyah commença à raconter à l'ancienne et à ses parents inquiets ce qui s'était passé pendant la nuit où la pierre lui avait parlé. Babajan consola la famille : les dessins esquissés par les pierres prouvaient que la Grande Tisseuse, la protectrice mythique de la tribu, veillait sur la petite fille. À cet instant, Taliyah s'aperçut de l'inquiétude de ses parents et elle décida de cacher ce qui s'était vraiment passé cette nuit-là : c'était elle, et non la Grande Tisseuse, qui avait mû la pierre.
 
Quand les enfants de la tribu de Taliyah devenaient assez âgés, ils accomplissaient une danse sous une pleine lune qui n'était qu'une manifestation de la Grande Tisseuse elle-même. La danse célébrait les talents naturels des enfants et faisait la démonstration des dons qu'ils apporteraient à leur peuple en grandissant. C'est ainsi que commençait pour eux le chemin du véritable apprentissage, sous la conduite de leur nouveau professeur.
 
Taliyah continua à camoufler le pouvoir qui grandissait en elle, convaincue que c'était un danger et non une bénédiction. Autour d'elle, ses camarades d'enfance apprenaient à filer la laine pour protéger la tribu contre le froid nocturne du désert, à tailler et à teindre ou à tisser des motifs qui racontaient l'histoire de leur peuple. Souvent, la nuit, tourmentée par le pouvoir qui vibrait en elle, Taliyah s'agitait sans trouver le sommeil.
 
Le jour vint où elle dut à son tour danser sous la pleine lune. Elle avait assez de talent pour devenir chevrière, comme son père, ou une tisserande expérimentée, comme sa mère, mais elle craignait ce que la danse révélerait véritablement. Taliyah prit place sur le sable, entourée des instruments de son peuple : la houlette du berger, le rouet, le métier à tisser. Elle tenta de se concentrer sur la tâche qui l'attendait, mais elle n'entendait que l'appel des rochers lointains peignant le désert de couches colorées. Taliyah ferma les yeux et dansa. Submergée par la puissance qui l'irriguait, elle commença à filer, non la laine, mais la terre sous ses pieds.
 
Ce furent les exclamations stupéfaites de sa tribu qui la ramenèrent à la réalité. Une imposante tresse de roche s'élevait au-dessus d'elle sous la lueur de la lune. Taliyah regarda les visages choqués des gens qui l'entouraient. Seule sa concentration maintenait la tapisserie de pierre, qui s'écroula brusquement. La mère de Taliyah courut vers sa fille unique pour la protéger des pierres qui pleuvaient. Lorsque la poussière retomba enfin, Taliyah vit la destruction qu'elle avait créée et la crainte sur les visages de sa tribu. Mais ce fut la coupure sur le visage de sa mère qui justifia ses plus grandes peurs. Ce n'était qu'une estafilade, mais Taliyah comprit à cet instant précis qu'elle était une menace pour les gens qu'elle aimait le plus au monde. Elle s'enfuit dans la nuit, si lourde de désespoir que le sol tremblait sous ses pieds.
 
Son père la retrouva une fois de plus, un peu plus loin dans le désert. Ils s'assirent côte à côte dans la lumière douce de l'aube, et Taliyah confessa son secret en sanglotant. Il répondit de la seule manière possible pour un père : il la serra tendrement dans ses bras. Il lui expliqua qu'elle ne pouvait fuir son pouvoir, qu'elle devait terminer la danse et voir où cela la conduirait. Renoncer au don de la Grande Tisseuse était la seule chose capable de briser le cœur de sa mère.
 
Taliyah revint vers la tribu avec son père. Elle entra dans le cercle de danse, les yeux ouverts. Elle tissa un nouveau ruban de pierre, chaque couleur, chaque texture racontant un souvenir du peuple qui l'entourait.
 
Quand son travail fut terminé, la tribu était émerveillée. Taliyah attendait nerveusement. Il était temps pour un adulte de son peuple de s'avancer et de devenir le maître de ce nouvel apprenti. Pendant ce qui lui parut des siècles, Taliyah n'entendit que les battements de son cœur. Puis elle perçut le frémissement de la terre quand son père se leva. Sa mère se tint debout à ses côtés. Babajan, la maîtresse des teintures et celle des rouets se levèrent à leur tour. Brusquement, toute la tribu fut sur ses pieds. Tous se tiendraient aux côtés de la jeune fille qui savait tisser la pierre.
 
Taliyah regarda chacun d'eux. Elle savait qu'un pouvoir comme le sien n'avait plus été vu depuis des générations, n'avait peut-être jamais été vu. Mais si tout son peuple l'entourait d'amour et de confiance, l'inquiétude restait palpable. Nul parmi eux n'avait entendu, comme elle, l'appel de la terre. Bien qu'elle aimât profondément son peuple, elle ne voyait personne autour d'elle qui puisse lui apprendre à contrôler la magie élémentaire qui la traversait. Elle savait que rester avec sa tribu, c'était risquer la vie de tous ses membres. Malgré leur chagrin à tous, Taliyah dit adieu à ses parents et à son peuple puis partit à la découverte du monde.
 
Elle se dirigea à l'ouest vers les lointains pics de Targon : son lien naturel avec la roche l'attirait vers la montagne qui crevait la voûte stellaire. Mais, aux confins nord de Shurima, elle fut découverte par ceux qui marchent sous les étendards de Noxus. À Noxus, on fêtait les magies comme la sienne, lui dirent-ils, on les révérait, même. Ils lui promirent un professeur.
 
Taliyah avait mûri, au contact de la terre, dans l'honnêteté et la confiance : elle crut sans arrière-pensée les promesses doucereuses et les sourires fabriqués des dignitaires noxiens. La fille du désert se retrouva soudain sur une voie inflexible jalonnée par de nombreuses Noxtoraa, les grandes portes de fer qui marquaient la revendication par l'Empire des terres qu'il conquérait.
 
Dans la capitale, les masses de citoyens et les intrigues politiques furent vite étouffantes pour une jeune femme élevée sous les cieux ouverts du désert. On fit parader Taliyah dans toute la bonne société des mages de Noxus. Beaucoup s'intéressèrent à sa puissance, à son potentiel, mais le plus convaincant fut un capitaine au passé trouble qui lui proposa de la mener jusqu'à un lieu sauvage, au-delà de la mer, où elle pourrait apprendre à maîtriser ses capacités sans plus jamais avoir peur. Elle accepta son offre et traversa la mer jusqu'à Ionia. Cependant, le navire avait à peine jeté l'ancre qu'elle comprit la triste vérité : on l'avait conduite jusqu'à ce rivage pour servir d'arme à un officier déchu qui souhaitait reprendre son rang dans la hiérarchie de la marine noxienne. À l'aube, le capitaine lui offrit un choix : engloutir sous les pierres un peuple endormi ou être jetée à la mer.
 
Taliyah regarda la baie. La fumée des âtres ne montait pas encore des cheminées du village assoupi. Ce n'était pas cette leçon qu'elle était venue apprendre. Taliyah refusa et le capitaine la précipita par-dessus bord.
 
Elle parvint à rejoindre le rivage et s'éloigna rapidement des combats qui commençaient sur la plage ; elle se mit à errer, perdue, dans les froides montagnes d'Ionia. Elle y rencontra enfin le mentor qu'elle avait cherché partout, un homme dont la lame commandait au vent lui-même, quelqu'un qui comprenait les éléments et la vertu de l'équilibre. Elle s'entraîna avec lui et commença à trouver le contrôle qu'elle désirait si ardemment.
 
Alors qu'ils se reposaient dans une auberge isolée, Taliyah apprit que l'empereur transfiguré de Shurima était de retour dans son royaume des sables. D'après les rumeurs, l'empereur devenu dieu voulait rassembler les tribus dispersées pour les réduire de nouveau en esclavage. Même si sa formation n'était pas achevée, Taliyah savait n'avoir d'autre choix que de retourner vers sa famille pour la protéger. Le cœur lourd, son maître et elle se séparèrent.
 
Taliyah voyagea jusqu'aux dunes de sable de Shurima. Tandis que les durs rayons du soleil la frappaient de nouveau, elle s'enfonça dans le désert, déterminée à trouver son peuple. Sa volonté était de granit, et elle était décidée à faire tout ce qui serait nécessaire pour protéger sa famille et sa tribu contre le danger qui menaçait à l'horizon.
 
Des souvenirs dans la pierre
 
Taliyah distançait la tempête de sable quand elle remarqua l'eau pour la première fois. Au début, ce n'était pas grand-chose, une vague moiteur qu'elle percevait en soulevant les pierres depuis les profondeurs du sable. Alors qu'elle approchait du vieux Shurima, des filaments aqueux semblèrent pleurer sur les rocs. Taliyah savait que les pierres avaient des histoires à raconter, mais elle n'avait pas le temps de les entendre, de découvrir si c'étaient là des larmes de joie ou de tristesse.
 
Quand elle fut assez près pour être recouverte par l'ombre du grand Disque solaire, de l'eau souterraine commença à jaillir des affleurements rocheux comme de petites rivières. Et quand enfin elle atteignit les portes de la cité, Taliyah entendit le vacarme de torrents déchaînés roulant le long des lits de schiste. L'Oasis de l'aube, la Mère de la Vie, rugissait sous les sables.
 
Les membres de sa tribu suivaient les eaux saisonnières depuis des siècles. La meilleure chance de trouver sa famille était de suivre l'eau et, à la stupeur de Taliyah, l'eau de Shurima coulait maintenant d'une source unique, comme elle le faisait tant de millénaires plus tôt. Depuis aussi longtemps qu'on s'en souvenait, tout le monde évitait les vestiges tragiques de la capitale, autant que le grand Sai et les créatures mortelles qui chassaient là. Même les voleurs n'étaient pas assez stupides pour approcher de la ville. Jusqu'à aujourd'hui, en tout cas.
 
Taliyah fit s'arrêter la pierre qu'elle chevauchait, manquant de trébucher alors qu'elle renvoyait le roc trop brutalement sous la surface de sable. Elle regarda tout autour d'elle. La femme de Vekaura avait raison. Ce lieu n'était plus une ruine oubliée, peuplée par des spectres et des herbes sèches : le campement improvisé au pied de ses murs était palpitant de vie, comme une fourmilière avant le déluge. Ne sachant pas qui étaient ces gens, elle décida qu'il était préférable de ne pas trop se dévoiler.
 
Toutes les tribus de sa terre natale semblaient représentées, mais Taliyah ne reconnaissait aucun visage. Les gens qu'elle croisait semblaient divisés. Ils se disputaient sur les avantages respectifs de leur campement temporaire et de l'abri que proposait la ville. Certains craignaient que la cité ne chute de nouveau, enterrant tous ceux qui se tiendraient entre ses murs. Certains, voyant approcher la tempête électrifiée d'éclairs surnaturels, croyaient que les remparts les protégeraient, même si le sable les avait naguère engloutis. Ils empaquetaient rapidement leurs affaires en jetant des coups d'œil inquiets vers le ciel. Taliyah avait elle-même remporté sa course contre la tempête, mais le sable allait très bientôt se déchaîner contre les portes.
 
« C'est maintenant qu'il faut se décider. » Une femme l'appelait, sa voix presque couverte par le vacarme des eaux qui s'agitaient dans l'oasis et de la tempête qui approchait. « Tu entres ou tu t'en vas, ma fille ? »
 
Taliyah se retourna pour faire face à la femme. Elle était de Shurima, mais pour le reste elle lui était totalement inconnue.
 
« Je suis à la recherche de ma famille. » Taliyah montra sa tunique. « Ce sont des tisserands. »
 
« Le Père-faucon a promis sa protection à tous ceux qui entreront dans la ville », dit la femme.
 
« Le Père-faucon ? »
 
La femme regarda le visage inquiet de Taliyah et sourit en lui prenant la main. « Azir nous est revenu en Transfiguré. L'Oasis de l'aube coule de nouveau. Un nouveau matin s'est levé pour Shurima. »
 
Taliyah regarda les gens autour d'elle. C'était vrai. Ils hésitaient à s'enfoncer au cœur de la grande capitale, mais la peur qui déformait leurs traits tenait plus à la tempête surnaturelle qu'à la cité ou à l'empereur revenu du fond des âges.
 
« Il y avait des tisserands ici, ce matin », reprit la femme. « Ils ont décidé de s'abriter de la tempête à l'intérieur. » Elle désigna les files de gens qui se pressaient aux portes du nouveau cœur de Shurima. « Nous devons nous dépêcher. Ils ferment les portes. »
 
La femme prit Taliyah par le bras et la tira avec elle vers l'une des grandes portes de la capitale, au centre d'une foule d'étrangers qui, au dernier moment, avaient décidé de ne pas braver le sable sans abri. Mais quelques groupes restaient pourtant massés près des bêtes placées en cercle, déterminés à affronter la tempête comme toutes les caravanes de Shurima le faisaient depuis toujours. Au loin, des éclairs étranges et menaçants crépitaient aux confins du tourbillon. Les vieilles traditions des caravanes de Shurima risquaient fort de ne pas survivre à cette tempête inhabituelle.
 
Taliyah et la femme furent emportées par la foule au-delà du seuil doré qui séparait Shurima du désert. Les lourdes portes se refermèrent dans un grand bruit. La gloire impressionnante de l'ancienne Shurima se dévoila à leurs yeux. La foule restait massée contre les murailles épaisses, ne sachant pas trop où se rendre. C'est comme si tous sentaient que les rues vides appartenaient à quelqu'un d'autre.
 
« Je suis sûre que ta tribu est quelque part dans la ville. Presque tout le monde est resté près des portes. Peu sont assez braves pour s'éloigner. J'espère que tu trouveras ce que tu cherchais. » La femme lâcha la main de Taliyah et lui sourit. « Je te souhaite ombre et eau, ma fille. »
 
« Ombre et eau à vous aussi. » La femme disparaissait déjà au sein de la foule.
 
La cité silencieuse pendant des millénaires était de nouveau pleine de vie. Des gardes casqués surveillaient en silence les nouveaux citoyens de Shurima, drapés dans des manteaux d'or et de pourpre. Aucun problème n'était perceptible, mais Taliyah ne pouvait s'empêcher d'éprouver un malaise.
 
Elle s'appuya de la main contre le mur. Elle poussa un cri. La pierre palpitait sous sa paume. La douleur. Une terrible douleur, aveuglante, la submergea. Des dizaines de milliers de voix étaient gravées dans le roc. La peur et les tourments de leurs derniers instants, avant que leur vie ne soit fauchée et leur ombre saisie dans la pierre, hurlaient dans la tête de la jeune femme. Taliyah arracha sa main au mur en titubant. Elle avait déjà ressenti des vibrations dans la pierre, des réverbérations de souvenirs effacés depuis longtemps, mais rien qui ressemble à ce qui venait de l'assaillir. La muraille de pierre venait de lui transmettre le récit du passé. Les yeux grands ouverts, elle observa la ville avec un regard neuf. L'horreur s'empara de tout son être. Elle n'était pas dans une ville reconstruite. Elle était dans un tombeau exhumé des sables. La dernière fois qu'Azir avait fait des promesses au peuple de Shurima, cela leur avait coûté leur vie.
 
« Je dois trouver ma famille », murmura Taliyah.
 
Sivir Square 0   Sivir - Vierge martiale
 
« Peu importe qui a son portrait sur vos pièces, dumoment qu'elles sont nombreuses. »

Sivir est une célèbre chasseuse de trésors et capitaine de mercenaires œuvrant dans le désert de Shurima. Armée de sa légendaire lame en croix, elle a triomphé d'innombrables batailles pour les clients prêts à honorer ses tarifs exorbitants. Connue pour sa détermination et son ambition démesurée, elle tire sa fierté des nombreux trésors qu'elle a déterrés dans les tombes les plus périlleuses de Shurima... et revendus au prix fort. Mais le jour où des forces ancestrales se sont éveillées au plus profond de Shurima, Sivir s'est retrouvée tiraillée entre deux destins conflictuels.

Sivir découvrit d'elle-même la dureté de la vie dans le désert lorsque sa famille entière fut tuée par des Kthaons, l'une des tribus de maraudeurs les plus redoutées de Shurima. Dans les semaines et les mois qui suivirent le massacre, elle survécut en volant de quoi manger dans les marchés locaux et en explorant les ruines du désert à la recherche de babioles à revendre.

Même si ces ruines avaient déjà été ratissées par de précédents voleurs, Sivir avait un don pour découvrir les trésors que d'autres avaient ratés. Son œil entraîné et son implacable détermination lui permettaient de dénicher des passages secrets, de résoudre des énigmes antiques pour révéler des catacombes inconnues, ou encore d'esquiver des pièges mortels.

Quand il y avait trop de travail pour une seule personne, il lui arrivait de convaincre d'autres enfants de venir piller des tombes avec elle. Simplement équipés de cordes et de bougies, les orphelins affamés descendaient dans les ruines le long de tunnels étroits, espérant y trouver tout objet de valeur.

Un jour, Sivir et sa compagnie s'aventurèrent dans les profondeurs d'une tombe inconnue qui, jurait-elle, débordait d'objets de valeur. Au bout de longues heures d'exploration, ils parvinrent finalement devant une entrée secrète, mais furent dépités en découvrant que la salle qu'elle protégeait était vide. Furieuse d'avoir besogné en vain, Mhyra, la partenaire la plus âgée de Sivir, exigea qu'elle abandonne son rôle de chef. Elle refusa, ce qui entraîna une terrible bagarre. Mhyra, qui était plus grande et plus forte que Sivir, prit rapidement le dessus sur elle, au point de la pousser du haut d'une corniche. Sivir se réveilla quelques heures plus tard, seule, dans l'obscurité. Contenant sa panique, elle retraça lentement ses pas, sans rien voir, progressant au jugé jusqu'à finalement retrouver la lumière du jour. À son retour au repaire, elle découvrit que l'amie qui l'avait trahie avait fui en emportant tout ce que possédait Sivir.

Elle jura alors que plus personne ne la trahirait jamais de nouveau. Bien décidée à apprendre à se défendre, elle rejoignit les rangs d'un groupe de mercenaires mené par la légendaire Iha Ziharo, servant tour à tour de porteuse d'armes, de guide et de larbin à ses nouveaux compagnons.

Des années durant, elle dormit avec une dague glissée sous sa couverture. Elle ne faisait nullement confiance aux guerriers de Ziharo, bien consciente qu'ils n'avaient juré fidélité qu'à l'argent promis, mais elle fit en sorte d'apprendre le plus de choses possible auprès d'eux. Sivir s'entraîna à combattre. Tous les jours, armée de sa détermination, elle s'entraînait en affrontant les plus jeunes des mercenaires.

Son dévouement indéfectible et ses compétences de plus en plus affûtées attirèrent l'attention d'Iha Ziharo, qui décida de prendre Sivir sous son aile ; un honneur auquel peu avaient pu prétendre. Au fil des ans, Sivir devint une redoutable guerrière. En tant que sergente d'Iha, elle mena de nombreux combats contre des armées, des bandits et des tribus belliqueuses. Lorsque les guerres prirent fin et que les mercenaires ne trouvèrent plus de contrats, Sivir mena des expéditions dans les ruines, à la recherche des trésors perdus de Shurima.

Avec le temps, Sivir s'agaçait de rester dans l'ombre de Ziharo. C'était elle qui s'appropriait la plus grande part des butins et de la gloire, quand bien même leurs richesses provenaient avant tout de la connaissance qu'avait Sivir des tombes shurimiennes. Ziharo se refusait qui plus est à combattre pour les seigneurs de guerre dont la réputation sanguinaire était incompatible avec son propre code de l'honneur. Pour Sivir, l'or ne portait pas la trace du sang qui avait été versé. Dans de telles transactions, elle ne voyait aucune place pour la morale.

