On avait pu voir les versions courtes de ces histoires sur le PBE, et comme on pouvait s'y attendre, les versions longues ont été publiées sur le PBE. De très longues histoires pour chacun de ces 5 champions, qui nous permettent d'en apprendre beaucoup plus que ce qu'on pouvait avoir avec les anciennes histoires...
Mise à jour 27/10 : Rajout de l'histoire de Kalista
Kalista - Lance de la vengeance
« Lorsque l'on nous cause du tort, nous demandons justice. Lorsque l'on nous blesse, nous ripostons. Lorsque l'on nous trahit, la Lance de la vengeance frappe ! »Spectre courroucé des Îles obscures, Kalista est l'esprit immortel de la vengeance, un cauchemar en armure que l'on invoque pour pourchasser les traîtres et les menteurs. Les victimes trahies peuvent réclamer vengeance, mais Kalista ne répond qu'à ceux dont elle estime la cause digne de ses talents. Malheur à ceux qui suscitent l'ire de Kalista, car tout pacte qu'elle scelle ne se finit que d'une seule façon : dans les flammes glacées de ses lances spirituelles.
De son vivant, Kalista était un fier général, la nièce du puissant roi d'un empire dont nul ne se souvient aujourd'hui. Elle suivait un code de l'honneur strict et attendait des autres qu'ils fassent de même, servant son roi et sa reine avec la plus grande des loyautés. Son roi avait de nombreux ennemis, et quand les seigneurs d'une terre conquise envoyèrent un assassin pour le tuer, seule la vitesse de Kalista permit d'éviter le pire. Malheureusement, en sauvant le roi, elle condamna la reine : la lame de l'assassin qu'elle avait déviée alla entailler le bras de la reine et y injecta son poison. Les plus grands prêtres, chirurgiens et sorciers furent appelés à son chevet, mais personne ne parvint à trouver d'antidote au poison qui rongeait la reine. Même les sortilèges du roi ne parvenaient qu'à ralentir sa progression. Écrasé par le chagrin, le roi envoya Kalista à la recherche d'un remède. Avant son départ, elle ordonna à Hecarim et à son Ordre de fer de monter la garde auprès du roi en son absence. Il n'accepta cette mission qu'en renâclant, amer de ne pas pouvoir participer à la quête de Kalista.
Kalista voyagea de par le monde, cherchant un remède auprès des érudits, des ermites et des mystiques les plus savants, mais toujours en vain. Enfin, elle apprit l'existence d'un archipel légendaire, invisible aux yeux des mortels, un endroit où l'on détiendrait la clé de la vie éternelle : les Îles bénies. Elle se lança alors dans le voyage du dernier espoir. Les habitants de l'archipel avaient eu vent de sa quête et, reconnaissant la pureté de ses intentions, permirent à son bateau de rejoindre leurs côtes. Kalista les implora de soigner la reine, et le maître des lieux lui demanda de la faire venir sur l'île pour y purifier son corps. Lorsque Kalista remonta à bord de son navire, on lui confia les mots magiques permettant de traverser les brumes qui coupaient l'île du reste du monde, mots qu'elle ne devait surtout répéter à personne. Kalista rentra chez elle, mais elle arriva trop tard : la reine avait déjà succombé.
Le roi sombra dans la folie et s'enferma dans sa tour avec le corps en putréfaction de son épouse. Apprenant le retour de Kalista, son oncle le roi exigea qu'elle lui fasse part de ses découvertes. Le cœur lourd, car elle n'avait jamais brisé son vœu de loyauté envers le roi, Kalista refusa ; elle n'avait pas oublié la mise en garde des habitants des Îles bénies et elle savait qu'il était inutile d'y apporter un cadavre. Le roi la fit enfermer pour trahison, en espérant qu'elle finisse par parler. Kalista resta dans sa cellule jusqu'à ce qu'Hecarim parvienne à la convaincre de dire au roi ce qu'elle savait. Il la supplia d'aider le roi à trouver la paix, que ce soit en ramenant sa femme à la vie ou en lui faisant accepter son décès, après quoi le roi pourrait l'enterrer aux Îles bénies. À eux deux, affirmait-il, ils parviendraient à contenir la folie du roi et à le ramener sans qu'aucun mal ne soit fait à personne. Hésitante, car elle sentait qu'Hecarim cachait quelque chose, Kalista finit par accepter.