La plupart des mercenaires étaient d'accord avec elle, si bien qu'ils complotèrent pour qu'elle remplace leur chef. La veille de leur coup d'État, Ziharo eut vent de leurs intentions. Folle de rage, elle décida de frapper la première et de retourner son épée contre son élève pendant son sommeil. Sivir s'attendait à une telle attaque et vainquit Ziharo lors d'une terrible rixe à l'arme blanche. Pourtant, elle fut surprise de constater qu'elle ne pouvait se résoudre à tuer celle qui avait été son mentor. Elle ne pouvait pas oublier que c'était elle qui l'avait recueillie alors qu'elle était une jeune femme anonyme, rongée par l'amertume. Elle décida finalement d'abandonner Ziharo dans le désert avec une outre à moitié remplie d'eau et une pièce, lui souhaitant bonne chance sans vraiment le penser.

La réputation de la troupe de Sivir devint bien vite celle d'un groupe de guerriers intrépides et d'explorateurs capables de mettre la main sur des reliques entrées dans la légende. Les barons du désert, les marchands fortunés et les collectionneurs d'objets occultes engageaient Sivir pour qu'elle mène leurs guerres ou retrouve des trésors rares et disparus. Les explorateurs étaient prêts à payer très cher pour s'offrir ses talents, dans le but de traverser des territoires dangereux ou d'arpenter les ruines antiques de Shurima. Des chefs de clan engageaient ses hommes pour défendre leurs terres contre les raids noxiens, tandis que les seigneurs de guerre faisaient appel à ses services afin d'assurer le succès immédiat de leurs campagnes.

L'année des Mille tempêtes, le seigneur d'une antique cité shurimienne connue sous le nom de Nashramae engagea Sivir pour qu'elle retrouve une lame en forme de croix qui, prétendait-il, appartenait à sa famille. Il envoya sa garde personnelle pour l'accompagner et augmenter ses chances de réussite et, après une quête longue de plusieurs mois, Sivir découvrit enfin l'emplacement de l'arme. Elle la retrouva à l'intérieur du sarcophage d'un héros depuis longtemps oublié, enfoui sous une épaisse couche de gravats. Elle éprouva le sentiment étrange que sa vie entière l'avait conduite jusqu'à cet instant. L'arme resplendissait de l'or et des émeraudes qui la couvraient. Malgré son âge, elle était aussi tranchante que si elle avait été forgée le jour même.

Sivir fut subjuguée par l'arme, au point de penser que la lame l'avait attendue là tout ce temps. Quand le capitaine des gardes de Nashramae l'invita à retourner auprès de son maître pour lui remettre son dû, elle sut qu'elle ne pouvait se résoudre à s'en séparer. Elle projeta la lame de telle sorte qu'elle décrive un arc de cercle, et découvrit avec joie qu'elle avait décapité non seulement le capitaine, mais aussi les trois hommes derrière lui, avant de revenir jusqu'à sa main. Jamais une arme ne lui avait semblé si agréable à manipuler et si puissante quand elle la lançait. Elle se fraya un chemin hors de la tombe en terrassant chacun des hommes du seigneur de Nashramae.

Les récits des exploits et de la férocité de Sivir étaient déjà légion dans la région de Shurima, mais alors que sa légende grandissait, sa réputation finit par s'étendre bien au-delà des limites du désert. À Noxus, l'histoire de ses faits d'armes atteignit finalement les oreilles de Cassiopeia, une noble ambitieuse qui convoitait une relique qu'elle pensait enterrée au beau milieu du désert. Ne manquant pas d'argent pour la payer, elle engagea Sivir pour qu'elle la guide dans les profondeurs de la capitale perdue de Shurima.

Par instinct, Sivir ne faisait pas confiance à Cassiopeia, mais elle ne comptait pas passer à côté d'une expédition aussi rentable. Alors qu'elles s'enfonçaient dans les catacombes sinueuses de la cité enfouie, des pièges plus mortels les uns que les autres coûtèrent la vie à de nombreux mercenaires de Sivir, mais Cassiopeia refusait de faire demi-tour. Au bout de plusieurs jours d'une descente inexorable dans les ténèbres, elles atteignirent finalement un énorme bas-relief représentant des empereurs antiques et des guerriers transfigurés aux têtes d'animaux. Alors que la plupart des constructions qu'elles avaient vues jusque-là avaient été détruites par les millénaires passés sous le sable, cette fresque était encore intacte. En contemplant les gravures, Sivir sentit son sang frémir. Elle était hypnotisée, comme si elle venait de comprendre quelque chose. Son destin fut scellé dans ce moment d'inattention.

Cassiopeia profita de cette distraction pour s'approcher de Sivir et planter une lame dans son dos. Elle s'effondra, agonisante, son sang se mêlant avec le sable. Cassiopeia arracha la lame en croix de la poigne faiblissante de Sivir, dont les sens se brouillaient comme une bougie battue par le vent. Alors que la chaleur la quittait, la mort se referma sur elle.

Mais le destin n'en avait pas fini avec Sivir. Au moment où son énergie vitale se vida, son ancêtre depuis longtemps disparu, l'empereur Azir, fut ressuscité par l'écho de la noblesse contenue dans son sang. Il transporta son corps jusqu'à l'Oasis de l'aube, un bassin sacré autrefois rempli d'eau régénérative. Asséché depuis des milliers d'années, il débordait désormais d'un flot cristallin par la simple présence d'Azir. L'eau curative enveloppa le corps de Sivir, effaçant comme par miracle la blessure mortelle que lui avait infligée Cassiopeia.

Dans un halètement pénible, Sivir ouvrit les yeux, abasourdie et perdue comme si elle venait d'être arrachée à un rêve. Un visage étrangement familier la contemplait avec tendresse. Elle cligna des yeux, se demandant si elle était vivante ou morte. Tout autour d'elle, des spirales de sable hautes de centaines de mètres formaient des palais gigantesques, des temples richement décorés et des places imposantes. L'antique cité de Shurima s'était relevée de son cercueil de sable dans toute sa splendeur et sa gloire, couronnée par un énorme disque doré qui brillait plus fort encore que le soleil au zénith. Le retour d'Azir avait marqué la restauration de la capitale, renouant avec sa majesté d'antan.

Sivir avait grandi en étant bercée par les légendes des Transfigurés, mais pensait que seuls les enfants et les idiots pouvaient croire à de telles sottises. Entourée par cette cité qui venait de se reconstituer brique par brique à partir de rien, et accompagnée d'un empereur antique qui lui parlait de sa lignée perpétuée et de ses rêves d'empire ressuscité, Sivir était totalement bouleversée. Tout ce en quoi elle avait cru était à présent ébranlé.

Alors que les mots d'Azir résonnaient encore dans son esprit, elle retourna à sa vie de mercenaire. Elle trouvait le réconfort dans les combats qu'elle menait au quotidien pour gagner sa vie. Elle peinait à admettre qu'elle pouvait être l'héritière d'un empire disparu et faisait de son mieux pour ne plus y penser. Même si ce qu'Azir lui avait dit était vrai, elle était convaincue que personne ne serait capable d'unir les tribus disparates de Shurima. Les seigneurs de guerre les plus puissants étaient capables de contrôler de petits territoires pendant un temps, à force d'or et de combattants, mais le pays entier ne s'unirait jamais sous une bannière commune et s'inclinerait encore moins devant une seule personne, même s'il s'agissait bien d'un empereur antique.

Alors qu'Azir lutte pour rétablir son empire autrefois glorieux, Sivir, tourmentée par le doute, ignore si elle sera capable de renouer avec sa première vie. Des forces surgissent et menacent d'envahir son monde. Pour le meilleur ou pour le pire, le destin lui a donné une seconde chance.

Elle doit désormais choisir sa voie et forger un nouvel héritage.
 
Eau
 
Sivir avait l'impression que l'intérieur de sa gorge était recouvert de verre brisé. La peau craquelée de ses lèvres brûlait. Sa vision était brouillée. Je leur ai laissé bien suffisamment de temps pour qu'ils avancent.

Elle se pencha au bord du rocher. La caravane se trouvait toujours au niveau de la source et ne semblait pas prête à quitter les lieux.

Pourquoi fallait-il que ce soit des Kthaons ? Parmi les nombreuses, très nombreuses tribus qui voulaient se débarrasser d'elle, les Kthaons se démarquaient par leur entêtement.

Sivir observa de nouveau le groupe, cherchant un signe quelconque qui indiquerait le départ imminent de la caravane le long de l'ancien lit de la rivière. Elle roula les épaules pour sentir si ses muscles étaient en état de combattre une demi-douzaine d'hommes. Si elle espérait avoir la moindre chance, elle allait devoir les prendre par surprise.

Cette peste de Noxienne a été plus rapide que moi...

Sivir secoua la tête, cherchant à se reprendre. Ce n'était pas le moment de s'appesantir sur ce genre de pensées. Je commence à être distraite à cause du manque d'eau. Pourquoi est-ce que je n'ai pas emporté plus d'eau ?

La ville en regorgeait. D'énormes fontaines s'écoulaient des statues, toutes opérées par un Ancien. Il a guéri ma blessure et m'a sauvé la vie. Puis il avait repris ses activités, reconstruisant les temples autour de lui et prononçant des mots étranges dans un dialecte ancien qu'elle n'avait pas pu reconnaître. Il parlait tout seul dans une ville morte qui ne contenait rien d'autre que du sable. Il fallait que je m'en aille avant que ce vieux sorcier ne décide de tout engloutir de nouveau sous la poussière... ou avant qu'il réalise que j'avais une dette envers lui.

Sivir déglutit avec difficulté, ravivant la sécheresse douloureuse de sa gorge. Elle porta de nouveau son regard sur la source, une simple flaque d'eau boueuse au centre de la caravane.

Je leur ai laissé un jour, pensa-t-elle. Soit je meurs, soit ils meurent. Pour quelques gouttes d'eau ou quelques pièces d'argent. Telle est la voie du désert.

Fonçant vers le premier garde, elle prépara sa lame. Aurait-elle assez de temps pour l'atteindre avant qu'il ne se retourne ? Elle compta la distance. Quatorze pas. Douze. Dix. Il ne faut pas qu'il puisse les alerter. Deux pas. Elle bondit. Sa lame s'enfonça dans le cou de sa victime jusqu'à l'épaule.

Du sang gicla tandis qu'elle s'abattait sur lui. Avec son élan, elle repoussa le garde derrière la ligne de rochers sur laquelle il s'était tenu. Sivir agrippa ses bras. Il tenta de lutter, refusant d'accepter qu'il était déjà mort. Sivir se retrouva trempée de sang tandis que l'homme rendait son dernier soupir dans un gargouillis. Cet homme n'avait pas besoin de mourir.

Sivir repensa à la lame de Cassiopeia. Cette maudite Noxienne m'a planté une lame dans le dos. Je suis morte. Cela devrait signifier quelque chose.

Un grondement se fit entendre au loin. Des chevaux ? Un mur de sable qui s'effondre ? Elle n'avait pas le temps de se demander quelle était la source de ce bruit. Sivir rampa au milieu des pierres. Les autres membres de la caravane ne mettront pas longtemps à remarquer l'absence de leur garde. La cible suivante se déplaçait plus haut, le long de la ligne de crête. Il fallait qu'elle le frappe avant qu'il ne s'éloigne du rebord. Mon tir doit être parfait. Elle lança sa lame comme un boomerang.

Le deuxième garde fut coupé en deux. La lame volante décrivit un arc vers le haut, mais alors qu'elle atteignit son apogée, elle ralentit avant de faire demi-tour. Alors qu'elle revenait vers Sivir, elle trancha le cou du troisième homme. La mercenaire n'aurait pas le temps de la lancer une nouvelle fois : la lame termina sa trajectoire et plana vers le centre de la source d'eau. Il fallait simplement qu'elle l'atteigne à temps. Cette manœuvre était devenue un automatisme pour elle. Elle allait récupérer sa lame au vol et tuer les trois hommes restants d'un seul mouvement tourbillonnant.

Mais alors qu'elle courait, ses pieds devinrent très lourds et il lui sembla impossible d'inspirer assez d'air dans ses poumons enflammés. Trente pas.Elle devait absolument parcourir la distance avant que le corps du deuxième homme ne touche le sol. Vingt pas.Les muscles de ses jambes étaient pris de crampes et refusaient de lui obéir. Quinze pas.Elle se mit à glisser et à trébucher. Non. Pas encore !

Puis, plus tôt qu'elle ne l'avait escompté, le corps du deuxième homme finit par s'écraser sur les rochers. Ils allaient forcément entendre ce bruit.

Une seule erreur était déjà de trop. Les Kthaons étaient un peuple du désert. Les gardes restants avaient déjà dégainé leurs armes avant qu'elle ait le temps de faire un pas de plus.

Sa lame-boomerang tomba dans l'eau entre les trois hommes et elle. À cinq pas devant eux. Mais à dix pas d'elle.

Je pourrais y arriver avant eux. Tous les instincts et réflexes de Sivir la poussaient à se précipiter vers son arme. Mais au lieu de ça, elle glissa et s'arrêta, manquant de tomber en avant.

Emporter trop peu d'eau. Hésiter trop longtemps avant d'attaquer. Mal calculer la distance. Je ne fais jamais ce genre d'erreur. Pourquoi aujourd'hui ? Une autre partie de son esprit lui répondit aussitôt. Elle se remémora cet instant, juste après avoir été poignardée dans le dos par la dague de Cassiopeia... Elle n'avait pas senti la lame elle-même. Ce qu'elle avait senti, c'était un poids soudain et inattendu qui avait semblé lui couper le souffle et lui écraser les poumons.

« J'ai tué trois d'entre vous avant même que vous ne puissiez m'entendre », toussa-t-elle.

« Mais tu n'as pas d'arme », répondit le plus grand des Kthaons.

« C'est seulement parce que je ne voulais pas verser votre sang dans cette eau », mentit-elle.

Les trois hommes encore debout échangèrent un coup d'œil. Ils m'ont reconnue.

« Il y a un an, j'ai tué votre chef et deux douzaines de vos meilleurs guerriers pour un sac d'or. C'était un prix bien maigre pour leurs vies. » Elle croisa le regard des trois hommes. Ils se déployaient depuis la source, cherchant à l'encercler.

« Et cet or que j'ai gagné en tuant votre chef et vos frères ? poursuivit-elle. Je l'ai perdu au jeu en l'espace d'une soirée ! »

« Nous allons les venger et laver cette insulte dans ton sang », répondit le plus grand des trois.

« Je n'aurais pas dû les tuer, dit-elle. Pas pour cet or. Ne me forcez pas à vous tuer pour quelques gorgées d'eau. »

Nerveusement, le chef des Kthaons serra un peu plus fort son arme.

« Je vous le dis, je pourrai atteindre ma lame avant que vous n'ayez le temps d'agir, expliqua Sivir. Et si je cours pour attraper mon arme... Vous mourrez tous les trois. » Elle pointa du doigt la source d'eau croupie. « Vos vies valent plus que cela. »

« Alors nous mourrons dans l'honneur », décida le plus grand des trois hommes, bien que ses compagnons semblassent moins déterminés que lui.

« Ai-je eu besoin de cette arme pour tuer la vingtaine d'hommes que vous tenez à venger ? » demanda Sivir en guise d'avertissement. « Vous êtes trop peu nombreux. »

Les trois hommes hésitèrent. Ils connaissaient la réputation de Sivir. Les deux autres agrippèrent les bras du chef et le tirèrent en arrière, avant de remonter en selle.

Sivir s'approcha de l'eau.

« Nous reviendrons avec le reste de notre tribu pour nous venger. »

« Beaucoup de monde a voulu tenter cette tactique, répondit-elle. Ça n'a jamais marché. »

Sivir fit rouler sa langue gonflée contre son palais, souhaitant désespérément pouvoir se désaltérer. Chaque fibre de son corps voulait se mettre à genoux et plonger sa tête dans l'eau pour boire. Je dois attendre qu'ils aient dépassé cette dune, au loin.

Alors que les trois hommes grimpaient en selle et s'éloignaient au galop, le même grondement étrange se fit de nouveau entendre. Le bruit était de plus en plus fort. Ce ne sont ni des chevaux, ni des sables mouvants.Sivir se retourna en direction de la source du bruit et vit un mur d'eau de plusieurs mètres de haut qui se déversait le long de l'ancien lit de la rivière. L'eau de la ville !

Juste avant que l'eau n'atteigne Sivir, elle ressentit la vague d'air frais et humide qui précédait la déferlante. La bourrasque la frappa en plein visage comme un baiser inattendu.

La première vague manqua de la balayer. À l'impact, l'eau lui parut glaciale, mais tandis qu'elle enveloppait sa taille et ses jambes, sa fraîcheur se fit apaisante. Sivir se laissa aller, portée par le courant. Elle sentit la poussière du désert quitter son corps, emportée par le flot de la rivière, tandis que ses cheveux flottaient librement dans l'eau.

J'étais morte. Je dois faire en sorte que ma vie ait un sens.
 
Skarner Square 0   Skarner - Gardien de cristal
 
« Nous sommes un. On ne peut nous séparer. »


Skarner est un immense scorpion cristallin venu d'une vallée cachée de Shurima. Issus de l'ancienne race des Brackerns, Skarner et les siens sont connus pour leur grande sagesse et leurs liens profonds avec la terre : leur âme a fusionné avec de puissants cristaux de vie qui contiennent les pensées et les souvenirs de leurs ancêtres. À une époque si reculée que nul ne s'en souvient, les Brackerns sont entrés en hibernation pour échapper à la destruction magique, mais des événements menaçants viennent de réveiller Skarner. Seul Brackern éveillé, il lutte pour protéger les siens contre ceux qui cherchent à les blesser.

Bien avant que les hommes n'aient traversé les déserts brûlants de Shurima, le sable lui-même palpitait de magie primitive. Dans une vallée lointaine, entourée de falaises abruptes et de formations rocheuses déchiquetées, la race antique des Brackerns exhumait des cristaux bruts des profondeurs de la terre. Chacune de ces nobles créatures fusionnait avec une seule pierre, qui conservait leur conscience bien après leur mort.

La mort d'un Brackern était rare, leur vie terrestre durant des millénaires, mais cela même n'était pas la fin pour eux. Quand la forme mortelle d'une de ces créatures périssait, sa pierre de vie était enfouie dans la vallée pour qu'elle y reste en sûreté jusqu'à ce qu'un nouveau Brackern l'exhume. Cette pratique permettait de protéger les cristaux vulnérables tout en conservant la sagesse des anciens.

Le nombre de pierres étant limité, les jeunes Brackerns cherchaient le cristal qui leur était destiné, tout comme la conscience contenue dans la pierre attirait le Brackern qu'elle avait choisi pour hériter de sa magie et de ses souvenirs. Au cours d'un rituel sacré, la pierre fusionnait avec la chair cristalline, lui insufflant souvenirs et connaissance dans un flux de magie primitive. Un Brackern sans cristal ne survivait pas longtemps, car il était privé de la force, de la longévité et de la puissance offertes par les pierres.

Le jeune Skarner chercha le cristal qui lui était destiné pendant de longues années. Craignant de mourir avant de l'avoir trouvé, il devint de plus en plus frénétique dans sa quête au fur et à mesure que les lunes passaient. Jour et nuit, il s'enfonçait dans le sol, creusant toute la vallée de façon méthodique.

Skarner était sur le point d'abandonner quand il ressentit enfin l'appel d'une ancienne conscience. Il s'enfouit, descendant de plus en plus bas jusqu'à ce que le cœur du monde réchauffe sa carapace. Les jours passaient et la conscience se faisait de plus en plus insistante. Les pinces de Skarner se fermèrent enfin sur une pierre polie par le temps et il entendit un murmure rauque dans son esprit. La voix était lointaine, mais il se sentait déjà connecté à elle et il comprit qu'il avait trouvé sa pierre.

Il n'avait jamais vu cristal si grand et si usé par les siècles, au point que son éclat n'était plus qu'une lueur pâle. Sa surface était fissurée en de nombreux endroits et les ères passées sous terre l'avaient érodée. Skarner examina la pierre avec une extrême douceur, craignant d'endommager davantage une relique si ancienne. La faible lueur du cristal sembla émettre une pulsation, comme en réponse à la présence de Skarner.

Skarner initia le rituel de fusion, s'enfonçant loin sous le sol, pendant des semaines, sans s'alimenter, seul avec le cristal. Malgré son épuisement et l'atrophie de ses membres affamés, il n'avait pas peur, car la voix de la pierre le réconfortait. Quand le cristal fusionna enfin avec son corps, il fut submergé par des émotions et des souvenirs antiques, et la sagesse remodela ses pensées. Il assista à des moments de joie extraordinaire et à des chagrins insoutenables venus de générations disparues depuis longtemps. Il sentit la magie, tout autour de lui, créer un lien profond entre son corps et le monde au travers d'un bourdonnement permanent ; il connut la communication silencieuse des esprits de son peuple.

Quand les forces cataclysmiques des Guerres Runiques commencèrent à dévaster le monde, les Brackerns redoutèrent que ce chaos ne marque la fin de leur espèce. Ils décidèrent de se placer en hibernation jusqu'à ce que les humains se soient entretués, comme il semblait inévitable qu'ils le feraient. Il ne serait possible de sortir des sables sans danger qu'à ce moment seulement.

Les scorpions cristallins s'enfouirent au plus profond du désert de Shurima, les plus jeunes et les plus féroces positionnés le plus près de la surface, prêts à s'éveiller les premiers pour protéger les autres en cas de danger. La force que sa pierre avait donnée à Skarner le rendait plus puissant que presque tous ceux de son espèce, il fut l'un des derniers à entrer dans le grand sommeil.

Les Brackerns dormirent dans leur paisible isolement pendant des siècles avant que Skarner ne s'éveille brutalement de son enfouissement. Des explosions assourdissantes faisaient trembler le sol, ciblant les Brackerns là où ils dormaient, étourdissant ceux qui se trouvaient le plus près de la surface. Une bande de brigands avaient découvert les créatures assoupies et tentaient de soustraire les cristaux à la chair cristalline. Skarner, protégé du plus fort de l'attaque par son cristal, surgit du sable dans une terrible frénésie de pinces tranchantes et de dard empoisonné. Bien qu'il fût nettement surclassé par le nombre, il tua la plupart des voleurs ; les autres s'enfuirent terrifiés. Skarner fut horrifié d'apprendre qu'il était le seul éveillé et que son peuple s'était fait dérober de nombreux cristaux.

Il essaya de réveiller ses compagnons assoupis, mais les hommes avaient brisé tant de pierres de vie dans leur tentative de vol insensée que les Brackerns aux cristaux endommagés mouraient dès qu'ils sortaient de leur assoupissement, tandis que les autres restaient plongés dans le sommeil. Pendant des semaines, Skarner arpenta le sable au-dessus de ses frères endormis, pleurant les morts. Il était certain que les cristaux périraient rapidement entre les mains des hommes et cela aussi l'attristait profondément.

Mais, quelques semaines plus tard, tandis que le soleil montait à l'horizon, Skarner entendit l'écho assourdi d'appels dans son esprit. Les cris étaient lointains, mais leur sens ne faisait pas le moindre doute. C'étaient les voix des pierres perdues qui tentaient de capter son attention et qui l'imploraient de les rendre à leur peuple. Skarner hésita, se demandant s'il fallait qu'il se précipite à leur secours ou qu'il continue de veiller sur les Brackerns qui avaient survécu. Après avoir passé des semaines à effacer toute trace des excavations, il ne supportait pas d'entendre les esprits de son peuple souffrir entre les mains cruelles des humains. Il décida de secourir les cristaux qui avaient été volés.

Skarner se lança sur la piste des pierres, espérant que nul ne découvrirait ses semblables sous le sable. Sa quête est solitaire, mais il entend parfois un cristal qui l'appelle, et il ressent alors un extraordinaire mélange d'angoisse et de joie. Il tente de transformer son chagrin en détermination implacable et il refuse de prendre du repos tant qu'il n'aura pas retrouvé toutes les pierres disparues.
 
Chansonge
 
Les peaux-tendres ont mis fin à notre sommeil antique.

Pendant une éternité, j'ai éprouvé le mouvement étourdissant du monde. Les étoiles explosaient et mouraient au-dessus de moi bien que je ne les visse point. Je sentais la chaleur du soleil insuffler la vie aux terres schisteuses.

Lorsque mon cœur ralentit, quand il me fallut me recroqueviller sous le sable sec pour le long sommeil, je pensais que mon ère souterraine serait solitaire et que la terre ne répondrait pas à ma caresse. Mais tout et tous, autour de moi, étaient de mon espèce. Je les entendais bruire dans mon sommeil. Leurs murmures silencieux glissaient jusqu'à mon esprit. J'entendais leurs chansonges parler des mondes par-dessus les mondes. Ils évoquaient des lieux sans peaux-tendres, sans peur, douleur ou doute. Des lieux pour la paix.

Dans le sable, nous étions tous connectés, nous rêvions le même rêve. Pas seulement ceux qui chantaient, mais tous les êtres vivants : les vers qui s'enroulaient autour des grains de sable lisses, les rats-taupes qui creusaient des tunnels pour y faire naître leurs petits, les araignées à duvet qui se lovaient une nuit dans la chaleur des profondeurs de la terre.

Je pensais que les rocs seraient immobiles, froids, insensibles. Mais eux aussi faisaient partie de nous. Les pierres étaient chaudes et plus nous nous enfoncions, plus nous approchions de la matrice brûlante de ce monde. À chaque fois que les sous-sols bouillaient de colère, j'étais là ; les séismes faisaient trembler le sable jusqu'à ce que mon chant déploie ma rage en écho. Nous sommes un, nous sommes un seul tout. Ta colère est la mienne.J'entendais la gratitude aux jours de pluie, quand les gouttes imprégnaient le sable et mollissaient la terre.

Quand les peaux-tendres vinrent, le sol ne connut plus que la douleur. Nos chants devinrent des cris car nous étions brisés, fracturés, démembrés. J'ai entendu s'élever les changoisses tandis que les peaux-tendres scarifiaient mon peuple. Ils arrachèrent les pierres de nom cristallines de nos corps sans écouter nos hurlements plus rugissants que des séismes et ils les volèrent. J'ai pleuré au cours de bien des nuits, chanté jusqu'à ce que mon cœur devienne vide et froid, mais les pierres de nom ne sont pas revenues.

Aujourd'hui, je suis seul à la surface. Aujourd'hui, le foehn brûle ma peau. À chaque pas, le sable proteste sous moi. Je dois combattre mon envie de m'enfouir dans les profondeurs de la terre. Je ne me suis pas séparé. Je fais partie du tout, je n'en suis pas exclu.

Des profondeurs, un chant de peur et de souffrance me parvient. Les harmonies en sont lointaines, mais je reconnais la mélodie et je réponds dans un contrechant de douleur. Une note d'espoir retentit dans mon esprit, claire et pure. Presque, presque.

Les étoiles changent au-dessus de moi, encore et toujours. L'univers, qui ne cesse jamais de vibrer, me regarde intensément. Le poids pesant de la surface me donne le sentiment de fondre. Je devrais être en bas, mais je suis ici, seul dans l'air froid.

Voici trois lunes que je suis à la surface. Un simple souffle dans l'éternité du temps. Un murmure chaud passe silencieux dans les sous-sols, mais à la surface me glace le sentiment d'une éternité de solitude.

Devant moi, j'entends les peaux-tendres. Ils ne chantent pas, ils vocifèrent. Leurs accords s'affrontent et se superposent sans mélodie ni harmonie. Ils brûlent une chair d'animal sur un feu factice. La graisse noie l'air de fumée et la puanteur m'étouffe. Qu'est-ce qui les pousse à des actes si abjects ? Il y a pourtant de la place pour tous dans le sol.

La mélodie se rappelle à moi, faiblement. Presque.La pierre de nom n'est plus loin.

Il faut que je leur explique : les peaux-tendres ne comprennent pas. Leur parcours est bien trop récent, ils ont à peine commencé à creuser, ils ont à peine aperçu le monde souterrain. Ils parlent, mais ils n'ont pas encore entendu le chant. Ils apprendront.

Je module dans leur esprit une calmélopée, un chant d'apaisement, pour qu'ils perçoivent la grande beauté qui nous attend quand nous nous endormons. Je chante pour mon peuple, pour qu'ils découvrent ce qu'ils ont volé.

Les peaux-tendres ne répondent pas à mes mélodies. Ils n'entendent pas ma voix enfler dans leur tête. Je chante pour nos pierres de nom qu'on nous a dérobées. Rendez-les, elles sont à nous. Vous avez déjà assassiné une fraction des nôtres. Ne nous privez pas de notre avenir.Ma complainte est une supplication. Laissez-moi remporter les cristaux dans les profondeurs pour qu'ils soient tous de nouveau liés à nous. Je chante pour soigner la terre meurtrie.

Les peaux-tendres continuent de hurler les uns à côté des autres. L'un d'eux émet un son au rythme régulier... un rire ? J'ai comme l'impression que l'air écrase mon corps, alors je m'enfouis. Le poids que je ressens autour de moi me réconforte.

Comment peuvent-ils rester aveugles aux dévastations qu'ils ont causées ? Vous n'avez pas de cœur, vous êtes d'une argile âpre. Comment pouvez-vous nous déchirer ainsi ?

Ma carapace devient blanc ciel de rage. Je ne laisserai pas ces peaux-tendres nous détruire.

Je les entends hurler lorsque je jaillis des sables. J'invoque l'énergie du sol et je stocke sa puissance dans ma pierre de nom. Un peau-tendre me lance une lame qui touche ma patte, détruisant sa coque luminescente. Votre chant n'est que mort. Mais c'est une mélodie que moi aussi je puis chanter.Je déchaîne une énergie irradiante et des cristaux tranchants crèvent la croûte terrestre, empalant les chairs et désossant les corps.

Dans leur panique, le feu factice se répand. Leurs carcasses frêles d'épiderme et d'osselets brûlent dans les ténèbres, les flammes engloutissent les peaux-tendres. De la fumée s'élève, comme en offrande aux étoiles palpitantes. Les peaux-tendres tentent de fuir le chaos, mais je suis plus rapide. Je les prends de flanc et découpe un retardataire d'un coup de pince. J'en écrase un autre. Le sang de vie profane le sable. Je rugis : ce n'est ni douleur ni chant, mais une protestation. Votre sang n'est pas digne de toucher ce qui est un et ce qui est tout.

Ma queue frappe de gauche et de droite et je balaie les peaux-tendres. J'invoque de nouveau l'éclat du soleil et de nouveau les pics de cristal traversent le sable et puis la chair. Vous percevez donc mon chant, finalement...

Je deviens aussi âpre qu'ils le sont. Je deviens la violence. Je deviens la mort.

Lorsque je rêve, il n'y a que de la rage dans mon songe. Je ne suis plus digne des profondeurs. Mais je ne peux m'arrêter.

Il n'en reste plus qu'une. La peau-tendre agite un objet brillant de bois et de métal. Elle a le désir de me tuer. Un faux soleil irradie de l'objet et vient percer ma carapace, brûlant mes entrailles. La lumière se réfléchit dans mon cristal et me paralyse. Je titube, ravagé de souffrances. Je ne peux pas bouger. Je suis brisé. Je suis fini.

L'ultime écho d'un chant résonne encore dans ma tête. Presque, presque. Nous sommes un.

Elle dirige son arme vers moi une nouvelle fois et je tremble d'horreur en voyant la pierre de nom pâlissante qui y est enfermée. Son arme siphonne notre énergie vitale. Ils gaspillent des cristaux pour alimenter leur chant terrible. Je sens que je vais exploser de fureur et de douleur, mais je me tourne vers la terre pour quémander sa puissance. Je hurle en projetant mon dard, empalant la peau-tendre qui s'agite comme un ver. Je m'empare de l'arme et l'écrase dans ma pince. Elle n'est plus que poussière et ne laisse derrière elle que sa pierre de nom blanc ciel.

Je prends le cristal dans ma bouche, là où il sera en sûreté. Je suis là, nous ne sommes qu'un.

Je replie mon dard et la peau-tendre tombe au sol. Ne revenez pas. Ne prenez plus nos pierres de nom. Nous ne sommes pas à vous. Nous sommes un seul tout. Nous n'appartenons qu'aux profondeurs.

Je la laisse et elle rassemble ses dernières forces pour s'enfuir. Ce n'est pas par pitié que je l'ai épargnée, mais parce que je sais qu'elle a entendu mon chansonge et qu'elle n'a plus d'autre choix que de le chanter à son tour.
 
Azir Square 0   Azir - Empereur des sables
 
« Shurima était autrefois la gloire de Runeterra. Je lui rendrai tout son éclat. »
 
Azir fut l'empereur mortel de Shurima en des temps très lointains, un homme fier dressé au bord de l'immortalité. Son orgueil lui valut d'être trahi et assassiné à l'heure de son triomphe ; mais des millénaires se sont écoulés et il revient sous la forme d'un être transfiguré à l'immense puissance. Sa cité ensevelie ayant ressurgi des sables, Azir cherche à rendre sa gloire passée à Shurima.
 
Il y a des milliers d'années, Shurima régnait sur un empire d'États vassaux conquis par de puissantes armées que commandaient d'invincibles guerriers : les Transfigurés. Dirigée par un empereur ambitieux et avide de pouvoir, Shurima était le plus grand royaume en son temps : une terre fertile enrichie par les bénédictions du soleil que représentait un grand disque au sommet du temple de la capitale.
 
Dernier-né négligé de l'empereur, Azir n'était pas destiné à la grandeur. Il avait tant de frères aînés que ses chances de devenir empereur un jour étaient nulles. Il était condamné à devenir prêtre ou à dépérir dans un obscur rôle de gouverneur au fond d'une province lointaine. Enfant mince et appliqué, il passait plus de temps à étudier les textes de la Grande Bibliothèque de Nasus qu'à s'entraîner au combat sous l'autorité sévère de Renekton, le héros transfiguré.
 
Parmi les parchemins, les rouleaux et les tablettes, Azir rencontra un petit esclave qui fouillait chaque jour la bibliothèque pour y trouver les textes requis par son maître. Les esclaves de Shurima n'avaient pas le droit de porter de nom, mais les deux jeunes garçons devinrent amis et Azir, violant la loi, décida de baptiser son compagnon Xerath (« Celui qui partage »). Il fit de Xerath son esclave personnel (tout en prenant garde de ne jamais le mettre en danger en révélant publiquement son nom) et les deux enfants partagèrent leur amour de l'histoire en apprenant tout ce qu'ils pouvaient sur le passé de Shurima et l'héritage ancien des héros transfigurés.
 
Azir parcourait chaque année l'empire avec son père, ses frères et Renekton ; lors d'un de ces voyages, la caravane impériale s'arrêta dans une oasis pour la nuit. Azir et Xerath s'esquivèrent dans l'obscurité pour dessiner les étoiles et ajouter leurs propres cartes stellaires à celles qu'ils avaient étudiées dans la Grande Bibliothèque. Alors qu'ils notaient les constellations, la caravane impériale fut attaquée par des assassins envoyés par les ennemis de l'empereur. Un des assassins trouva les deux garçons dans le désert et s'apprêtait à couper la gorge d'Azir quand Xerath se jeta sur son dos. Dans le combat qui s'ensuivit, Azir parvint à s'emparer de sa dague et à la plonger dans la gorge de son assaillant.
 
Azir s'empara de l'épée du mort et se précipita vers l'oasis, mais le temps pour lui d'arriver, les assassins étaient déjà morts. Renekton avait protégé l'empereur et éliminé les agresseurs, mais les frères d'Azir étaient tous morts. Azir parla à son père du courage de Xerath et lui demanda de récompenser le petit esclave, mais sa plaidoirie tomba dans l'oreille d'un sourd. Aux yeux de l'empereur, le garçon n'était qu'un esclave ne méritant aucune considération, mais Azir jura qu'un jour Xerath et lui seraient frères.
 
Lorsque l'empereur revint en sa capitale, avec pour seul héritier son dernier-né de quinze ans, il déchaîna une fureur sanguinaire sur ceux qu'il prenait pour les assassins de sa famille. Shurima s'enfonça dans la paranoïa et le meurtre pendant des années et l'empereur se vengea de quiconque était suspecté de trahison. Bien qu'il fût désormais l'héritier du trône, la vie d'Azir ne tenait qu'à un fil. Son père le haïssait, car il aurait préféré qu'il mourût plutôt que ses frères, et sa mère était toujours assez jeune pour porter de nouveaux fils.
 
Azir s'entraîna au combat, car l'attaque de l'oasis avait révélé ses lacunes dans l'art de la lutte. Renekton s'attela à l'éducation martiale du jeune prince et, sous sa direction, Azir apprit à porter l'épée et la lance, à commander des troupes et à lire le déroulement des batailles. Le jeune héritier éleva Xerath, le seul confident en qui il eût confiance, au rang de conseiller. Pour l'encourager à mieux le servir, Azir chargea Xerath de chercher la connaissance partout où il la trouverait.
 
Les années passèrent sans que l'impératrice ne parvienne à donner naissance à un enfant viable. Tant que l'impératrice restait infertile, Azir était en relative sécurité. Certains, parmi les courtisans, pensaient qu'une malédiction était à l'œuvre et certains murmuraient même que le jeune héritier en était responsable ; Azir clamait pourtant son innocence et exécutait même ceux qui osaient formuler ouvertement de telles accusations.
 
Finalement, l'impératrice tomba enceinte d'un garçon vigoureux ; mais la nuit de la naissance, une terrible tempête engloutit Shurima. Les quartiers de l'impératrice furent plusieurs fois frappés par la foudre et le nouveau-né mourut avec sa mère. On dit que l'empereur devint fou de douleur et se suicida en apprenant la nouvelle, mais des rumeurs affirmèrent également qu'on avait retrouvé son corps et celui de ses gardes sur le sol du palais, brûlés jusqu'à l'os.
 
Azir fut choqué par leur mort, mais l'empire avait besoin d'un chef et, Xerath à ses côtés, il devint l'empereur de Shurima. Durant la décennie suivante, il agrandit Shurima et régna d'une main ferme mais juste. Il réforma pour l'adoucir le statut des esclaves et développa en secret un plan destiné à abolir définitivement cette institution. Il ne parla de la libération des esclaves à personne, pas même à Xerath, et le problème de la servitude resta entre eux une pomme de discorde. L'empire s'était bâti sur l'esclavage et de nombreuses maisons nobles dépendaient du travail forcé pour asseoir leur puissance et leur richesse. On ne pouvait renverser un tel système en une nuit et les plans d'Azir étaient voués à l'échec si quiconque en entendait parler. Azir ne souhaitait rien tant que faire de Xerath son frère, mais c'était impossible tant que les esclaves de Shurima n'étaient pas libérés.
 
Pendant ce temps, Xerath protégeait Azir contre ses rivaux politiques et guidait l'expansion de l'empire. Azir se maria et donna naissance à de nombreux enfants, certains légitimes, d'autres issus d'aventures malavisées avec des esclaves et des filles de harem. Xerath adhérait à la vision de l'empereur : bâtir un empire plus vaste que ce que le monde avait jamais connu. Il convainquit Azir que, pour régner sur le monde entier, il devait devenir invincible, un dieu parmi les hommes, un Transfiguré.
 
Alors que le royaume atteignait son apogée, Azir annonça qu'il allait participer au rituel de l'Ascension, que l'heure était venue pour lui de prendre sa place aux côtés de Nasus, de Renekton et de leurs illustres prédécesseurs. Nombreux furent ceux qui contestèrent cette décision : le rituel de l'Ascension était extrêmement dangereux et on le réservait généralement à ceux dont la mort était proche et qui avaient consacré leur existence à Shurima. Décider qui serait honoré par l'Ascension était le privilège des prêtres du soleil et un empereur ne pouvait céder à l'orgueil au point de se l'attribuer arbitrairement. Azir ne se laissa pas dissuader, car son arrogance avait grandi au rythme de son empire, et il ordonna aux prêtres d'obéir, sous peine d'être mis à mort.
 