Et c'est ainsi que le roi partit pour les Îles bénies à la tête d'une flottille de ses navires les plus rapides. Kalista déclama les mots magiques qui ouvraient la voie dans les brumes masquant leur destination, et le roi hurla de joie en voyant la côte lumineuse se dévoiler. Le roi et sa suite se dirigèrent vers une cité blanche établie au centre de l'île, où il allait rencontrer le maître des gardiens de l'île. Le roi lui demanda de ramener sa femme d'entre les morts mais, bien entendu, on lui répondit que cela allait à l'encontre de l'ordre naturel du monde. Le roi entra dans une rage incontrôlable et ordonna à Kalista de tuer le gardien.
Kalista refusa et tenta de lui rappeler à quel point il avait été bon naguère, mais ses appels restèrent sans effet et le roi réclama une fois de plus la tête du gardien. Kalista demanda à Hecarim de la soutenir, mais ce dernier vit pointer la chance de réaliser enfin son ambition : remplacer Kalista auprès du roi. Il avança vers Kalista, comme s'il allait se tenir à ses côtés, puis lui plongea sa lance dans le dos. Les chevaliers de l'Ordre de fer se joignirent à lui et tous enfoncèrent leurs lances dans le corps de Kalista. Une mêlée brutale s'ensuivit, les fidèles de Kalista combattant avec l'énergie du désespoir contre Hecarim et ses chevaliers. Malgré leur courage et leur talent, ils n'étaient pas assez nombreux et les hommes d'Hecarim les massacrèrent l'un après l'autre. Dans son dernier souffle, voyant tomber ses compagnons d'armes, Kalista jura de se venger de tous ceux qui l'avaient trahie.
Lorsque Kalista rouvrit les yeux, ils étaient remplis d'une noire puissance surnaturelle. Les Îles bénies avaient disparu, laissant la place à une triste parodie de la vie et de la beauté, un lieu de ténèbres, habité par des esprits hurlants condamnés pour l'éternité au cauchemar de la non-mort. Elle ignorait ce qui s'était passé, et malgré ses efforts pour s'accrocher aux derniers souvenirs de la trahison, toute sa mémoire s'effaça jusqu'à ce que ne demeure plus que la soif de vengeance qui brûlait dans sa poitrine.
Une soif qu'elle ne pouvait apaiser qu'avec le sang des traîtres.
InvocationLa femme se tenait au milieu des ruines calcinées de sa maison. Toutes les personnes et toutes les choses auxquelles elle tenait avaient disparu. Son désespoir était sans limites... Tout autant que sa haine. Elle n'était plus animée que par cette dernière.
Elle revoyait le sourire qu'il faisait au moment où il donna ses ordres. Il devait les protéger, mais il avait foulé aux pieds sa promesse. Et le traître ne s'était pas contenté de briser cette seule famille.
Elle brûlait d'envie de partir à sa poursuite. Elle rêvait de planter son épée dans sa poitrine et de le regarder, les yeux dans les yeux, alors que la vie le quittait... Mais elle savait qu'elle n'aurait aucune chance de l'approcher. Il était défendu jour et nuit et elle n'était qu'une simple guerrière. À elle seule, elle ne pourrait certainement pas affronter son bataillon. Ce serait du suicide.
Elle prit sa respiration, tremblotante, parfaitement consciente qu'elle n'en reviendrait pas.
L'effigie grossière d'un homme, faite de bouts de bois et de ficelles, reposait contre une commode noircie par le feu. Elle portait un petit vêtement fabriqué à partir de la cape du traître. Elle l'avait arraché au poing de son mari défunt. À côté se trouvaient un marteau et trois clous rouillés.
Elle réunit tout ce qu'elle put et avança vers l'entrée. La porte avait été détruite lors de l'assaut. Dehors, sous la lumière de la lune, s'étendaient des champs vides et sombres.
La femme tendit le bras pour appuyer la petite effigie contre le linteau de la porte.
« Je t'invoque, Ô Vengeresse », dit-elle d'une voix faible et hachée par la colère. « Toi qui résides dans l'au-delà, entends mon malheur. Et viens. Pour que justice soit faite. »
Elle souleva le marteau et prépara le premier clou.