Le jour du rituel vint enfin et Azir marcha vers le lieu de l'Ascension, flanqué par des milliers de guerriers et des dizaines de milliers de sujets. Les frères Renekton et Nasus étaient absents, Xerath les ayant envoyés s'occuper d'une menace aux frontières, mais Azir ne voulait pas se détourner pour si peu de ce qu'il considérait comme le chemin de sa grande destinée. Il grimpa jusqu'au grand disque d'or au sommet du temple d'où rayonnait la ville et, juste avant que les prêtres du soleil ne commencent le rituel, il se tourna vers Xerath pour enfin l'affranchir. Et pas seulement lui, mais tous les esclaves…
 
Xerath en perdit la parole, mais Azir n'avait pas encore fini. Il enlaça Xerath et affirma qu'il était son frère pour toujours, comme il l'avait promis naguère. Azir se détourna tandis que les prêtres commençaient le rituel pour canaliser l'extraordinaire puissance du soleil. Azir ignorait que Xerath n'avait pas seulement étudié l'histoire et la philosophie dans sa quête de connaissance. Il s'était formé aux arts noirs de la sorcellerie, d'autant que son désir de liberté avait développé en lui, comme un cancer, une haine brûlante.
 
En plein milieu du rituel, l'ancien esclave déchaîna toute sa puissance et Azir fut éjecté de son estrade. Perdant la protection du cercle runique, Azir fut consumé par le feu du soleil tandis que Xerath prenait sa place. La lumière emplit Xerath de puissance et il rugit tandis que son corps commençait à se transformer.
 
Mais la magie du rituel n'était pas conçue pour lui et des énergies célestes si formidables ne pouvaient être détournées sans de terribles conséquences. La puissance cumulée du rituel de l'Ascension provoqua une terrible déflagration, dévastant Shurima et transformant la ville en ruines. La population fut réduite en cendres, les tours de ses palais s'effondrèrent, les sables du désert engloutirent la cité. Le Disque solaire tomba et ce qu'il avait fallu des siècles pour construire devint en un instant un simple souvenir, à cause de l'ambition d'un homme et de la haine absurde d'un autre. Il ne demeurait plus de la ville d'Azir que des ruines englouties et l'écho des hurlements mêlés aux vents de la nuit.
 
Azir ne vit rien de tout cela. Pour lui, tout n'était que néant. Ses derniers souvenirs n'étaient que douleur et feu, il ignorait tout de ce qui lui était arrivé, de ce que son empire était devenu. Il resta perdu dans l'oubli du temps qui passe pendant des millénaires, jusqu'à ce que le sang de son dernier descendant soit versé sur les ruines du temple et le ressuscite. Azir venait de renaître, mais il était toujours inachevé : son corps n'était guère qu'une silhouette de poussière, uniquement maintenue par les derniers vestiges d'une volonté inébranlable.
 
Retrouvant progressivement sa forme corporelle, Azir erra parmi les ruines et tomba sur le cadavre d'une femme, un couteau traîtreusement enfoncé dans son dos. Il ne la connaissait pas, mais reconnut dans ses traits l'écho lointain de sa lignée. Il n'avait plus aucun rêve d'empires ni de puissance au moment où il souleva cette enfant de Shurima pour la porter jusqu'à ce qui avait été autrefois l'Oasis de l'aube. L'oasis était asséchée et abandonnée, mais à chaque pas fait par Azir, de l'eau claire jaillissait de nouveau. Azir immergea le corps de la femme dans les eaux vives de l'oasis et le sang fut lavé, ne laissant sur le corps qu'une mince cicatrice là où la lame l'avait transpercé.
 
Cet acte désintéressé fit jaillir autour d'Azir une ardente colonne de magie shurimienne, faisant de lui l'être transfiguré qu'il avait autrefois cherché à devenir. La lumière immortelle du soleil l'emplit, lui sculptant une magnifique armure aux allures de faucon et lui conférant le pouvoir de commander au sable lui-même. Azir leva les bras et sa cité en ruines secoua les siècles de poussière qui la recouvraient pour s'élever de nouveau des sables du désert. Le Disque solaire se dressa une nouvelle fois et les eaux purificatrices coulèrent entre les temples, attirant de nouveau sur eux la lumière commandée par l'empereur.
 
Azir monta les marches du temple du soleil, tissant les vents du désert pour recréer les derniers instants de la cité. Des fantômes de sable rejouèrent pour lui la fin de la ville et Azir découvrit avec horreur la trahison de Xerath. Il pleura en voyant mourir sa famille et chuter son empire. Il ne comprenait que maintenant, des millénaires trop tard, la profondeur de la haine que lui vouait son ancien ami et allié. Grâce à sa puissance et à sa prescience de Transfiguré, Azir sentit la présence de Xerath, très loin aux confins du monde, et il invoqua une armée de guerriers de sable. Tandis que le soleil se réfléchissait sur le disque d'or au-dessus de lui, Azir fit un serment solennel.
 
Je reprendrai mes terres, je récupérerai ce qui était à moi !
 
Résurrection
 
Azir arpentait la Voie de l'empereur pavée d'or. Les immenses statues des premiers dirigeants de Shurima (ses ancêtres !) semblaient veiller sa progression.
 
Les clartés incertaines, entre chien et loup, rampaient sur les murs de sa ville. Les plus brillantes étoiles palpitaient toujours au-dessus de sa tête, mais le soleil s'apprêtait à éteindre leur éclat. Le ciel nocturne était différent de ce dont Azir se souvenait ; les étoiles et les constellations n'étaient plus alignées comme autrefois. Les millénaires avaient passé.
 
À chaque pas, le bâton d'Azir faisait retentir une note qui résonnait dans les rues vides de la capitale.
 
La dernière fois qu'il avait parcouru ce chemin, une garde d'honneur de 10 000 soldats d'élite avançait derrière lui et les acclamations de la ville ébranlaient les bâtiments sur leurs bases. Son heure de triomphe – qui lui avait été volée.
 
Aujourd'hui, il ne restait que cette ville fantôme. Qu'était-il advenu de son peuple ?
 
Avec un geste impérieux, Azir ordonna aux sables de s'animer de part et d'autre de la voie et de former des statues vivantes. C'était une vision du passé, un souvenir de l'ancienne Shurima.
 
Les silhouettes de sable tournèrent la tête vers l'immense Disque solaire, au-dessus de l'estrade de l'Ascension quelques lieues plus loin. Il demeurait là, immobile, proclamant la gloire et la puissance de l'empire d'Azir... une gloire et une puissance que plus personne n'était là pour observer. La fille de Shurima qui l'avait éveillé, celle en qui coulait son héritage, avait disparu. Il pouvait la percevoir dans le désert. Le sang les liait.
 
Tandis qu'Azir remontait la voie, les silhouettes de sable, échos du passé disparu, lui indiquèrent le Disque solaire, leur expression de joie soudain muée en horreur. Les bouches s'ouvrirent démesurément pour un hurlement silencieux. Tous se détournèrent pour tenter de fuir. Azir observait tout dans un silence désespéré, spectateur impuissant des derniers instants de son peuple.
 
Ses sujets furent annihilés par une vague d'énergie invisible, réduits en poussière et balayés par les vents. Qu'est-ce qui avait pu échouer au cours de l'Ascension au point de déclencher une telle catastrophe ?
 
Azir concentra son attention. Sa marche se fit plus résolue. Il atteignit les marches de l'Ascension et les grimpa cinq par cinq.
 
Seuls ses plus fidèles soldats, les prêtres et les membres de la lignée royale étaient autorisés à fouler ces marches. Les versions de sable de ces dignitaires faisaient rang autour de lui, le visage déformé et grimaçant, et ils furent à leur tour balayés par les vents.
 
Il se mit à courir, avalant les marches plus rapidement qu'aucun être humain ne l'aurait pu, les serres griffant la pierre et laissant de profondes zébrures à chaque nouveau bond. Autour de lui, la destruction des silhouettes de sable ne cessait pas.
 
Il atteignit le sommet. Ici se tenait le cercle ultime des proches : ses aides de camp, ses conseillers, ses hauts prélats. Sa famille.
 
Azir se laissa tomber à genoux. Sa famille était devant lui, représentée avec un luxe époustouflant de détails. Sa femme, enceinte. Sa fille timide, la main serrant celle de sa femme. Son fils déjà grand, sur le point de devenir un homme.
 
Pétrifié d'horreur, Azir vit leur expression changer. Il savait ce qui allait se passer, mais il ne détourna pas le regard. Sa fille cacha son visage dans les replis de la robe de sa mère, son fils dégaina son épée avec un cri de défi. Sa femme... Ses yeux s'écarquillèrent, emplis de tristesse et de désespoir.
 
L'événement en cours, quel qu'il fût, les renvoya au néant.
 
C'était un spectacle insoutenable, mais il n'y eut pas de larme dans les yeux d'Azir. Sa forme transfigurée lui interdisait à jamais cette expression simple de sa souffrance. Le cœur lourd, il se releva. La question demeurait de savoir comment sa lignée avait survécu ; car il était certain qu'elle n'était pas éteinte.
 
Le dernier souvenir de sable attendait.
 
Il avança, s'arrêta à un pas de la plateforme et regarda ce que le sable dessinait devant lui.
 
Il se vit sous sa forme mortelle, soulevé dans les airs sous le Disque solaire, les bras écartés et le dos cambré. Il se rappelait ce moment. La puissance brute courait dans tout son corps, l'emplissant de force divine.
 
Un nouveau venu se forma dans le sable. Son compagnon fidèle, Xerath.
 
Son ami prononça un mot inaudible. Azir se vit exploser comme du verre et retomber au sol en une pluie de sable.
 
« Xerath », murmura Azir.
 
L'expression du traître était indéchiffrable, mais Azir ne voyait rien devant lui que le visage d'un assassin.
 
D'où venait une telle haine ? Azir ne l'avait jamais soupçonnée.
 
L'image de sable de Xerath s'éleva plus haut dans les airs tandis que les énergies du Disque solaire se concentraient en lui. Les gardes d'élite se précipitèrent vers lui, mais il était beaucoup trop tard.
 
Une onde de choc courut brusquement sur le sable, désintégrant le souvenir des derniers instants de Shurima. Azir resta seul au milieu des ultimes échos de son passé.
 
C'est donc ainsi que son peuple avait été exterminé.
 
Azir se détourna tandis que les premiers rayons du soleil illuminaient le Disque solaire au-dessus de lui. Il en avait vu assez. L'image de sable du Xerath transformé s'effondra derrière lui.
 
L'aube se reflétait, aveuglante, sur l'armure d'or et sans défaut d'Azir. À cet instant, il sut que le traître vivait toujours. Il pouvait sentir l'essence du mage dans l'air qu'il respirait.
 
Azir leva la main et une armée de ses guerriers d'élite se leva des sables au pied des marches.
 
« Xerath ! » s'exclama-t-il, la voix vibrante de rage. « Tes crimes ne resteront pas impunis. »
 
 
Xerath Square 0   Xerath - Mage suprême
 
« Mener une vie d'esclave m'a préparé à devenir votre maître pour l'éternité. »
 
Xerath est un mage transfiguré de la Shurima antique, un être d'énergie arcanique habitant les fragments détruits d'un sarcophage magique. Pendant des millénaires, il est resté prisonnier des sables du désert, mais le retour de Shurima l'a libéré de sa prison ancestrale. Devenu ivre de pouvoir, il cherche désormais à reprendre ce qu'il croit lui être dû et à remplacer les civilisations arrivistes qui ont pris possession du monde par une nouvelle, façonnée à son image.
 
Le garçon qui allait un jour devenir Xerath est né esclave anonyme à Shurima, il y a des milliers d'années. Il était le fils d'érudits qui, ayant été capturés, n'étaient plus voués qu'à connaître une vie entière de servitude. Sa mère lui apprit à lire et à compter, tandis que son père lui racontait des histoires et des légendes, chacun dans l'espoir que ses talents puissent le mener vers une vie meilleure. Le garçon jura qu'il n'aurait jamais le dos brisé par l'effort et les coups de fouet, comme tous les autres esclaves.
 
Son père fut gravement blessé durant les travaux de construction d'un monument en l'honneur du cheval préféré de l'empereur ; il mourut abandonné sur le lieu de l'accident. Craignant que son fils ne subisse le même sort, sa mère implora un bâtisseur de tombeaux respecté de le prendre en apprentissage. L'architecte, d'abord hésitant, fut vite impressionné par le sens du détail du jeune garçon et par sa compréhension innée des mathématiques et de la langue, si bien qu'il accepta. Mais l'enfant ne revit plus jamais sa mère.
 
Il était un disciple si appliqué que son maître l'envoyait presque quotidiennement à la Grande Bibliothèque de Nasus pour en rapporter des textes et des plans spécifiques. Lors d'une de ces courses, il rencontra Azir, le fils le moins aimé de l'empereur. Azir peinait à lire le passage difficile d'un texte ancien et, pourtant conscient que s'adresser à un membre de la famille impériale était passible de la peine de mort, le garçon s'arrêta pour aider le jeune prince dans sa lecture. Une nouvelle amitié naquit à cet instant. Elle ne fit que se renforcer au fil des mois qui suivirent.
 
Alors que les esclaves n'avaient pas le droit de porter de nom, Azir lui en donna un. Il choisit Xerath, ce qui signifiait « Celui qui partage », mais seuls les deux garçons s'en servaient. Azir fit en sorte que Xerath fût nommé esclave dans sa maison, et fit de lui son assistant personnel. Unis par l'amour commun qu'ils avaient pour le savoir, ils dévoraient les textes de la bibliothèque et devinrent aussi proches que des frères. Xerath était constamment aux côtés d'Azir et profitait de sa proximité avec le pouvoir et la connaissance pour apprendre tout ce qu'il pouvait. Il s'autorisa un jour à rêver qu'Azir le libérât.
 
Lors de la tournée que l'empereur effectuait une fois l'an dans tout l'empire, des assassins attaquèrent la caravane impériale qui passait la nuit dans une oasis. Xerath sauva Azir de la lame d'un d'entre eux, mais tous les frères d'Azir périrent dans l'assaut. Le jeune prince n'était plus qu'à un cheveu du trône de Shurima. En tant qu'esclave, Xerath ne pouvait s'attendre à aucune récompense, mais Azir lui fit la promesse qu'ils seraient un jour comme des frères.
 
À la suite de cette tentative d'assassinat, Shurima vécut de longues années dans la peur du châtiment de l'empereur. Xerath connaissait suffisamment bien l'histoire et les coutumes de la cour shurimienne pour savoir que la vie d'Azir ne tenait plus qu'à un fil. Être l'héritier du trône ne signifiait rien, car l'empereur le haïssait d'avoir survécu là où ses fils chéris avaient péri. Plus dangereux encore, la femme de l'empereur était toujours en âge de porter des enfants et, par le passé, elle avait donné naissance à de nombreux fils en bonne santé. Il était ainsi très probable qu'elle accouche d'un nouvel héritier mâle. Ce jour-là, Azir serait condamné.
 
Bien qu'Azir fût avant tout un érudit, Xerath parvint à le convaincre qu'il devait apprendre à se battre s'il comptait survivre, ce qu'il fit. En retour, le jeune héritier releva le rang de Xerath et l'encouragea à poursuivre son éducation. Les deux garçons étaient doués. Xerath était un élève particulièrement brillant, qui se plongeait avec enthousiasme dans l'étude du savoir. Il devint le confident d'Azir et son bras droit, ce qui n'avait jamais été vu auparavant pour un simple esclave. Cette place lui offrait une grande influence sur le jeune prince, trop grande selon certains. L'héritier comptait chaque jour davantage sur l'opinion de Xerath.
 
Xerath consacrait le moindre de ses efforts à la recherche du savoir, quel qu'en fût l'emplacement, le coût ou l'origine. Il ouvrit l'accès de bibliothèques fermées depuis une éternité, s'enfonça dans des caveaux oubliés et consulta des mystiques inhumés dans les profondeurs du désert, tout cela parce qu'il était assoiffé de connaissances et d'ambition. Son avidité ne pouvait plus être contenue. Lorsque le récit de ses expéditions dans des lieux malsains se murmurait dans la cour impériale, il trouvait des moyens astucieux de les faire taire. Le fait qu'Azir ne mentionnât jamais ces murmures était, pour Xerath, l'approbation tacite des méthodes par lesquelles il assurait la sécurité de son empereur.
 
Alors que les années passaient, Xerath employait des méthodes toujours plus obscures pour que la femme de l'empereur n'engendre aucun héritier. Il utilisait ses pouvoirs magiques naissants pour corrompre chaque enfant dans le ventre de sa mère. Sans autre prétendant au trône, Azir était en sécurité. Quand les rumeurs d'une malédiction apparurent, Xerath fit en sorte qu'elles s'éteignent immédiatement. Souvent, ceux qui colportaient ces soupçons disparaissaient sans laisser aucune trace. L'envie d'échapper à sa condition d'esclave était finalement devenue chez Xerath un désir ardent d'obtenir lui-même une forme de pouvoir. Il parvenait à se convaincre que chacun de ses meurtres était dans l'intérêt de la survie de son ami.
 
Malgré les efforts de Xerath pour contrarier les enfantements de l'impératrice, celle-ci parvint à donner naissance à un nouveau prince de Shurima. Cette nuit-là, Xerath puisa dans ses pouvoirs magiques de plus en plus puissants pour invoquer les esprits élémentaires du désert et générer une effroyable tempête. Il fit s'abattre la foudre impitoyablement sur les appartements de l'impératrice jusqu'à les réduire en cendres, la tuant elle et son nouveau-né. L'empereur se précipita sur les lieux de la tragédie, où il découvrit Xerath, les poings crépitant d'énergie arcanique. Alors que les gardes se jetaient sur lui, il les brûla tous, l'empereur y compris, jusqu'à les réduire à l'état de squelettes calcinés. Xerath fit en sorte que les mages d'un territoire conquis par l'empire soient accusés de ces meurtres, et dès son accession au trône, Azir mena une expédition punitive contre les habitants de cette région.
 
Azir fut couronné empereur de Shurima, avec à ses côtés Xerath, le garçon qui avait autrefois été un esclave sans nom. Il avait longtemps rêvé de cet instant, espérant qu'Azir abolirait enfin l'esclavage à Shurima avant de faire officiellement de lui son frère. Mais son ami ne fit rien de tout cela. Il continua à étendre les frontières de son empire tout en esquivant les appels de Xerath pour mettre un terme à l'esclavage. Pour lui, c'était la preuve indéniable du naufrage moral de Shurima. Il reprocha vertement à Azir d'avoir rompu sa promesse. C'est d'une voix tonitruante que l'empereur lui rappela qu'il était né esclave et ne devait jamais l'oublier. Ce qu'il restait de noble dans l'âme de Xerath disparut ce jour-là. Il s'agenouilla dans un geste d'imploration, donnant à Azir le sentiment qu'il acceptait sa décision. Alors que l'empereur poursuivait ses campagnes de conquête, Xerath resta à ses côtés. Mais chacune de ses actions était désormais motivée par le désir d'accroître son influence sur un royaume qu'il souhaitait en fin de compte s'approprier. Voler un empire n'était pas une tâche aisée. Xerath savait qu'il lui fallait devenir plus puissant.
 
La célèbre légende de l'Ascension de Renekton avait révélé qu'un mortel n'avait pas besoin d'être choisi par les prêtres du soleil, et que n'importe qui pouvait y prétendre. Ainsi Xerath complota pour s'approprier le pouvoir de l'Ascension. Aucun esclave n'aurait pu espérer se tenir devant le Disque solaire, alors il s'employa à alimenter l'orgueil de son empereur jusqu'à emplir son esprit des images impossibles d'un empire couvrant le monde tout entier. Un tel rêve ne pouvait être envisageable que si Azir procédait à l'Ascension, comme tous les grands héros de Shurima avant lui. La persévérance de Xerath finit par payer le jour où Azir annonça qu'il allait procéder au rituel de l'Ascension, car il prétendait avoir gagné le droit de devenir un être transfiguré à l'image de Nasus et de Renekton. Les prêtres du soleil tentèrent bien de protester, mais il était si rongé par l'orgueil qu'il leur promit de les torturer jusqu'à la mort s'ils ne s'exécutaient pas.
 