« Je nomme une première fois celui qui m'a trahie », annonça-t-elle, avant de citer son nom à voix haute. Au même instant, elle posa le clou sur la poitrine de l'effigie. Et d'un coup d'un seul, elle le planta profondément dans le bois de la poutre.
La femme sursauta. La pièce fut envahie par un froid notable. Ou bien était-ce son imagination ?
« Je le nomme une deuxième fois », poursuivit-elle, avant de planter un nouveau clou juste à côté du premier.
Elle détourna le regard et fut saisie par la stupeur. Dans le champ illuminé par la lune, à une centaine de mètres, se tenait désormais une silhouette obscure. Elle était parfaitement immobile. Sa respiration était de plus en plus intense. Son regard se replongea dans sa tâche encore inachevée.
« Je le nomme une troisième fois », conclut-elle, avant d'énoncer une fois encore le nom de celui qui avait assassiné son mari et ses enfants. Puis elle planta le dernier clou.
Un esprit vengeur se tenait maintenant devant elle, sur le pas de la porte disparue. La femme, dans un frisson involontaire, recula brutalement.
L'être de l'au-delà portait une armure archaïque et sa peau luisait d'un éclat spectral. Autour d'elle flottait une Brume noire qui ressemblait à un voile vivant.
Dans un horrible crissement de métal, le spectre arracha de sa poitrine une lance ternie. Cette arme ancienne était celle qui lui avait coûté la vie.
Elle la jeta aux pieds de la femme. Elles étaient silencieuses. Elles n'avaient pas besoin de parler. La femme savait ce qui allait lui être offert, la vengeance, et ce qu'elle allait devoir sacrifier : son âme.
Le visage impassible et le regard brûlant d'une colère glaciale, l'esprit regarda la femme se pencher et se saisir de l'arme terrible.
« Je m'offre tout entière à la vengeance », fit la femme, la voix tremblotante. Elle retourna la lance et positionna la pointe juste au-dessus de son cœur. « Je le promets de mon sang. Je le promets de mon âme. »
Elle s'interrompit. Elle savait que son mari l'aurait implorée de ne pas continuer. Il l'aurait suppliée de ne pas condamner son âme comme elle s'apprêtait à le faire. L'espace d'un instant, elle fut rongée par le doute. La Vengeresse la regardait, immobile.
Elle ferma lentement les yeux et pensa à son mari, étendu sur le sol, massacré à coups de haches et d'épées. Elle revit ses enfants baignant dans leur sang, et son corps tout entier se figea comme si son cœur s'était changé en pierre. Elle agrippa la lance plus fermement encore.
« Aidez-moi », soupira-t-elle, pleinement déterminée. « Aidez-moi à le tuer. »
Elle plongea la lance dans sa poitrine.
Les yeux exorbités, elle tomba à genoux. Elle tenta d'ouvrir la bouche pour parler, mais sa voix s'étouffa dans le sang.
Le spectre la regardait mourir sans aucune réaction.
Alors que la femme se vidait entièrement de son sang, une ombre sembla se soulever de son corps. Elle regarda ses mains impalpables avec émerveillement, puis son regard se porta sur son corps sans vie qui gisait maintenant dans une mare de sang. Son expression se figea et une épée fantomatique apparut dans sa main.
Un fil éthéré à l'éclat presque indicible liait désormais l'ombre à l'esprit vengeur qu'elle avait invoqué. La femme la découvrait sous un jour nouveau. Elle put apercevoir la grande guerrière qu'elle était de son vivant : droite et fière dans son armure étincelante. Elle était un peu arrogante sans doute, comme le serait une meneuse-née. La femme aurait volontiers donné son sang pour une telle commandante.
Derrière la colère du spectre, elle sentit une profonde empathie. Ce sentiment de trahison lui était pleinement familier.
« Ta cause est notre cause », dit Kalista, Lance de la vengeance. Sa voix était froide comme la pierre. « Ensemble, nous arpentons désormais la voie de la vengeance. »
La femme acquiesça.
L'esprit vengeur et l'ombre de la femme se dissipèrent dans l'obscurité.
Karthus – Liche
« La mort n'est pas la fin du voyage, ce n'est que le début... »Héraut de l'au-delà, Karthus est un esprit impérissable dont les chants captivants ne sont que le prélude à un cauchemar. Les vivants craignent l'éternité de la non-mort, mais Karthus ne voit que la beauté et la pureté de son étreinte, cette union parfaite entre la vie et la mort. Quand Karthus émerge des Îles obscures, c'est pour convertir les mortels à la joie de la mort.
Karthus est né dans la plus terrible misère, dans les bas-fonds construits par-delà les murs de la capitale de Noxus. Sa mère mourut en couches, laissant son père l'élever seul en compagnie de ses trois sœurs. Ils s'entassaient dans un hospice branlant envahi par les rats avec des masses d'autres familles, nourris d'eau de pluie et de vermine. De tous les enfants, Karthus était le meilleur chasseur de rats et il rapportait souvent des cadavres rongés pour le souper.
La mort était le lot quotidien des taudis de Noxus et bien des matins commençaient par le cri de parents qui, dès le réveil, découvraient le corps froid d'un de leurs enfants à leurs côtés. Karthus apprenait à aimer ces lamentations et regardait, fasciné, les Comptables de Kindred ajouter une encoche à leur bâton avant d'emporter les cadavres. La nuit, le jeune Karthus se faufilait dans les salles bondées, cherchant ceux dont la vie ne tenait plus qu'à un fil, espérant assister à leur dernier souffle. Pendant des années, ses excursions nocturnes furent vaines, car il est impossible de prédire quand un être va rendre l'âme. Il lui fut impossible d'assister au passage vers la mort jusqu'à ce que sa propre famille soit touchée.
Les épidémies étaient fréquentes dans des endroits si confinés et, quand les sœurs de Karthus furent atteintes par la maladie à leur tour, il les veilla avec abnégation. Son père était effondré de chagrin, mais Karthus restait un frère dévoué, ne quittant pas le chevet de ses sœurs tandis que le fléau les rongeait. Il ne les abandonna pas alors qu'elles mouraient l'une après l'autre et une sublime connexion sembla se faire en lui tandis que la lumière s'éteignait dans leurs prunelles : le besoin de voir ce qu'il y avait au-delà de la mort et de déverrouiller les secrets de l'éternité. Lorsque les Comptables de Kindred se présentèrent pour emporter les corps, Karthus les suivit jusque dans leur temple, leur posant une infinité de questions sur leur ordre et les arcanes de la mort. Était-il possible pour quelqu'un d'exister au moment où la vie prend fin, mais avant que la mort ne commence ? S'il était possible de comprendre et de maîtriser ce seuil, la sagesse de la vie et la clarté de la mort ne pouvaient-elles se combiner ?
Les Comptables surent aussitôt que Karthus était fait pour leur ordre et il fut introduit dans leurs rangs, d'abord comme fossoyeur et bâtisseur de bûcher, avant de s'élever jusqu'au rang de collecteur de corps. Karthus conduisait son chariot dans les rues de Noxus pour récupérer des morts chaque jour. Ses chants funèbres devinrent célèbres dans toute la région : c'étaient des lamentations mélancoliques qui parlaient de la beauté de la mort et de l'espoir que ce qui lui succédait méritait d'être accueilli. Bien des familles affligées trouvaient du réconfort dans ses chants, un peu de paix dans ses élégies sincères. Karthus finit par travailler dans le temple lui-même, s'occupant des malades dans leurs derniers instants, veillant sur tous ceux que la mort avait choisis pour siens. Karthus parlait à chaque personne couchée dans son lit de souffrances, murmurant à ses oreilles jusqu'au trépas, cherchant une sagesse supérieure dans ses yeux agonisants.
Mais Karthus finit par réaliser qu'il n'avait plus rien à apprendre des mortels, que seuls les morts eux-mêmes avaient encore des réponses à ses questions. Nulle âme agonisante ne pouvait lui dire ce qu'il y avait au-delà de la mort, mais des rumeurs vagues et des contes murmurés aux enfants pour les effrayer parlaient d'un lieu où la mort n'était pas la fin : les Îles obscures.