Le jour de l'Ascension arriva. Azir avança jusqu'à l'estrade de l'Ascension, accompagné de Xerath. Nasus et Renekton étaient absents de la cérémonie, Xerath ayant fait en sorte de les distraire en affaiblissant le sceau d'un sarcophage magique renfermant un être de feu pur. Quand la créature parvint finalement à rompre ses fers, Renekton et Nasus étaient les seuls guerriers capables de l'occire. Xerath avait ainsi détourné d'Azir les deux seules personnes capables de le sauver de ce qui était sur le point de se produire.
 
Azir se plaça sous le Disque solaire. Mais alors que les prêtres étaient sur le point d'entamer le rituel, les événements prirent une tournure que Xerath n'avait pas anticipée. L'empereur se tourna vers lui pour lui dire qu'il était désormais un homme libre. Lui et tous les esclaves de Shurima étaient libérés de leur vie de servitude. Il l'enlaça, avant de le nommer son frère pour l'éternité. Xerath était abasourdi. Il avait enfin reçu tout ce qu'il désirait, mais la réussite de son dessein dépendait désormais de la mort d'Azir, et plus rien n'allait l'empêcher de le mener à bien. Trop de choses étaient en jeu et Xerath avait consenti à trop de sacrifices pour renoncer, même si une partie de lui le désirait désormais. Les paroles de l'empereur avaient brisé la rancœur profonde de Xerath... mais avec des décennies de retard. Ignorant le péril qui l'attendait, Azir se retourna bien que les prêtres initiaient le rituel qui allait canaliser la puissance du soleil.
 
Dans un rugissement de colère mêlée de chagrin, Xerath déchaîna sa force sur Azir pour l'éjecter de son estrade. Les yeux emplis de larmes, il vit celui qui était son ami tomber en cendres. Il prit alors sa place dans la lumière du soleil, qui transforma sa chair en celle d'un Transfiguré. Mais ce n'était pas à lui d'accomplir ce rituel, et les conséquences de sa trahison allaient être dévastatrices. Le pouvoir déchaîné du soleil détruisit entièrement Shurima. Ses temples furent ravagés et sa capitale réduite en ruines. Le peuple d'Azir tout entier fut consumé dans l'embrasement horrible du désert qui avala la cité. Le Disque solaire s'effondra et cet empire façonné par des générations d'empereurs disparut en un instant.
 
Alors même que la cité brûlait, Xerath usait de sa magie pour manipuler les prêtres du soleil et les empêcher de mettre fin au rituel. Il était empli d'une énergie si gigantesque que sa magie obscure lui permit de créer un nouvel être doté d'une force incommensurable. Alors qu'il absorbait toujours davantage le pouvoir du soleil, sa chair fut consumée puis reconstituée dans un vortex éblouissant d'énergie arcanique.
 
Lorsqu'ils découvrirent la trahison de Xerath, Renekton et Nasus se précipitèrent jusqu'à l'épicentre de la tempête qui ravageait la cité. Ils transportaient le sarcophage magique qui avait emprisonné l'esprit de feu éternel. Les frères transfigurés se frayèrent un chemin jusqu'à l'estrade de l'Ascension au moment précis où le rayonnement meurtrier qui dévorait la cité relâcha Xerath. Avant même que le mage nouvellement transfiguré ne puisse réagir, ils projetèrent son corps crépitant dans le sarcophage et l'enfermèrent à l'aide de chaînes sacrées et de puissants sceaux de confinement.
 
Mais cela ne suffisait pas. Xerath était déjà puissant en tant que mortel, mais son pouvoir combiné au don de l'Ascension l'avait presque rendu invincible. Il brisa le sarcophage dont les morceaux, comme les chaînes, restèrent collés à lui. Renekton et Nasus se jetèrent sur lui, mais sa force décuplée lui permit de rendre coup pour coup. Le combat fit rage à travers les ruines de la cité qui s'effondrait et détruisit tout ce qui n'avait pas encore été englouti par les sables. Les deux frères parvinrent à attirer Xerath vers la Tombe des empereurs, le plus grand mausolée de Shurima, dont les verrous et les chambres étaient inviolables : ils ne répondaient qu'au sang des empereurs. Renekton poussa Xerath à l'intérieur du tombeau, puis demanda à Nasus de le refermer sur eux. Ce dernier s'exécuta, le cœur lourd, bien conscient qu'il s'agissait pour lui du seul moyen d'empêcher le mage de s'échapper. Renekton et Xerath furent plongés dans les ténèbres infinies, où ils restèrent prisonniers, condamnés à se battre pour l'éternité tandis que la civilisation shurimienne, jadis florissante, s'éteignait.
 
De nombreux siècles passèrent et, avec le temps, la force de Renekton s'épuisa, le laissant vulnérable aux assauts de Xerath. Celui-ci, à force de mensonges doucereux, finit par corrompre l'esprit de Renekton, au point de le convaincre que son frère Nasus l'avait sciemment abandonné.
 
Le jour où la Tombe des empereurs fut enfin découverte et fracturée par Sivir et Cassiopeia, Xerath et Renekton furent libérés dans une explosion de sable et de gravats. Sentant que son frère était toujours en vie, Renekton s'extirpa des ruines. Son esprit était si gangréné qu'il n'était plus désormais qu'une bête sauvage. Des siècles après être devenue un mythe, Shurima était ressuscitée. Et alors qu'elle s'élevait à nouveau sur les sables du désert, Xerath sentit qu'une autre âme était revenue à la vie. Une âme qu'il pensait disparue depuis longtemps. Azir était revenu à la vie sous les traits d'un Transfiguré, et Xerath savait qu'aucun d'eux ne trouverait la paix tant que l'autre serait vivant.
 
Xerath se mit en quête du cœur du désert pour recouvrer ses forces et constater à quel point le monde avait changé pendant qu'il était prisonnier des sables. Le pouvoir qui lui avait été dérobé gonflait à chaque instant. Il contemplait ce monde prêt à être conquis, grouillant de mortels qui allaient vénérer un nouveau dieu de terreur.
 
Xerath avait parcouru un long chemin depuis son enfance d'esclave sans nom, mais même s'il avait acquis un pouvoir surhumain, une part de lui se savait toujours enchaînée.
 
Libéré de ses chaînes
 
L'heure était venue.
 
L'heure singulière qui lui avait tant coûté, qui lui avait demandé toute une existence de préparations. Un empire corrompu et son prince absurde allaient être détruits sous le stupide symbole solaire dans lequel ils plaçaient leur foi. La clé de l'immortalité, ce don si rare et si précieux, serait pour lui et pour lui seul, dérobé aux yeux du monde entier. Une heure singulière de vengeance parfaite qui allait enfin libérer l'esclave connu sous le nom de Xerath.
 
Bien que toute expression fût cachée chez son maître par son casque et que le métal délicatement ouvragé fût incapable de refléter une émotion, Xerath sourit au visage de faucon avec une joie sincère. Une vie de servitude, d'abord pour un empereur fou puis pour un empereur vaniteux, des manipulations sans fin contre et pour le trône, une quête maudite pour une connaissance oubliée qui l'avait presque consumé – tout cela pour cette grotesque parodie d'Ascension.
 
Le mot lui-même, dit à voix haute, était une insulte : nous connaîtrons l'Ascension tandis que vous, vous resterez dans les chaînes, liés à la roche en attendant d'être engloutis par les sables du temps. Eh bien non. Ce n'était plus acceptable. Les seigneurs d'or ne seront pas emportés jusqu'au soleil pour devenir des dieux. Ce sera le destin d'un esclave, un simple esclave, un garçon qui avait eu naguère la triste fortune de sauver un enfant noble.
 
Et pour ce péché, Xerath avait été condamné à une terrible et folle promesse : la liberté. Impossible à atteindre. Interdite. Lorsque cette pensée traversait l'esprit d'un esclave, elle était punie de mort, car les Transfigurés pouvaient sentir au-delà de la chair jusqu'au plus profond de l'âme les moindres velléités d'indépendance. Et pourtant le jeune prince qu'il avait arraché à l'engloutissement du désert lui avait juré que tel serait son destin. Azir avait promis de libérer son sauveur et d'en faire son frère.
 
Une promesse qu'il n'avait toujours pas tenue. Elle était restée lettre morte, simples mots d'un enfant reconnaissant et innocent, incapable de comprendre leur impact. Comment Azir pouvait-il renverser des millénaires de règne ? Comment pouvait-il combattre la tradition, son père, son destin ?
 
Mais au bout du compte, le jeune empereur allait tout perdre pour n'avoir pas tenu parole.
 
Xerath fut donc éduqué et élevé dans la hiérarchie pour devenir enfin le conseiller d'Azir – mais jamais un homme libre. Jamais il ne put oublier la promesse, oublier ce qu'il aurait pu devenir. On avait ôté à Xerath une chose très simple, le droit de décider de sa vie, et pour cela il allait tout prendre, tout ce qu'il méritait : l'empire, l'Ascension et la plus pure forme possible de liberté.
 
À chaque nouvelle marche vers la grandiose estrade de l'Ascension, respectueusement placé derrière l'empereur et flanqué par les stupides sentinelles censées protéger Shurima, Xerath se sentait davantage possédé par une joie qu'il ne comprenait pas. Pourquoi un tel enthousiasme ? Est-ce que la vengeance apportait la joie ? Ce qu'il ressentait était presque physique.
 
C'est à cet instant que son tourmenteur, dans son armure d'or, s'arrêta brusquement. Il se retourna. Et il marcha vers Xerath.
 
Se doutait-il de quelque chose ? Comment était-ce possible ? Cet enfant gâté et imbu de lui-même ? Cet empereur faussement généreux dont les mains étaient aussi couvertes de sang que celles de Xerath lui-même ? Mais même s'il savait, il était trop tard pour arrêter le massacre déjà initié.
 
Xerath avait prévu toutes les hypothèses. Il avait acheté, tué, corrompu, comploté pendant des décennies – il avait même trompé les monstrueux frères Nasus et Renekton pour qu'ils restent à distance de l'événement – mais cette démarche soudaine, il ne l'avait pas prévue...
 
L'Empereur de Shurima, le Dieu-soleil, le Bien-aimé de la Mère Désert, le presque Transfiguré, ôta son casque, découvrant ses yeux souriants, et il se tourna vers son plus vieil ami. Il parla de l'amour des frères, de l'amour des amis, des combats menés en commun, des victoires et des défaites, de l'avenir, et, au bout du compte, de la liberté.
 
À ces mots, les gardes vinrent encadrer Xerath, l'arme hors du fourreau.
 
Ainsi, donc, l'empereur savait. Les plans de Xerath avaient-ils échoué ?
 
Mais les imbéciles en armure le saluèrent. Ils ne le menaçaient pas, ils l'honoraient. Ils le félicitaient.
 
Ils saluaient sa liberté.
 
Son maître détesté venait de le libérer – de les libérer tous. Nul à Shurima ne porterait plus jamais de chaînes. Le dernier acte humain d'Azir était de libérer son peuple.
 
Le rugissement de la foule immense aurait empêché Xerath de répondre, quand bien même il aurait su quoi dire. Azir remit son casque et se dirigea vers l'estrade tandis que ses suivants le préparaient à une divinité qui ne viendrait jamais.
 
Xerath se tenait dans l'ombre immense du Disque solaire, sachant que les ultimes instants de l'empire étaient sur le point de s'écouler.
 
Trop tard, mon ami. Trop tard, mon frère. Beaucoup trop tard pour nous tous.
 
Nasus Square 0   Nasus - Gardien des sables
 
« Ce qui a sombré renaîtra dans la gloire. »
 
Nasus est un imposant Transfiguré à tête de chacal, une figure héroïque que les peuples du désert considéraient comme un demi-dieu aux temps anciens de Shurima. Il était très intelligent ; son savoir encyclopédique et son extraordinaire sens stratégique guidèrent l'antique empire de Shurima vers la grandeur pendant des siècles. Après la chute de l'empire, il s'imposa un exil et devint peu à peu une légende. Maintenant que l'ancienne cité de Shurima renaît de ses cendres, il est de retour, déterminé à empêcher qu'elle ne chute de nouveau.
 
Le génie de Nasus fut reconnu dès son jeune âge, bien avant qu'il ne soit choisi pour rejoindre les rangs des Transfigurés. Avide d'érudition, il lut, mémorisa et médita les plus grands ouvrages d'histoire, de philosophie et de rhétorique de la Bibliothèque du Soleil avant son dixième été. Le goût de la lecture et de la pensée critique n'était pas, en revanche, l'atout essentiel de son jeune frère Renekton, que les études ennuyaient rapidement et qui préférait passer son temps à se battre avec les autres enfants de la cité. Les deux frères étaient proches et Nasus, protecteur, gardait toujours un œil sur son cadet, s'efforçant de le maintenir dans le droit chemin. Il ne fallut pas longtemps pour que Nasus soit accueilli au sein de l'élitiste Collège du Soleil et il quitta son foyer pour prendre sa place au sein de cette prestigieuse académie.
 
La poursuite de la connaissance n'allait jamais cesser d'être sa passion, mais Nasus avait un tel instinct pour la stratégie et la logistique qu'il devint le plus jeune général de l'histoire shurimienne. Quoique soldat de valeur, il avait davantage pour talent de planifier les batailles que de les mener.
 
Son sens stratégique devint légendaire. À la guerre, il avait toujours dix temps d'avance sur l'ennemi, était capable de prédire leurs manœuvres et leurs réactions, savait toujours à quel moment exact attaquer ou battre en retraite. Doté d'une grande empathie et prenant très au sérieux ses responsabilités, il s'assurait toujours que ses soldats soient approvisionnés, payés en temps et en heure, traités avec justice. Chaque perte le peinait terriblement et il refusait souvent de se reposer, préférant revoir sans arrêt le positionnement des troupes et les déplacements des forces jusqu'à ce que son plan soit parfait. Il était aimé et respecté de tous ceux qui servaient dans ses légions et il guida les armées de Shurima vers des victoires sans nombre. Son frère Renekton combattait souvent en première ligne au cours de ces guerres et tous deux y gagnèrent bientôt une aura d'invincibilité.
 
En dépit de ses succès, Nasus n'aimait pas la guerre. Il comprenait son importance, au moins temporaire, dans l'accroissement de l'empire, mais il pensait que sa plus grande contribution à la grandeur de Shurima tenait au savoir qu'il emmagasinait pour les générations à venir.
 
À la demande de Nasus, tous les livres, parchemins, enseignements et histoires des cultures que Shurima vainquait étaient préservés dans de grandes bibliothèques bâties dans tout l'empire ; la plus grande portait son nom. Sa soif de connaissance n'avait aucun but égoïste, elle avait pour fonction de partager la sagesse avec tout Shurima, d'augmenter la connaissance du monde et d'illuminer l'empire.
 
Après des décennies de service fidèle, Nasus fut soudain frappé par une terrible maladie. D'aucuns disent qu'il rencontra Amumu, un enfant-roi mort depuis longtemps que les rumeurs prétendaient porteur d'une horrible malédiction ; d'autres pensent qu'il fut frappé par la magie noire d'un chef de secte icathien. Quoi qu'il en soit, le propre médecin de l'empereur déclara, le cœur lourd, que Nasus était incurable et n'en avait plus que pour une semaine à vivre.
 
Le peuple de Shurima prit le deuil, car Nasus était aimé de tous. L'empereur lui-même supplia le clergé de consulter les augures. Après avoir fait retraite un jour et une nuit, les prêtres déclarèrent que la volonté du dieu-soleil était que Nasus suive le rituel de l'Ascension.
 
Renekton, devenu un grand chef de guerre, revint aussi vite que possible à la capitale pour assister son frère. La terrible maladie avait beaucoup progressé et Nasus n'avait plus que la peau sur les os : sa chair avait fondu et son squelette était fragile comme du verre. Il était devenu si faible qu'au moment où la lumière dorée du Disque solaire tomba sur l'estrade de l'Ascension, Nasus fut incapable de grimper les dernières marches pour se placer sous le rayon lumineux.
 
L'amour de Renekton pour son aîné était tel qu'il en oublia tout instinct de conservation : il porta Nasus lui-même sur l'estrade. Ignorant les protestations de Nasus, il choisit de se sacrifier pour sauver son frère. Mais, contre toute attente, Renekton ne fut pas détruit. Quand la lumière s'éteignit, deux Transfigurés se tenaient devant Shurima. Les deux frères avaient été reconnus dignes de l'Ascension et l'empereur lui-même tomba à genoux en remerciement pour cette bénédiction divine.
 
Nasus était désormais un être sculptural et puissant à la tête de chacal, les yeux luisants d'intelligence, tandis que Renekton avait pris la forme d'un colosse musculeux semblable à un crocodile. Ils rejoignirent la petite cohorte des Transfigurés de Shurima et ils devinrent des protecteurs de la cité.
 
Renekton avait toujours été un grand guerrier, mais désormais il était presque invincible. Nasus aussi avait reçu des pouvoirs qui dépassaient la compréhension des mortels. La principale vertu de cette Ascension (une extraordinaire longévité qui lui promettait mille vies d'étude et de contemplation) allait, après la chute de Shurima, devenir sa pire malédiction.
 
L'une des conséquences du rituel qui perturbait Nasus était la sauvagerie accrue qu'il constatait chez son frère. Au point culminant du siège de Nashramae, qui fit tomber cette ville antique sous le joug de Shurima, Nasus vit ses soldats vainqueurs massacrer tout le monde et mettre la ville à feu et à sang. Renekton conduisait le massacre et c'est lui qui incendia la grande bibliothèque de Nashramae, détruisant d'innombrables volumes irremplaçables avant que Nasus ne puisse l'en empêcher. Jamais les deux frères, face à face et leur arme tirée, n'avaient été plus proches du bain de sang. Sous le regard déçu et dur de son frère, Renekton sentit sa soif de sang s'évanouir et finalement se détourna, rempli de honte.
 
Au cours des siècles suivants, Nasus déploya toute son énergie à apprendre tout ce qu'il pouvait, parcourant le désert année après année, en quête de sagesse et d'anciennes reliques, jusqu'à ce qu'il finisse par trouver la légendaire Tombe des empereurs cachée sous la capitale de Shurima.
 
Nasus et Renekton étaient tous les deux éloignés de la cité lorsque le rituel de l'Ascension de l'empereur Azir fut transformé en cataclysme par la trahison de son plus proche conseiller, le mage Xerath. Les frères revinrent aussi vite que possible, mais il était trop tard. Azir était mort, avec la plupart des citoyens de la capitale. Remplis de rage et de douleur, Nasus et Renekton combattirent l'être de pure énergie maléfique qu'était devenu Xerath.
 
Incapables de le tuer, ils cherchèrent à l'enfermer dans un sarcophage magique, mais même cela ne suffit pas à le neutraliser. Renekton, essayant peut-être de se faire pardonner pour le massacre de Nashramae, agrippa Xerath et l'entraîna dans la Tombe des empereurs, suppliant Nasus de les sceller tous les deux. Nasus refusa, mais fut incapable, en dépit de ses efforts, de trouver une autre option. Le cœur lourd, il scella Xerath et son frère dans les ténèbres, les enfermant pour l'éternité.
 
L'empire de Shurima s'effondra. La grande cité qui le dominait n'était plus que ruines et le Disque solaire sacré était tombé, vidé de tout pouvoir par la magie de Xerath. Sans lui, les eaux divines qui baignaient la cité s'asséchèrent, apportant mort et famine à Shurima.
 
Écrasé par la culpabilité d'avoir condamné son frère aux ténèbres, Nasus partit dans le désert, seulement accompagné par les fantômes du passé et par la douleur. Figure mélancolique, il traversa les cités mortes de Shurima, les regardant retourner lentement aux sables du désert, pleurant sur l'empire disloqué et sur son peuple disparu. Recherchant l'isolement, il devint un nomade solitaire que les voyageurs, de temps en temps, entrapercevaient avant qu'il ne disparaisse dans une tempête de sable ou dans la demi-pénombre du petit matin. Mais les histoires que l'on racontait sur Nasus étaient de moins en moins crues et il finit par n'être plus qu'une légende.
 