Karthus vida les coffres du temple et acheta un passage vers Bilgewater, une cité affligée par une étrange brume d'un noir d'encre dont on disait qu'elle attirait les âmes vers une île impie loin sur l'océan. Aucun capitaine n'était prêt à conduire Karthus jusqu'aux Îles obscures, mais il finit par rencontrer un pêcheur imbibé de rhum et couvert de dettes qui n'avait plus rien à perdre. Son bateau parcourut l'océan pendant nombre de nuits et de jours, jusqu'à ce qu'une tempête le pousse vers le rivage rocheux d'une île qu'aucune carte ne mentionnait. Une brume sombre dévalait d'un paysage hanté par des arbres torturés et des ruines. Le pêcheur remit son bateau à flot et, terrifié, repartit vers Bilgewater, mais pas avant que Karthus n'ait sauté dans l'eau. S'appuyant sur son bâton de Comptable, il chanta fièrement la lamentation qu'il avait préparée pour l'heure de sa propre mort et un vent froid porta ses mots jusqu'au cœur de l'île.
La Brume noire s'empara de Karthus, ravageant sa chair et son esprit avec une sorcellerie ancienne, mais son désir de transcender la mortalité était tel qu'il n'en fut pas détruit. Au lieu de cela, un nouveau Karthus, revenant décharné, naquit dans les eaux de l'île.
Karthus fut comme possédé par une révélation tandis qu'il devenait ce qu'il avait toujours pensé devoir être : une créature persistant sur le palier de la mort et de la vie. La beauté de ce moment l'emplit d'émerveillement tandis que les esprits torturés de l'île observaient sa transformation, attirés par sa passion comme des squales par le sang. Enfin, Karthus était là où il devait être, entouré par ceux qui comprenaient vraiment la bénédiction de la non-mort. Empli de zèle prosélyte, il sut qu'il devait retourner à Valoran pour partager ce don avec les vivants afin de les libérer de leurs mesquines préoccupations de mortels.
Karthus fit demi-tour et la Brume noire le porta au-dessus des vagues jusqu'au bateau du pêcheur. L'homme tomba à genoux en voyant Karthus et supplia d'être épargné ; Karthus lui offrit la bénédiction de la mort, mettant fin à ses souffrances terrestres, avant de le relever sous la forme d'un esprit immortel tout en psalmodiant son chant funèbre pour les âmes au trépas. Le pêcheur était la première des nombreuses âmes que Karthus devait libérer, et la liche avait l'intention de vite lever une légion de spectres. Pour les sens soudain éveillés de Karthus, les Îles obscures étaient dans un état de limbes apathiques et les bénédictions de la mort y étaient gaspillées. Il était de son devoir de galvaniser les morts, de lever une croisade destinée à apporter la beauté de l'au-delà aux vivants, de mettre un terme aux souffrances de la mortalité et d'initier un âge glorieux de non-mort.
Karthus est devenu l'émissaire des Îles obscures, le héraut de l'oubli dont les lamentations et les chants glorifient la mort. Ses légions d'âmes se joignent à ses récitations funéraires, leurs mélopées dépassant les confins de la Brume noire pour se faire entendre, lors des nuits les plus froides, jusque dans les cimetières et les maisons des charnels dans tout Valoran.
Funérailles en mer
La mer était comme un miroir noir. La lune était basse sur l'horizon : c'était ainsi depuis déjà six nuits. L'air n'était pas même troublé par un murmure de vent, on n'entendait que ce maudit chant funèbre venu d'on ne savait où. Vionax avait navigué sur les océans autour de Noxus assez longtemps pour savoir qu'une telle mer était un mauvais présage. Elle se tenait à la proue duDarkwill, la longue-vue glissant sur la ligne d'horizon, cherchant n'importe quel signe qui lui aurait permis de calculer sa position.
« La mer, rien que la mer, dans toutes les directions », dit-elle à la nuit. « Aucune terre, aucune étoile que je connaisse. Nos voiles claquent, vides de vent. Nous avons ramé pendant des jours, mais où que nous allions, il n'y a jamais de rivage à l'horizon et la lune est immuable. »
Elle se frotta les yeux. La soif et la faim grognaient dans son ventre et les ténèbres constantes interdisaient d'évaluer le passage du temps. Le Darkwilln'était même pas son navire. Elle n'avait été que le premier lieutenant jusqu'à ce que la hache d'une brute de Freljord ne fende le crâne du capitaine Mettok, ce qui lui avait valu cette soudaine promotion. Le capitaine et quinze autres guerriers de Noxus étaient allongés dans des hamacs cousus sur le pont principal. La puanteur croissante des cadavres était la seule mesure constante du passage du temps.