Des siècles passèrent et Nasus oublia tout de son ancienne vie et des objectifs d'autrefois, jusqu'à ce que la Tombe des empereurs fût exhumée et son sceau brisé. À ce moment, il sut que Xerath était libre.
 
L'ancienne vigueur se ralluma dans sa poitrine et, tandis que Shurima renaissait de ses cendres, Nasus traversa le désert en direction de la cité. Il savait qu'il lui faudrait de nouveau combattre Xerath, mais l'espoir vibrait en lui pour la première fois depuis des millénaires. Non seulement une nouvelle aube se levait peut-être pour l'empire, mais il espérait revoir enfin son frère adoré.
 
Ouroboros
 
Nasus voyageait de nuit, souhaitant éviter les rayons du soleil. Le garçon suivait ses pas.
 
Depuis combien de temps était-il là ?
 
Les rares mortels qui apercevaient le monstrueux vagabond prenaient toujours la fuite... Tous, à l'exception de ce garçon. Ensemble, ils se frayaient un chemin à travers les fragments de l'empire disparu de Shurima. Son isolement volontaire pesait sur l'esprit de Nasus. Le vent du désert hurlait autour de leurs silhouettes amaigries par les privations.
 
« Nasus, regarde, au-dessus de la mer de dunes », fit l'enfant.
 
Les étoiles guidaient le périple de cet étrange duo à travers les étendues arides. Le vieux chacal ne portait plus son armure de Transfiguré. Les monuments en or étaient enfouis avec le passé. Désormais ermite et vêtu de haillons, Nasus gratta sa fourrure ébouriffée avant de lever lentement la tête pour observer le ciel nocturne.
 
« La constellation de la Flûte », fit-il d'une voix grave et rocailleuse. « La saison va bientôt changer. »
 
Nasus posa sa main sur l'épaule du petit garçon et son regard sur ce visage tanné par le soleil. Il y retrouva les traits fins typiques du peuple de Shurima, tirés et marqués par le voyage.
 
Depuis quand t'inquiètes-tu pour moi ? Bientôt, nous te trouverons un foyer. Errer ainsi dans les ruines d'un empire mort, ce n'est pas une vie pour un enfant comme toi.
 
Telle était la nature de l'univers. Des instants qui palpitent brièvement dans le cycle sans fin de l'existence. Une telle philosophie lui était douloureuse, mais, cette fois, il ne s'agissait pas seulement d'augmenter son fardeau sans fin de culpabilité et d'auto-affliction. En vérité, le garçon allait inévitablement changer s'il continuait à le suivre. Les remords assombrirent le regard de Nasus : le vieux héros souffrait à l'idée de perdre une amitié qui comblait chez lui un besoin très profond.
 
« Nous pouvons atteindre la Tour de l'Astrologue avant l'aube. Mais il va falloir grimper », dit le garçon.
 
****
 
La tour était proche. Nasus se hissa sur la falaise, ses deux mains posées l'une sur l'autre. Il avait si souvent escaladé cette paroi qu'il la connaissait par cœur et se permettait même d'improviser à chaque prise, comme pour tenter la mort. Le garçon grimpait à ses côtés, son corps agile utilisant chaque niche et chaque creux du roc érodé.
 
Qu'arriverait-il à cet innocent si je m'abandonnais à la mort ? Cette pensée troubla Nasus.
 
Descendant des hauteurs, des volutes de brouillard épousaient les irrégularités de la paroi comme pour former d'étroits sentiers de montagne. Le jeune garçon fut le premier à se hisser au sommet. Nasus le suivit de près.
 
Au loin, on entendait un bruit de métal s'abattant contre la roche, et des voix résonnaient à travers la brume. Elles s'exprimaient dans un dialecte familier. Nasus s'extirpa de sa rêverie.
 
Le puits situé au pied de la Tour de l'Astrologue attirait parfois des nomades, mais jamais si près de l'équinoxe. Le garçon restait parfaitement immobile, sa peur palpable.
 
« Où sont les feux ? » demanda-t-il.
 
Le hennissement d'un cheval perça la nuit.
 
« Qui va là ? » lança le garçon. Les mots se perdirent dans les ténèbres.
 
Une lanterne s'alluma soudain, éclairant un groupe de cavaliers. Des mercenaires. Des pillards.
 
Les yeux du chacal s'ouvrirent en grand.
 
Il compta sept hommes. Leurs lames incurvées étaient toujours dans leur fourreau, mais leur regard trahissait un entraînement militaire et une ruse implacable.
 
« Où est le gardien ? » demanda Nasus.
 
« Sa femme et lui sont endormis. La fraîcheur du soir les a poussés à se coucher tôt », répondit l'un des cavaliers.
 
« Vieux chacal, mon nom est Malouf », en fit un autre. « Nous sommes des émissaires de l'Empereur. »
 
Nasus fit un pas en avant, trahissant un bref instant de colère.
 
« Recherche-t-il la légitimité ? Alors, laissez-moi lui répondre. Il n'y a pas d'empereur, en cet âge de décadence », fit Nasus.
 
Le garçon s'avança à son tour avec un air de défi. Les messagers reculèrent devant la lumière de la lanterne. Leurs ombres élancées se mirent en position défensive.
 
« Livrez-nous votre message et partez », dit l'enfant.
 
Malouf descendit de sa selle et s'avança vers eux. Il plongea sa main calleuse dans les replis de sa tunique et en sortit une amulette sombre attachée à une épaisse chaîne noire. La vue de ce métal géométrique évoqua à Nasus d'anciens sortilèges de destruction.
 
« L'Empereur Xerath vous envoie cette offrande. Nous sommes censés vous servir. Il tient à vous accueillir dans sa nouvelle capitale, Nerimazeth. »
 
Les mots du mercenaire firent à Nasus l'effet d'un marteau s'abattant sur du verre.
 
Le garçon s'agenouilla pour ramasser une lourde pierre au sol.
 
« Meurs ! » cria-t-il.
 
« Saisissez-le ! » hurla Malouf.
 
Avec un violent effort, le garçon jeta la pierre de toutes ses forces. Celle-ci décrivit un arc parfait dans les airs, droit vers le crâne d'un des mercenaires.
 
« Renekton, non ! » rugit Nasus.
 
Les cavaliers abandonnèrent tout faux-semblant. Nasus savait que le gardien et sa femme étaient morts. Les salutations de Xerath ne pouvaient prendre que la forme d'une lame acérée. La vérité remplaçait l'illusion.
 
Nasus tendit la main vers le garçon. L'enfant s'évanouit en ombres de souvenirs qui se dissipèrent sous la lumière des étoiles.
 
« Au revoir, mon frère », murmura Nasus.
 
Les émissaires de Xerath se dispersèrent, leurs chevaux ruant et crachant. Le Transfiguré était encerclé sur trois côtés. Malouf n'hésita pas un seul instant : dégainant sa lame, il transperça le flanc de Nasus. La douleur se répandit dans tout le corps de l'ancien gardien. Le cavalier essaya de retirer son épée, mais elle refusa de bouger. Une main pourvue de griffes en agrippait la lame, la gardant enfoncée dans la chair du Transfiguré.
 
« Tu aurais dû me laisser à mes fantômes », dit Nasus.
 
Nasus arracha l'arme des mains de Malouf, brisant ses doigts et déchirant ses ligaments au passage.
 
Le demi-dieu se jeta sur son assaillant. Le corps de Malouf craqua sous l'énorme masse du chacal.
 
Nasus bondit sur le cavalier suivant et le fit tomber de sa selle ; deux coups bien placés lui déchirèrent les organes et lui coupèrent le souffle. Son corps brisé fut projeté dans le sable, chair agonisante. Son cheval se cabra et s'enfuit dans le désert.
 
« Il est fou ! » cria l'un des cavaliers.
 
« Plus maintenant », répondit Nasus, en s'approchant du chef des mercenaires.
 
Un étrange parfum remplit l'atmosphère. Des fleurs fanées tourbillonnant autour de fils lavande le suivaient à chaque pas. Malouf se tordait au sol. Les doigts brisés de sa main droite s'étaient flétris et leur peau pendait misérablement comme un parchemin humide. Son torse s'effondrait sur lui-même comme un fruit en train de pourrir.
 
Une panique insurmontable s'empara des mercenaires restants. Ils luttèrent pour garder le contrôle de leurs montures, prêts à fuir. Le corps de Malouf était étendu sur le sable.
 
Nasus se tourna vers l'est, en direction des ruines de Nerimazeth.
 
« Dites à celui qui se prétend votre empereur que son règne va bientôt prendre fin. »
 
Renekton Square 0   Renekton - Dévoreur des sables
 
« Sang et vengeance. »
 
Originaire du désert brûlant de Shurima, Renekton est un Transfiguré terrifiant animé par la rage. Il était autrefois le guerrier le plus respecté de l'empire de Shurima, dont il avait mené les armées vers la victoire à maintes reprises. Cependant, après la chute de l'empire, Renekton fut enseveli sous les sables. Petit à petit, alors que le monde changeait, il sombra dans la démence. Désormais libre, son unique souhait est de retrouver et de tuer son frère Nasus qui, croit-il dans sa folie, est responsable des siècles qu'il a passés dans les ténèbres.
 
Renekton était né pour le combat. Dès son plus jeune âge, il passait son temps à se battre. Il n'avait peur de rien et savait très bien se défendre contre les enfants plus âgés. Ces bagarres avaient le plus souvent pour origine des questions de fierté, car Renekton refusait de céder ou de laisser quelqu'un l'insulter sans réagir. Tous les soirs, il rentrait chez lui le corps couvert de bleus et d'entailles. Son grand frère Nasus, bien plus sérieux que lui, désapprouvait toute cette violence, mais Renekton y prenait un immense plaisir.
 
Nasus quitta bien vite le foyer, lorsqu'il fut accepté dans le prestigieux Collège du Soleil. Pendant ces longues années d'absence, Renekton tomba dans une spirale de violence toujours plus féroce. Lors de ses rares séjours à la maison, Nasus était horrifié de voir son jeune frère rentrer tous les soirs en sang après une nouvelle rixe. Craignant que sa nature profondément violente ne le conduise en prison ou, pire, au cimetière, Nasus l'aida à rejoindre l'armée shurimienne. Officiellement, Renekton était trop jeune pour l'incorporation, mais son grand frère fit jouer ses relations pour circonvenir le règlement.
 
Pour Renekton, la discipline stricte de l'armée fut une bénédiction. En quelques années à peine, il devint l'un des capitaines de guerre les plus craints et les plus doués de Shurima, et participa directement aux nombreuses guerres d'expansion de l'empire. Il gagna une réputation d'homme rude et féroce, mais aussi brave et honorable. Nasus, lui, devint un général décoré, et les deux frères participèrent à de nombreuses campagnes ensemble. Malgré leurs différences de tempérament et leurs désaccords fréquents, ils ne se quittaient presque pas. Nasus se spécialisait dans la stratégie, la logistique et l'histoire, tandis que Renekton était un maître du combat. L'un planifiait les guerres, l'autre les gagnait.
 
Renekton obtint le titre de Gardien de Shurima après avoir remporté une bataille désespérée sur l'un des cols bordant l'empire. Une force d'invasion avait débarqué sur la côte méridionale et s'était mise en route vers la cité isolée de Zuretta. Si personne ne l'arrêtait, la cité allait certainement être rasée et sa population massacrée. Face à une armée dix fois plus nombreuse qu'eux, Renekton et son contingent ne se démontèrent pas, déterminés à gagner du temps pour que la cité soit évacuée. Personne ne s'attendait à ce que Renekton survive à cette bataille, encore moins à ce qu'il la gagne. Il défendit le col pendant un jour et une nuit, le temps qu'une force de soutien menée par Nasus le rejoigne. Mais il ne restait plus alors qu'une poignée de combattants ennemis estropiés. Renekton fut considéré comme un héros.
 
Il combattit sur de nombreux fronts pendant plusieurs décennies, sans jamais perdre une seule bataille. Sa présence suffisait à galvaniser ses troupes et à terrifier ses ennemis. Il remporta victoire après victoire, si bien qu'il avait la réputation de gagner des guerres sans même lever une épée.
 
Renekton commençait à peine à montrer les signes de l'âge, sous ses traits de vétéran grisonnant et couvert de cicatrices, quand il apprit que son frère était aux portes de la mort. Il rentra au plus vite à la capitale. Nasus, frappé par une maladie qui l'affaiblissait gravement, n'était plus que l'ombre de lui-même. Le mal était incurable, comme l'était la malédiction dont on disait qu'elle avait autrefois éradiqué une lignée entière de nobles.
 
Tous, sans exception, reconnaissaient pourtant la grandeur de Nasus. En plus d'être un général maintes fois décoré, il était le conservateur de la Grande Bibliothèque de Shurima et avait lui-même écrit quelques-unes des œuvres littéraires les plus brillantes de l'empire. Le clergé proclama que, conformément à la volonté du soleil, il devait alors accomplir le rituel de l'Ascension.
 
Tous les habitants de la cité se réunirent pour assister au rite sacré, mais la maladie de Nasus l'avait affaibli à un point tel qu'il n'avait plus la force de grimper les marches menant à l'estrade de l'Ascension. Dans un ultime acte d'amour et d'abnégation, Renekton souleva son frère de ses propres bras et escalada les dernières marches, bien conscient qu'il risquait d'être pulvérisé par l'immense énergie du Disque solaire. Ce sacrifice lui semblait dérisoire, s'il pouvait assurer la survie de son frère, car il n'était rien de plus qu'un guerrier, talentueux certes, mais bien inférieur aux talents inouïs d'érudit, de penseur et de général de son frère. Il savait que Shurima aurait besoin de Nasus dans les années à venir.
 
Mais Renekton ne fut pas réduit en cendres. Dans la lumière éblouissante du Disque solaire, les deux frères furent saisis et renouvelés. Quand l'éclat se dissipa, deux nouveaux êtres transfigurés se tenaient devant la foule : Nasus, son corps longiligne surmonté d'une tête de chacal, et Renekton, désormais semblable à un imposant crocodile. Leurs nouvelles formes semblaient des plus appropriées. Le chacal était souvent considéré comme l'animal le plus fin et le plus rusé, tandis que le crocodile incarnait une violence impassible qui était parfaitement à l'image de Renekton. Shurima se félicita de pouvoir compter sur ces nouveaux demi-dieux pour assurer la sécurité de l'empire.
 
Si Renekton était déjà considéré comme un héros de guerre, il était désormais un Transfiguré, doté de pouvoirs dépassant l'entendement. Il était plus fort et plus rapide que n'importe quel mortel, et semblait proprement insensible à la douleur. Bien que les Transfigurés ne fussent pas immortels, leur longévité était grandement augmentée et ils pouvaient servir l'empire pendant des siècles.
 
Commandée par Renekton, l'armée de l'empire shurimien était devenue invincible. Il avait toujours été un commandant impitoyable et un terrible guerrier, mais grâce à sa nouvelle forme, il détenait désormais un pouvoir exceptionnel. Avec les soldats de Shurima, il triompha dans nombre de batailles sanglantes, sans jamais trahir la moindre forme de clémence. La légende de ses exploits traversa le monde bien au-delà des frontières de l'empire. Il acquit chez ses ennemis le titre de Dévoreur des sables, et loin de repousser le surnom il s'en fit gloire.
 
Certains, Nasus y compris, finirent par penser qu'une partie de l'humanité de Renekton s'était évanouie lors de sa transformation. Au fil des ans, il devenait de plus en plus cruel, et son amour du sang n'avait plus rien de naturel. Les rumeurs parlaient des atrocités qu'il avait commises au nom de la guerre. Il n'en restait pas moins un fidèle défenseur de sa patrie et servait chaque nouvel empereur avec la même loyauté, s'assurant que la gloire et la paix de Shurima perdurent au fil des siècles.
 
Un jour, lors du règne de l'empereur Azir, on lui fit savoir qu'un élémentaire de feu s'était échappé du sarcophage magique qui le retenait prisonnier dans une prison souterraine. Il avait ravagé un village shurimien avant de s'enfuir vers l'est, à travers le désert. Renekton et Nasus se mirent en route pour tenter de rattraper le monstre légendaire. Pendant leur absence, le jeune empereur, manipulé par son mage Xerath, tenta de joindre leurs rangs et de devenir à son tour un Transfiguré. Le résultat fut catastrophique.
 
Alors que Renekton et Nasus étaient à une journée de marche de la capitale, ils ressentirent tout de même l'onde de choc produite par le désastre du rituel de l'Ascension. Conscients qu'il venait de se passer quelque chose de grave, ils rentrèrent en hâte et découvrirent que la cité autrefois glorieuse était désormais en ruines. Azir avait été tué, tout comme une grande partie des habitants, et le Disque solaire, vidé de sa puissance, était en train de s'effondrer.  À l'épicentre de la catastrophe, ils trouvèrent Xerath, transformé en un être d'énergie maléfique pure.
 
Les frères pensèrent alors enfermer Xerath dans le sarcophage magique qui avait servi avant cela à retenir l'être de feu. Ils combattirent un jour et une nuit, mais le mage était si redoutable qu'il était impossible de le contenir. Il brisa le sarcophage en morceaux et les noya sous des sorts dont il puisait l'énergie dans le Disque solaire lui-même, qui finit par s'écraser au sol alors que leur combat faisait rage.
 
Conscient qu'ils ne pouvaient pas détruire Xerath, Renekton se décida à l'attirer jusqu'à la Tombe des empereurs, implorant son frère de les y enfermer pour l'éternité. Nasus, comprenant qu'il s'agissait du seul moyen d'arrêter Xerath, suivit à contrecœur les ordres de son frère. Et alors que les deux guerriers s'évanouissaient dans l'obscurité, Nasus scella la porte du tombeau derrière eux.
 
Mais le combat entre Xerath et Renekton se poursuivit dans les ténèbres. Ils combattirent pendant d'innombrables années, alors que dans le monde extérieur, la civilisation autrefois prospère de Shurima achevait de tomber en poussière. Xerath empoisonna Renekton de ses paroles, si bien qu'au bout de plusieurs siècles, son venin et les épaisses ténèbres achevèrent de le corrompre. Le mage avait réussi à convaincre Renekton que Nasus l'avait emprisonné délibérément, jaloux de sa réussite, et qu'il refusait de partager le privilège de son Ascension.
 
La raison de Renekton se fissura peu à peu. Il ne restait plus alors à Xerath qu'à s'immiscer dans ces fêlures pour corrompre son âme et lui donner une perception faussée de ce qui était vrai ou imaginaire.
 
Des milliers d'années plus tard, quand la Tombe des empereurs fut ouverte par la mercenaire Sivir, Renekton et Xerath s'échappèrent. Renekton cracha toute sa colère et s'élança comme un éclair vers le désert de Shurima, humant l'air pour retrouver l'odeur de son frère.
 
Renekton erre désormais au milieu des dunes, impatient de retrouver et de tuer Nasus, ce traître qui l'avait livré à la mort. Son rapport avec la réalité est désormais plus que ténu, et s'il semble parfois conserver la stature et la gloire du héros qu'il était autrefois, il n'est plus en réalité qu'une bête froide et enragée, animée par sa soif de sang et de vengeance.
 
Le renouveau des ténèbres
 
Suis-je un dieu ?
 
Il ne le savait plus. Autrefois, peut-être, quand le Disque solaire brillait d'un éclat d'or pur au sommet du Grand Palais aux Mille Piliers. Il se souvenait d'avoir tenu un vieillard dans ses bras, de leurs deux corps portés vers le ciel par les rayons du soleil. Toutes ses souffrances et sa douleur s'étaient évanouies alors qu'il renaissait dans la lumière. Mais si ce souvenir était bien le sien, cela voulait-il dire qu'il avait jadis été mortel ? Il le pensait, mais il ne s'en souvenait pas. Ses pensées étaient semblables à une nuée de mouches des dunes, une myriade de souvenirs dispersés qui s'agitaient frénétiquement dans son crâne allongé.
 