Vionax releva les yeux vers l'océan sans fin et ses prunelles s'agrandirent : une épaisse brume sombre semblait flotter sur l'eau. Des formes se mouvaient dans le brouillard, vagues suggestions de bras armés de griffes et de gueules grand ouvertes. Le chant funèbre retentit de nouveau, plus fort, rythmé par les douloureuses harmoniques d'un glas.
« La Brume noire ! » s'écria-t-elle. « Branle-bas général ! »
Elle fit demi-tour et se précipita vers le pont principal avant de remonter jusqu'à la plage arrière pour prendre la barre. Elle ne pouvait pourtant rien faire pour modifier la course du navire, mais c'est là qu'était sa place. Une mélopée pour les âmes perdues dériva au-dessus du navire tandis que les hommes jaillissaient des ponts inférieurs et, alors même que la terreur s'emparait d'elle, Vionax ne pouvait nier la poésie de ces sonorités. Les larmes brouillaient sa vue, pas de peur, mais d'une infinie tristesse.
« Laisse-moi mettre fin à ta peine. »
La voix, dans sa tête, était froide, sans vie, la voix d'un homme mort. Elle évoquait la roue de fer d'un chariot chargé de cadavres, un couteau gravant une nouvelle encoche sur un bâton. Vionax connaissait les contes de la Brume noire, elle savait devoir éviter les îles que camouflaient les ténèbres de l'est. Elle pensait son navire loin des Îles obscures, mais à l'évidence elle avait tort.
Le brouillard passa le plat-bord dans un mélange de hululements et de grincements d'outre-tombe. Les spectres apparurent avec un chant impie et l'équipage du navire hurla de terreur. Vionax sortit son pistolet et l'arma en voyant une silhouette émerger de la brume : haute et large d'épaules, vêtue d'une robe cérémoniale comme un prélat antique, mais le crâne et les épaules protégés par une armure de guerrier. Un livre pendait à sa ceinture au bout d'une chaîne et l'apparition avait en main un long bâton où d'innombrables encoches se succédaient. Une lumière spectrale brûlait comme une étoile morte dans la paume de sa main libre.
« Pourquoi pleures-tu ? » demanda la créature. « Je suis Karthus et j'ai un grand don à te faire. »
« Je ne veux pas de ton don », répondit Vionax en appuyant sur la détente. Elle ressentit le contrechoc de la détonation dans tout son bras. La balle toucha le spectre, mais le traversa sans lui faire de mal.
« Vous autres mortels ! » dit Karthus en secouant la tête. « Vous craignez ce que vous ne connaissez pas et vous vous détournez d'une merveille qui vous est librement offerte. »
Le monstre approcha encore et les sombres émanations de son bâton baignèrent le navire d'une lumière maladive. Vionax recula tandis que les marins s'effondraient devant cette lumière, leurs âmes s'évadant comme une fumée de leurs corps. Elle se prit le talon dans un cordage, trébucha et tomba au sol sur les cadavres enroulés dans les hamacs. Elle continua de reculer en rampant par-dessus les corps de son ancien équipage.
Sous elle, un hamac frémit.
Tous bougeaient, à présent, ils se tortillaient comme du poisson qu'on vient de pêcher et qui cherche désespérément à respirer au fond du bateau. Des filaments de brume passèrent par les ouvertures des hamacs, entre les points grossiers cousus pour les fermer. Des visages apparaissaient dans ce brouillard, celui de marins avec lesquels elle avait navigué pendant des années, des hommes et des femmes aux côtés desquels elle avait combattu.
Le spectre la surplombait et l'équipage mort du Darkwill se tenait à ses côtés, nimbés de lumière lunaire.
« La mort ne doit pas être redoutée, Vionax », dit Karthus. « C'est elle qui te libérera de toute cette douleur. Elle détournera tes yeux de la banalité de l'existence pour te montrer la gloire de la vie éternelle. Accepte la merveilleuse beauté de la mort. Libère-toi de la mortalité. Tu en as besoin. »
Il tendit sa main et la lumière qui en coulait l'enveloppa. Elle hurla quand la lumière traversa sa peau, ses muscles, ses os, pour entrer jusqu'au plus profond de son âme. Le spectre referma son poing et Vionax se sentit violemment arrachée à elle-même.