Quelle est la réalité ? Que suis-je à présent ?
 
Cet endroit, cette grotte sous les sables. Tout cela était-il réel ? Il le pensait, mais il n'était plus sûr de pouvoir faire confiance à ses sens. Aussi loin qu'il pouvait se souvenir, il ne voyait que les ténèbres, des ténèbres atroces, infinies, qui collaient à lui comme un suaire. Mais ensuite, les ténèbres avaient été dissipées et il avait été projeté de nouveau vers la lumière. Il se souvenait de s'être frayé un chemin à coups de griffes à travers le sable, la terre autour de lui s'agitant et tremblant alors que quelque chose qui avait été enterré et oublié depuis des lustres se hissait de nouveau vers la surface.
 
Des statues, immenses et effrayantes, émergèrent des sables. Des guerriers en armure avec des têtes démoniaques se penchaient sur lui. C'étaient les dieux antiques d'une culture morte depuis longtemps. Des fantômes belliqueux se dressèrent au-dessus du sable. Il s'enfuit pour échapper à leur colère, quittant ainsi cette ville qui renaissait au cœur du désert tandis que la lumière irradiait le ciel dans lequel tournoyaient les lunes et les étoiles. Il se souvenait d'avoir erré à travers le désert, l'esprit embrasé par des visions de sang et de trahison, de palais titanesques et de temples d'or réduits en poussière en une fraction de seconde. Des siècles de progrès balayés à cause de la vanité et de l'orgueil d'un seul homme. Mais s'agissait-il de son orgueil ? Il ne le savait pas, mais il craignait que cela ait pu être le cas.
 
La lumière qui avait autrefois remodelé sa chair le faisait aujourd'hui souffrir. Elle le brûlait et consumait son âme alors qu'il traversait le désert tel un vagabond, seul et perdu, tourmenté par une haine qu'il ne s'expliquait pas. Il avait trouvé refuge face à cette lumière implacable, mais même ici, alors qu'il pleurait à genoux dans cette grotte humide, le Chuchoteur l'avait retrouvé. Les ombres sur les murs ondulaient autour de lui ; murmurant sans relâche, alimentant sans cesse son amertume. Il pressait contre ses tempes ses longues mains noueuses, désormais pourvues de griffes acérées, mais il ne parvenait pas à chasser celui qui l'accompagnait désormais dans les ténèbres. Il ne le put jamais.
 
Le Chuchoteur lui susurrait des histoires évoquant sa honte et sa culpabilité. Il lui parlait des milliers de personnes qui avaient péri à cause de lui, qui n'avaient jamais eu la chance de vivre leur vie à cause de son échec. Une partie de lui croyait que ces récits n'étaient que des fables doucereuses, des fictions mensongères qu'on lui racontait assez souvent pour qu'il ne soit plus capable de distinguer le vrai du faux. Le Chuchoteur lui rappelait la lumière qui était scellée, lui montrait le visage de chacal de l'homme qui l'avait trahi et l'observait avec mépris tandis qu'il le condamnait aux ténèbres abyssales pour l'éternité. Des larmes se formèrent au coin de ses yeux affaiblis par la cataracte et il les essuya d'un geste plein de colère. Le Chuchoteur connaissait chaque entrée secrète vers son esprit, il déformait chaque certitude qu'il avait pu avoir autrefois, chaque vertu qui avait fait de lui un héros vénéré comme un dieu à travers tout... Shurima !
 
Ce nom avait un sens pour lui, mais il s'effaçait comme un mirage dans le désert, seulement retenu dans la prison de son esprit par des chaînes de démence. Ses yeux, jadis si perçants et si vifs, étaient embrumés après les siècles qu'il avait passés dans les ténèbres infinies. Sa peau, autrefois solide comme une armure de bronze, était aujourd'hui terne et craquelée. De la poussière s'échappait de ses multiples blessures comme du sable. Peut-être était-il en train de mourir ? Il le pensait, mais cette idée ne le troublait pas vraiment. Il avait vécu une ère entière et souffert depuis bien trop longtemps pour craindre l'annihilation.
 
Pire encore, il n'était même plus sûr de pouvoir mourir. Il observa l'arme qui se trouvait devant lui, une hache en forme de croissant de lune, sans poignée. Elle appartenait à un roi guerrier d'Icathia, mais soudain, il se rappela vaguement avoir brisé son manche en même temps qu'il avait brisé l'armée de son porteur. Il se souvint l'avoir reforgée, mais impossible de se remémorer pourquoi. Peut-être allait-il l'utiliser pour se trancher la gorge et voir ce qui se produirait. Son cou allait-il ruisseler de sang ou n'y trouverait-il que de la poussière ? Non, il n'allait pas mourir ici. Pas encore. Le Chuchoteur lui dit que la destinée avait encore un autre rôle à lui offrir. Il avait encore du sang à faire couler, une soif de vengeance à étancher. Le visage de chacal de celui qui l'avait condamné aux ténèbres flottait dans son esprit, et chaque fois qu'il le voyait, la haine gravée dans son cœur refaisait surface.
 
Il leva les yeux vers le plafond de la grotte tandis que les ombres se dissipaient, révélant les fresques grossières des mortels. Des images antiques, si passées qu'elles étaient presque invisibles, décrivaient la cité du désert dans toute sa splendeur. Des rivières d'eau pure et fraîche s'écoulaient dans ses rues parsemées de colonnes et les rayons bienfaisants du soleil donnaient vie à un extraordinaire jardin au sein d'un paysage rendu fertile. Il vit un empereur portant un heaume en forme de tête de faucon siégeant au sommet d'un immense palais, et une silhouette vêtue d'une robe sombre à ses côtés. En dessous d'eux se trouvaient deux géants en armure préparés pour la guerre. L'un était une bête semblable à un crocodile armé d'une hache en forme de croissant de lune, l'autre était un guerrier érudit à tête de chacal. Dans cette forme reptilienne, il reconnut son incarnation transfigurée, croquée ici par un mortel émerveillé. Il tourna son regard vers le deuxième guerrier. Le temps avait presque entièrement effacé les inscriptions anguleuses sous l'image, mais elles étaient suffisamment lisibles pour qu'il déchiffre le nom du traître.
 
« Nasus... » dit-il. « Mon frère... »
 
Et à présent que la source de ses tourments avait de nouveau un nom, sa propre identité lui fut révélée comme le soleil émergeant d'un nuage de tempête.
 
« Je suis Renekton », siffla-t-il entre ses crocs. « Le Dévoreur des sables. »
 
Il leva sa lame en forme de croissant et se dressa de toute sa hauteur tandis que la poussière accumulée par le temps tombait de son armure. Ses vieilles blessures se refermèrent, sa peau craquelée se reconstitua et son cuir souple de crocodile reprit sa belle couleur de jade : il avait enfin retrouvé un but. Autrefois, le soleil lui offrit une renaissance. À présent, les ténèbres l'accompagnaient. Une force nouvelle parcourut son corps monstrueusement puissant, ses muscles gonflèrent et ses yeux ranimés par la haine brûlèrent d'une flamme rouge à l'évocation de Nasus. Il entendit le Chuchoteur lui parler de nouveau, mais il ne prêtait plus attention à sa voix. Il serra son poing griffu et toucha l'image du guerrier à tête de chacal avec la pointe de sa lame.
 
« Tu m'as laissé seul dans les ténèbres, mon frère », dit-il. « Pour cette trahison, tu mourras. »
 
Rammus
"OK"
Beaucoup l'idolâtrent, certains le méprisent, mais tous restent perplexes devant l'énigmatique Rammus. Protégé par une carapace cloutée, Rammus inspire des théories de plus en plus variées sur ses origines : demi-dieu, oracle, simple bête transformée par la magie... Quelle que soit la vérité, Rammus n'est pas très bavard et ne s'arrête pour personne tandis qu'il parcourt le désert.

Certains pensent que Rammus est un Transfiguré, un dieu antique qui déboule, lorsque cela est nécessaire, pour protéger Shurima. Les superstitions en font le héraut du changement, apparaissant quand le pouvoir s'apprête à changer de mains. D'autres affirment qu'il est le dernier représentant d'une espèce agonisante qui peuplait la région avant que les Guerres Runiques ne noient le désert sous des vagues de magie incontrôlée.

Il y a tant de rumeurs sur sa puissance, ses aptitudes magiques, sur les mystères qui l'entourent, que beaucoup de Shurimiens recherchent la sagesse de Rammus. Les beaux parleurs, les prêtres et les fous prétendent savoir où se trouve le Tatou blindé, mais ce dernier a toujours esquivé les recherches. Malgré cela, des preuves de sa présence existent depuis plus longtemps que les plus anciennes mémoires : les mosaïques défraîchies représentent son image sur les murs des ruines antiques de Shurima. Il décore également de colossaux monuments de pierre datant des premières Ascensions, ce qui convainc certains qu'il est un demi-dieu immortel. Les sceptiques proposent une explication plus simple : Rammus n'est qu'une créature parmi tout un peuple de semblables.

On dit qu'il n'apparaît qu'aux pèlerins méritants qui ont besoin de son aide et que ceux qui reçoivent la grâce de sa présence voient leur vie changer du tout au tout. On raconte que le Tatou blindé a sauvé des flammes l'héritier d'un vaste royaume et que le prince a abdiqué pour devenir éleveur de chèvres. Un maçon âgé fut inspiré par une brève et profonde conversation avec Rammus et construisit un immense marché qui devint le cœur foisonnant de Nashramae.

Sachant que Rammus peut les guider sur les chemins de l'illumination, des croyants dévoués accomplissent des rituels élaborés pour attirer les faveurs de leur divinité. Les disciples de sectes dédiées à Rammus démontrent leur inébranlable foi lors de cérémonies annuelles au cours desquelles ils imitent les roulades et les acrobaties du Tatou blindé dans les rues des cités. Tous les ans, des milliers de Shurimiens marchent jusqu'aux confins les plus dangereux du désert dans leur quête pour trouver Rammus, car nombre d'enseignements affirment qu'il répondra à une question de ceux qu'il estimera méritants... s'ils sont capables de le trouver. Connaissant son goût pour les douceurs, les pèlerins emportent des offrandes pour attirer ses bénédictions : ils chargent leurs mules avec des flasques de lait de chèvre, des coffres remplis de colonies de fourmis scellées dans la cire et des jarres de miel. Beaucoup ne reviennent pas de leur cheminement dans le désert et peu de ceux qui reviennent ont quelque chose à raconter ; nombre de voyageurs disent pourtant s'être réveillés au petit matin pour découvrir leurs sacs vidés de tout ce qui s'y trouvait de comestible.

Qu'il soit un véritable et sage oracle, une divinité transfigurée ou simplement un puissant animal, Rammus est connu pour ses exploits et son endurance. Il entra autrefois dans l'impénétrable Forteresse de Siram, un bastion imposant conçu par un sorcier fou. Le bâtiment avait pour réputation de contenir d'indescriptibles horreurs magiques : des bêtes mutées au-delà des pires difformités, des corridors noyés dans les flammes, des tunnels impénétrables gardés par les démons des ombres. Une heure ne s'était pas écoulée que l'énorme forteresse s'effondrait dans un nuage de poussière et l'on aperçut Rammus qui s'en extirpait dans une roulade. Nul ne sait pourquoi Rammus avait franchi la porte sombre ni quels secrets il avait glanés entre les murs basaltiques de la forteresse. Lors du grand déluge, il traversa le vaste lac d'Imalli en deux jours et creusa le sol sur des lieues pour détruire une fourmilière géante et tuer sa reine, dont les enfants dévastaient les fermes proches.

Il apparaît parfois sous la forme d'un héros providentiel. Quand des bandes armées noxiennes attaquèrent un campement du nord de Shurima, des tribus disparates firent corps pour défendre leur territoire au lieu-dit du Temple des Transfigurés. Ils étaient bien inférieurs en nombre et en férocité aux envahisseurs auxquels ils s'opposaient, et la bataille était presque perdue quand Rammus entra dans la mêlée. Les deux camps furent si stupéfaits de voir surgir la créature mystérieuse qu'ils cessèrent de combattre pour la regarder. Lorsque Rammus passa devant le temple, le bâtiment trembla sur ses fondations et d'énormes blocs de pierre tombèrent sur l'armée d'invasion, écrasant un grand nombre de ses combattants. Désormais surclassée numériquement, l'armée battit en retraite sous les hurlements de joie des Shurimiens. Beaucoup affirment que Rammus sauva la ville par amour de Shurima, mais d'autres pensent qu'il défendait simplement le territoire où poussent ses fleurs de cactus préférées. Il y a même une voix solitaire pour affirmer que Rammus était juste en train de rouler dans son sommeil et n'avait aucune intention de faire s'effondrer un temple.

Quoi qu'il en soit, les histoires concernant Rammus sont chéries comme un trésor par le peuple de Shurima. Tous les enfants de la région peuvent lister une douzaine de théories sur la question de ses origines, dont la moitié probablement sortie de leur imagination sur le moment. Les contes sur le Tatou blindé n'ont cessé de croître avec la renaissance de l'antique Shurima, comme ils l'avaient fait avant sa chute, confirmant la légende que sa présence prélude aux heures sombres.

Mais comment cette âme bénéfique et épicurienne peut-elle annoncer un âge de destruction ?

Caravane vers le nord
Le couteau d'Ojan donnait au morceau de bois une ligne doucement incurvée. À huit ans, il n'était pas le plus expérimenté des artisans, mais son travail commençait à prendre la forme d'une boule épineuse.

Sa sœur Zyama se pencha vers lui et fit la grimace.

« Qu'est-ce que c'est que ce machin ? Du crottin de Rhoksha ? Personne ne voudra acheter ça. »

« Mais non ! C'est un dieu puissant et effrayant, avec son armure et tout et tout ! Et je n'ai pas l'intention de le vendre. C'est un porte-bonheur. »

« Nous sommes des marchands, petit frère. Tout ici est à vendre. »

La caravane grinçait et cliquetait en franchissant les dunes. Chaque espace libre, du sol au plafond, accueillait une jarre d'épices, laissant à peine assez de place pour les couchettes de la famille.

« Quelque chose nous a pris en chasse ! Au sud ! » La mère d'Ojan, à l'extérieur, venait de hurler. Ojan entendit son fouet claquer pour inciter les chameaux à accélérer.

Zyama se pencha par la fenêtre, portant à son œil son bien le plus précieux : une longue-vue ornée.

« Ce sont des Kmiros ! Je vais préparer les flèches ! » s'exclama-t-elle. « Ils doivent vouloir te prendre ton crottin de Rhoksha ! »

Ojan la remplaça à la fenêtre. En effet, des centaines de scarabées de la taille de chiens survolaient la dune derrière eux.

Zyama revint avec un arc et un carquois de flèches colorées. Elle tira, éliminant un scarabée, mais la masse des insectes continua de charger sans s'arrêter.

« Combien de flèches avons-nous ? » demanda Ojan.

« Une quarantaine », répondit Zyama en regardant le carquois. Elle fronça les sourcils.

La voix de leur mère leur parvint de l'avant de la caravane. « Il faut qu'on les prenne de vitesse. Accrochez-vous ! »

Les fouets claquèrent une fois de plus et la caravane fit un bond en avant, jetant Ojan au sol.

Zyama tira une nouvelle flèche dans l'essaim, traversant d'un coup deux insectes. Les créatures tombèrent, mais une nuée prit aussitôt leur place.

« L'huile ! Dans le tiroir de gauche ! » hurla sa mère.

Ojan accroupi se faufila jusqu'au fond et revint avec une flasque d'huile à lampe et un paquet de vieux tissus. Il trempa dans l'huile un morceau d'étoffe avant de l'enrouler autour d'une pointe de flèche. Il enflamma le projectile et le passa précautionneusement à Zyama, qui tira dans un amas de scarabées. De grandes flammes sifflantes brûlèrent au cœur de l'essaim. Ojan sourit.

Ensemble, ils criblèrent la horde de flèches enflammées, tirant aussi vite qu'Ojan parvenait à préparer les têtes. L'air était empuanti de chair brûlée. La caravane accéléra et la distance avec l'essaim augmenta. Ils étaient presque à l'abri.

L'estomac d'Ojan se contracta. Les Kmiros avaient ouvert des ailes brillantes et s'étaient envolés vers les cieux en un épais nuage noir dans le but évident de leur retomber dessus.

Ojan sursauta quand un choc lourd secoua la voiture au-dessus de sa tête. D'autres chocs suivirent ; les planches de bois souffraient sous le poids des insectes géants.

« Tenez bon ! » hurla la mère en tournant brusquement vers la gauche. Les scarabées tombèrent du toit, mais Ojan entendit un cri stridulant au-dessus de lui et il comprit que d'autres avaient pris leur place.

Des pinces percèrent le plafond et un énorme scarabée chuta dans la caravane. Zyama dégaina sa dague et tenta de le poignarder, mais sa lame fut incapable de percer l'épaisse carapace. Elle repoussa Ojan derrière elle et agita son poignard, essayant désespérément de tenir la bête à distance.

D'autres Kmiros passèrent par l'ouverture du toit, mâchoires et pinces cliquetant frénétiquement. Ojan plongea sous sa couchette, repoussant de son mieux, à coups de pieds, les insectes qui tentaient de s'emparer de lui. Il saisit la figurine de bois dans sa poche.

« Je t'en supplie, Rammus ! » murmura-t-il. « Aide-nous ! »

La caravane fut durement secouée : d'autres scarabées atterrissaient sur le toit. La voiture penchait de droite et de gauche comme une barque secouée par une mer déchaînée. Les insectes finirent par la renverser complètement et elle s'immobilisa en grinçant dans le sable.

Ojan se protégea le visage contre les objets qui tombaient tandis qu'un nuage de poussière brouillait sa vision. Il fut projeté contre le mur, les oreilles bourdonnantes, quand la caravane subit un nouveau choc. Après un moment d'immobilité, il sentit une main saisir son bras et sa mère l'extraire de sous les gravats. Il plissa les yeux sous la lumière intense du soleil.

La famille était blottie dans les débris de la caravane, toussant dans le tourbillon de poussière tandis que les Kmiros les encerclaient. Un scarabée chargea et la mère d'Ojan enfonça son poignard entre ses mâchoires. Et elle en tua un autre qui tentait de happer sa fille, répandant ses organes sur le sable. Un troisième scarabée sauta du toit de la caravane et atterrit derrière eux. Zyama hurla quand il saisit son pied entre ses pinces.

Et soudain, les scarabées s'immobilisèrent en pleine attaque. Ils se tassèrent sur le sol, les antennes nerveuses. Dans le silence, Ojan entendit un vrombissement lointain. Il leva les yeux vers l'horizon, à l'ouest, et vit un nuage de sable foncer vers eux. La famille brandit ses armes dérisoires, prête à combattre cette nouvelle menace.

Une silhouette ronde jaillit du nuage de poussière et fonça sur le scarabée le plus proche avec une formidable puissance, le réduisant en pulpe de chair.

La silhouette, enroulée sur elle-même, continua sans s'arrêter d'écraser les insectes dans toutes les directions. Rien ne pouvait l'arrêter et, malgré leur tentative désespérée pour se défendre, les Kmiros furent éliminés en un rien de temps.

La poussière retomba lentement ; risquant un coup d'œil, Ojan aperçut une armure ronde recouverte de pointes.

« Est-ce que c'est... » demanda Zyama.

« Rammus ! » s'écria Ojan. Il s'élança pour voir son héros de plus près.

La carapace de la créature était composée d'écailles en spirales et ses griffes étaient tranchantes comme des couteaux. Il rongeait la patte poilue d'un scarabée et un liquide visqueux coulait de sa bouche.

Ojan et Zyama s'arrêtèrent devant lui.

Leur mère approcha du Tatou blindé et s'inclina respectueusement.

« Vous nous avez sauvés », dit-elle. « Nous vous sommes reconnaissants. »

Rammus broya la patte du scarabée pendant que la famille le regardait. Plusieurs minutes passèrent.

Rammus roula soudain dans les débris de la caravane et en émergea avec la figurine du Tatou blindé qu'avait sculptée Ojan. La ressemblance laissait à désirer, mais on ne pouvait avoir aucun doute sur ce que le morceau de bois représentait.

« C'est toi », dit Ojan. « Je te la donne. »

Rammus s'accroupit et brisa la figurine en deux d'un coup de crocs. Il se détourna et fit quelques pas avant de cracher les morceaux dans le sable. Zyama laissa échapper un petit rire.

« Hmm », fit Rammus.

Il arracha la patte d'un autre scarabée mort et s'élança en roulant dans le sable.

La famille le regarda disparaître à l'horizon.

Ojan courut derrière lui pour récupérer les morceaux brisés de la petite statue. Il les empocha et s'inclina pour saluer.

« Un porte-bonheur ! » s'exclama-t-il.
Taliyah
"Le monde est une tapisserie et nous sommes les tisseurs"
Taliyah est une jeune magicienne nomade de Shurima qui manipule la roche avec énergie, enthousiasme et une détermination sans faille. Malgré sa jeunesse portée à l'émerveillement, elle a traversé par devoir presque tout Valoran dans sa quête pour comprendre et maîtriser ses pouvoirs. Mais des rumeurs persistantes évoquent la réapparition d'un empereur mort depuis des millénaires, et elle revient chez elle pour protéger sa tribu du danger qui surgit une fois encore des sables inconstants de Shurima. Certains se méprennent sur son cœur tendre et la croient faible, mais ils paient leur erreur au prix fort : sous son attitude joviale, Taliyah dissimule une volonté de fer et un esprit assez féroce pour faire trembler la terre.

Née dans les contreforts rocheux qui bordent les confins corrompus d'Icathia, Taliyah passa son enfance à garder les chèvres au sein de sa tribu de tisseurs nomades. La plupart des étrangers considéraient Shurima comme un désert aride, mais sa famille éleva la jeune enfant en vraie fille des sables, sachant voir les beautés et les richesses de cette terre. Taliyah était fascinée par les pierres cachées sous les dunes. Dès sa prime enfance, elle collectionna les galets colorés sur la route des eaux saisonnières que suivait sa tribu. En grandissant, elle sembla attirer la terre elle-même, qui se déformait pour suivre ses pas dans le sable.

Après son sixième été, elle quitta un soir la caravane pour tenter de retrouver un chevreau qu'on lui avait confié. Déterminée à ne pas décevoir son père, maître chevrier et chef de la tribu, elle pista le petit animal dans la nuit. Elle suivit les empreintes dans un lit asséché jusqu'à un promontoire. Le chevreau était parvenu à grimper mais ne savait plus descendre.

La pierre parla alors à la jeune fille, l'incitant à former des poignées dans la paroi. Taliyah posa une paume hésitante sur le rocher. La puissance élémentaire qu'elle ressentit était aussi intense et frénétique qu'une pluie de mousson. Dès qu'elle s'ouvrit à la magie, cette dernière s'engouffra en elle ; la pierre réagit à la pression de ses doigts et le promontoire s'effondra sur elle.

Le matin suivant, le père de Taliyah, paniqué, suivit les bêlements affolés du chevreau perdu. Il tomba à genoux en découvrant sa fille inconsciente près d'un éboulement rocheux. Fou de douleur, il revint à la tribu, Taliyah entre ses bras.

Pendant deux jours, la petite fille s'agita dans la fièvre et les cauchemars, avant de reprendre connaissance dans la tente de Babajan, la grand-mère de la tribu. Taliyah commença à raconter à l'ancienne et à ses parents inquiets ce qui s'était passé pendant la nuit où la pierre lui avait parlé. Babajan consola la famille : les dessins esquissés par les pierres prouvaient que la Grande Tisseuse, la protectrice mythique de la tribu, veillait sur la petite fille. À cet instant, Taliyah s'aperçut de l'inquiétude de ses parents et elle décida de cacher ce qui s'était vraiment passé cette nuit-là : c'était elle, et non la Grande Tisseuse, qui avait mû la pierre.

Quand les enfants de la tribu de Taliyah devenaient assez âgés, ils accomplissaient une danse sous une pleine lune qui n'était qu'une manifestation de la Grande Tisseuse elle-même. La danse célébrait les talents naturels des enfants et faisait la démonstration des dons qu'ils apporteraient à leur peuple en grandissant. C'est ainsi que commençait pour eux le chemin du véritable apprentissage, sous la conduite de leur nouveau professeur.

Taliyah continua à camoufler le pouvoir qui grandissait en elle, convaincue que c'était un danger et non une bénédiction. Autour d'elle, ses camarades d'enfance apprenaient à filer la laine pour protéger la tribu contre le froid nocturne du désert, à tailler et à teindre ou à tisser des motifs qui racontaient l'histoire de leur peuple. Souvent, la nuit, tourmentée par le pouvoir qui vibrait en elle, Taliyah s'agitait sans trouver le sommeil.

Le jour vint où elle dut à son tour danser sous la pleine lune. Elle avait assez de talent pour devenir chevrière, comme son père, ou une tisserande expérimentée, comme sa mère, mais elle craignait ce que la danse révélerait véritablement. Taliyah prit place sur le sable, entourée des instruments de son peuple : la houlette du berger, le rouet, le métier à tisser. Elle tenta de se concentrer sur la tâche qui l'attendait, mais elle n'entendait que l'appel des rochers lointains peignant le désert de couches colorées. Taliyah ferma les yeux et dansa. Submergée par la puissance qui l'irriguait, elle commença à filer, non la laine, mais la terre sous ses pieds.

Ce furent les exclamations stupéfaites de sa tribu qui la ramenèrent à la réalité. Une imposante tresse de roche s'élevait au-dessus d'elle sous la lueur de la lune. Taliyah regarda les visages choqués des gens qui l'entouraient. Seule sa concentration maintenait la tapisserie de pierre, qui s'écroula brusquement. La mère de Taliyah courut vers sa fille unique pour la protéger des pierres qui pleuvaient. Lorsque la poussière retomba enfin, Taliyah vit la destruction qu'elle avait créée et la crainte sur les visages de sa tribu. Mais ce fut la coupure sur le visage de sa mère qui justifia ses plus grandes peurs. Ce n'était qu'une estafilade, mais Taliyah comprit à cet instant précis qu'elle était une menace pour les gens qu'elle aimait le plus au monde. Elle s'enfuit dans la nuit, si lourde de désespoir que le sol tremblait sous ses pieds.

Son père la retrouva une fois de plus, un peu plus loin dans le désert. Ils s'assirent côte à côte dans la lumière douce de l'aube, et Taliyah confessa son secret en sanglotant. Il répondit de la seule manière possible pour un père : il la serra tendrement dans ses bras. Il lui expliqua qu'elle ne pouvait fuir son pouvoir, qu'elle devait terminer la danse et voir où cela la conduirait. Renoncer au don de la Grande Tisseuse était la seule chose capable de briser le cœur de sa mère.

Taliyah revint vers la tribu avec son père. Elle entra dans le cercle de danse, les yeux ouverts. Elle tissa un nouveau ruban de pierre, chaque couleur, chaque texture racontant un souvenir du peuple qui l'entourait.

Quand son travail fut terminé, la tribu était émerveillée. Taliyah attendait nerveusement. Il était temps pour un adulte de son peuple de s'avancer et de devenir le maître de ce nouvel apprenti. Pendant ce qui lui parut des siècles, Taliyah n'entendit que les battements de son cœur. Puis elle perçut le frémissement de la terre quand son père se leva. Sa mère se tint debout à ses côtés. Babajan, la maîtresse des teintures et celle des rouets se levèrent à leur tour. Brusquement, toute la tribu fut sur ses pieds. Tous se tiendraient aux côtés de la jeune fille qui savait tisser la pierre.

Taliyah regarda chacun d'eux. Elle savait qu'un pouvoir comme le sien n'avait plus été vu depuis des générations, n'avait peut-être jamais été vu. Mais si tout son peuple l'entourait d'amour et de confiance, l'inquiétude restait palpable. Nul parmi eux n'avait entendu, comme elle, l'appel de la terre. Bien qu'elle aimât profondément son peuple, elle ne voyait personne autour d'elle qui puisse lui apprendre à contrôler la magie élémentaire qui la traversait. Elle savait que rester avec sa tribu, c'était risquer la vie de tous ses membres. Malgré leur chagrin à tous, Taliyah dit adieu à ses parents et à son peuple puis partit à la découverte du monde.

Elle se dirigea à l'ouest vers les lointains pics de Targon : son lien naturel avec la roche l'attirait vers la montagne qui crevait la voûte stellaire. Mais, aux confins nord de Shurima, elle fut découverte par ceux qui marchent sous les étendards de Noxus. À Noxus, on fêtait les magies comme la sienne, lui dirent-ils, on les révérait, même. Ils lui promirent un professeur.

Taliyah avait mûri, au contact de la terre, dans l'honnêteté et la confiance : elle crut sans arrière-pensée les promesses doucereuses et les sourires fabriqués des dignitaires noxiens. La fille du désert se retrouva soudain sur une voie inflexible jalonnée par de nombreuses Noxtoraa, les grandes portes de fer qui marquaient la revendication par l'Empire des terres qu'il conquérait.

Dans la capitale, les masses de citoyens et les intrigues politiques furent vite étouffantes pour une jeune femme élevée sous les cieux ouverts du désert. On fit parader Taliyah dans toute la bonne société des mages de Noxus. Beaucoup s'intéressèrent à sa puissance, à son potentiel, mais le plus convaincant fut un capitaine au passé trouble qui lui proposa de la mener jusqu'à un lieu sauvage, au-delà de la mer, où elle pourrait apprendre à maîtriser ses capacités sans plus jamais avoir peur. Elle accepta son offre et traversa la mer jusqu'à Ionia. Cependant, le navire avait à peine jeté l'ancre qu'elle comprit la triste vérité : on l'avait conduite jusqu'à ce rivage pour servir d'arme à un officier déchu qui souhaitait reprendre son rang dans la hiérarchie de la marine noxienne. À l'aube, le capitaine lui offrit un choix : engloutir sous les pierres un peuple endormi ou être jetée à la mer.

Taliyah regarda la baie. La fumée des âtres ne montait pas encore des cheminées du village assoupi. Ce n'était pas cette leçon qu'elle était venue apprendre. Taliyah refusa et le capitaine la précipita par-dessus bord.

Elle parvint à rejoindre le rivage et s'éloigna rapidement des combats qui commençaient sur la plage ; elle se mit à errer, perdue, dans les froides montagnes d'Ionia. Elle y rencontra enfin le mentor qu'elle avait cherché partout, un homme dont la lame commandait au vent lui-même, quelqu'un qui comprenait les éléments et la vertu de l'équilibre. Elle s'entraîna avec lui et commença à trouver le contrôle qu'elle désirait si ardemment.

Alors qu'ils se reposaient dans une auberge isolée, Taliyah apprit que l'empereur transfiguré de Shurima était de retour dans son royaume des sables. D'après les rumeurs, l'empereur devenu dieu voulait rassembler les tribus dispersées pour les réduire de nouveau en esclavage. Même si sa formation n'était pas achevée, Taliyah savait n'avoir d'autre choix que de retourner vers sa famille pour la protéger. Le cœur lourd, son maître et elle se séparèrent.

Taliyah voyagea jusqu'aux dunes de sable de Shurima. Tandis que les durs rayons du soleil la frappaient de nouveau, elle s'enfonça dans le désert, déterminée à trouver son peuple. Sa volonté était de granit, et elle était décidée à faire tout ce qui serait nécessaire pour protéger sa famille et sa tribu contre le danger qui menaçait à l'horizon.

Des souvenirs dans la pierre
Taliyah distançait la tempête de sable quand elle remarqua l'eau pour la première fois. Au début, ce n'était pas grand-chose, une vague moiteur qu'elle percevait en soulevant les pierres depuis les profondeurs du sable. Alors qu'elle approchait du vieux Shurima, des filaments aqueux semblèrent pleurer sur les rocs. Taliyah savait que les pierres avaient des histoires à raconter, mais elle n'avait pas le temps de les entendre, de découvrir si c'étaient là des larmes de joie ou de tristesse.

Quand elle fut assez près pour être recouverte par l'ombre du grand Disque solaire, de l'eau souterraine commença à jaillir des affleurements rocheux comme de petites rivières. Et quand enfin elle atteignit les portes de la cité, Taliyah entendit le vacarme de torrents déchaînés roulant le long des lits de schiste. L'Oasis de l'aube, la Mère de la Vie, rugissait sous les sables.

Les membres de sa tribu suivaient les eaux saisonnières depuis des siècles. La meilleure chance de trouver sa famille était de suivre l'eau et, à la stupeur de Taliyah, l'eau de Shurima coulait maintenant d'une source unique, comme elle le faisait tant de millénaires plus tôt. Depuis aussi longtemps qu'on s'en souvenait, tout le monde évitait les vestiges tragiques de la capitale, autant que le grand Sai et les créatures mortelles qui chassaient là. Même les voleurs n'étaient pas assez stupides pour approcher de la ville. Jusqu'à aujourd'hui, en tout cas.

Taliyah fit s'arrêter la pierre qu'elle chevauchait, manquant de trébucher alors qu'elle renvoyait le roc trop brutalement sous la surface de sable. Elle regarda tout autour d'elle. La femme de Vekaura avait raison. Ce lieu n'était plus une ruine oubliée, peuplée par des spectres et des herbes sèches : le campement improvisé au pied de ses murs était palpitant de vie, comme une fourmilière avant le déluge. Ne sachant pas qui étaient ces gens, elle décida qu'il était préférable de ne pas trop se dévoiler.

Toutes les tribus de sa terre natale semblaient représentées, mais Taliyah ne reconnaissait aucun visage. Les gens qu'elle croisait semblaient divisés. Ils se disputaient sur les avantages respectifs de leur campement temporaire et de l'abri que proposait la ville. Certains craignaient que la cité ne chute de nouveau, enterrant tous ceux qui se tiendraient entre ses murs. Certains, voyant approcher la tempête électrifiée d'éclairs surnaturels, croyaient que les remparts les protégeraient, même si le sable les avait naguère engloutis. Ils empaquetaient rapidement leurs affaires en jetant des coups d'œil inquiets vers le ciel. Taliyah avait elle-même remporté sa course contre la tempête, mais le sable allait très bientôt se déchaîner contre les portes.

« C'est maintenant qu'il faut se décider. » Une femme l'appelait, sa voix presque couverte par le vacarme des eaux qui s'agitaient dans l'oasis et de la tempête qui approchait. « Tu entres ou tu t'en vas, ma fille ? »

Taliyah se retourna pour faire face à la femme. Elle était de Shurima, mais pour le reste elle lui était totalement inconnue.

« Je suis à la recherche de ma famille. » Taliyah montra sa tunique. « Ce sont des tisserands. »

« Le Père-faucon a promis sa protection à tous ceux qui entreront dans la ville », dit la femme.

« Le Père-faucon ? »

La femme regarda le visage inquiet de Taliyah et sourit en lui prenant la main. « Azir nous est revenu en Transfiguré. L'Oasis de l'aube coule de nouveau. Un nouveau matin s'est levé pour Shurima. »

Taliyah regarda les gens autour d'elle. C'était vrai. Ils hésitaient à s'enfoncer au cœur de la grande capitale, mais la peur qui déformait leurs traits tenait plus à la tempête surnaturelle qu'à la cité ou à l'empereur revenu du fond des âges.

« Il y avait des tisserands ici, ce matin », reprit la femme. « Ils ont décidé de s'abriter de la tempête à l'intérieur. » Elle désigna les files de gens qui se pressaient aux portes du nouveau cœur de Shurima. « Nous devons nous dépêcher. Ils ferment les portes. »

La femme prit Taliyah par le bras et la tira avec elle vers l'une des grandes portes de la capitale, au centre d'une foule d'étrangers qui, au dernier moment, avaient décidé de ne pas braver le sable sans abri. Mais quelques groupes restaient pourtant massés près des bêtes placées en cercle, déterminés à affronter la tempête comme toutes les caravanes de Shurima le faisaient depuis toujours. Au loin, des éclairs étranges et menaçants crépitaient aux confins du tourbillon. Les vieilles traditions des caravanes de Shurima risquaient fort de ne pas survivre à cette tempête inhabituelle.

Taliyah et la femme furent emportées par la foule au-delà du seuil doré qui séparait Shurima du désert. Les lourdes portes se refermèrent dans un grand bruit. La gloire impressionnante de l'ancienne Shurima se dévoila à leurs yeux. La foule restait massée contre les murailles épaisses, ne sachant pas trop où se rendre. C'est comme si tous sentaient que les rues vides appartenaient à quelqu'un d'autre.

« Je suis sûre que ta tribu est quelque part dans la ville. Presque tout le monde est resté près des portes. Peu sont assez braves pour s'éloigner. J'espère que tu trouveras ce que tu cherchais. » La femme lâcha la main de Taliyah et lui sourit. « Je te souhaite ombre et eau, ma fille. »

« Ombre et eau à vous aussi. » La femme disparaissait déjà au sein de la foule.

La cité silencieuse pendant des millénaires était de nouveau pleine de vie. Des gardes casqués surveillaient en silence les nouveaux citoyens de Shurima, drapés dans des manteaux d'or et de pourpre. Aucun problème n'était perceptible, mais Taliyah ne pouvait s'empêcher d'éprouver un malaise.

Elle s'appuya de la main contre le mur. Elle poussa un cri. La pierre palpitait sous sa paume. La douleur. Une terrible douleur, aveuglante, la submergea. Des dizaines de milliers de voix étaient gravées dans le roc. La peur et les tourments de leurs derniers instants, avant que leur vie ne soit fauchée et leur ombre saisie dans la pierre, hurlaient dans la tête de la jeune femme. Taliyah arracha sa main au mur en titubant. Elle avait déjà ressenti des vibrations dans la pierre, des réverbérations de souvenirs effacés depuis longtemps, mais rien qui ressemble à ce qui venait de l'assaillir. La muraille de pierre venait de lui transmettre le récit du passé. Les yeux grands ouverts, elle observa la ville avec un regard neuf. L'horreur s'empara de tout son être. Elle n'était pas dans une ville reconstruite. Elle était dans un tombeau exhumé des sables. La dernière fois qu'Azir avait fait des promesses au peuple de Shurima, cela leur avait coûté leur vie.

« Je dois trouver ma famille », murmura Taliyah.
Inauguration des Clubs of Legends avec Taliyah !
La magie de l'Hextech : inventer un style visuel
 
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  • This commment is unpublished.
    boursin · 8 years ago
    Tu les mets même si elles sont traduites en français sur le site ? En tout cas elles sont vachement sympa , j'aime bien le rajout de complexité sur la relation xerath azir :3
  • This commment is unpublished.
    Cypher · 8 years ago
    Voila qui est tout à fait plaisant. C'est assez jouissif de redécouvrir ces personnages quasiment deux ans après l'arrivé d'Azir.
  • This commment is unpublished.
    Aun · 8 years ago
    Oulah......... Très déçu par l'histoire de Rammus. Il y a beaucoup de théories pour combler, mais du coup, j'ai surtout l'impression de lire "on ne savait pas quoi dire parce que nous n'avons pas trouvé d'idée de lore cohérent avec un tatou parlant qui se balade avec une armure". Certes, on sait qu'il est vénéré un peu comme un Transfiguré en Shurima mais... C'est vide.
    Au moins, avec Amumu, une certaine origine peut-être déterminée avec l'histoire du vieux nomade qui raconte - on suppose - sa rencontre avec la petite momie (et on sait ce qu'Amumu cherche, en vain jusqu'à présent : un ami).
    Bref, Rammus has a dark and mysterious past.
  • This commment is unpublished.
    RomeArcade · 8 years ago
    Je trouve extrêmement drôle l idée que Rammus soit un dieu même si ca me paraît absurde
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