« Laisse ton âme voler librement », intima Karthus en se tournant pour graver une nouvelle encoche sur son bâton avec un clou affûté. « Tu ne ressentiras aucune douleur, aucune crainte, aucun désir de ressentir autre chose que la beauté que je veux te montrer. Miracles et merveilles t'attendent, mortelle. Pourquoi fuir un tel ravissement...? »
« Non », dit Vionax dans un ultime soupir. « Je ne veux pas voir. »
« Il est déjà trop tard », dit Karthus.
Thresh - Garde aux chaînes
« Réduire l'esprit d'un homme en lambeaux est un véritable délice. »Sadique et fourbe, Thresh est un esprit errant qui est très fier de son inventivité dès lors qu'il s'agit de tourmenter les mortels et de les briser lentement par la douleur. La souffrance de ses victimes se prolonge bien au-delà de leur mort, car Thresh met leur âme au supplice en les emprisonnant dans sa lanterne, où il peut les torturer à l'envi pour toute l'éternité.
À une époque totalement oubliée des livres d'histoire, l'homme qui allait devenir Thresh était membre d'un ordre qui se consacrait à rassembler et à protéger le savoir et les connaissances. Les maîtres de cet ordre lui confièrent la tâche de monter la garde devant un coffre-fort souterrain qui renfermait les dangereux artefacts d'une magie corrompue. Thresh possédait une volonté de fer et un esprit méthodique qui faisaient de lui l'homme idéal pour une telle mission.
Le coffre-fort dont Thresh avait la charge était enterré très profondément sous la citadelle située au centre d'un archipel, protégé par des sceaux runiques, des verrous enchantés et de puissants boucliers. Mais à force de passer autant de temps à proximité des sombres sortilèges ainsi contenus, la personnalité de Thresh commença à changer. La magie noire s'insinuait dans son esprit pour réveiller la part d'ombre innée qui sommeillait en lui. Pendant des années, les reliques se nourrirent de ses craintes, jouant avec ses peurs les plus profondes et le transformant en un être amer et aigri.
Le dépit de Thresh devint visible lorsqu'il se mit à commettre des actes de cruauté gratuite et que son talent pour exploiter la vulnérabilité de ses victimes se fit jour. Il arracha une à une les pages d'un livre vivant, pour finir par le relier de nouveau alors qu'il était sur le point de mourir. Il raya la glace d'un miroir enchanté qui renfermait la mémoire d'un ancien mage jusqu'à le rendre opaque, condamnant le pauvre homme à la cécité, avant de le polir de nouveau et de recommencer. Tout comme un secret se languit d'être divulgué, un sortilège n'aspire qu'à être récité, et Thresh se refusait chaque jour à cet exercice. Lorsqu'il commençait à prononcer la formule d'une incantation, il se laissait entièrement porter par le flot des paroles rituelles puis s'arrêtait soudain juste avant la dernière syllabe.
Il devint rapidement très doué pour dissimuler les preuves de sa cruauté, de telle sorte que nul au sein de l'ordre ne put détecter la double nature de ce garde si discipliné. Le coffre-fort était devenu si vaste que personne, à l'exception de Thresh, ne connaissait entièrement son contenu. Les artefacts mineurs finirent par disparaître de la mémoire collective de l'ordre, en même temps que Thresh lui-même.
Celui-ci fut peu à peu rongé par l'amertume à force de devoir dissimuler son travail méticuleux. Toutes les choses dont il avait la garde étaient maléfiques ou corrompues... Pourquoi lui ne serait-il pas libre de faire ce que bon lui semblait ?
Le coffre-fort renfermait de multiples objets magiques très particuliers, mais aucun être vivant. Jusqu'au jour où un homme enchaîné fut traîné au cœur des catacombes englouties. Il s'agissait d'un sorcier qui avait imprégné son propre corps de magie brute, ce qui lui conférait le pouvoir de régénérer sa chair à l'infini, quelle que soit la gravité de ses blessures.
Thresh fut ravi qu'un nouveau trésor vienne agrandir la collection dont il avait la charge. Un être vivant ! Quelqu'un qui pourrait ressentir tout le spectre de la souffrance humaine sans jamais périr, un jouet qu'il pourrait torturer indéfiniment pendant les années à venir. À l'aide d'un crochet, il commença à dépecer le sorcier avec une précision chirurgicale et utilisa ses chaînes pour flageller les plaies béantes jusqu'à ce qu'elles se guérissent d'elles-mêmes. Il prit l'habitude de porter les chaînes avec lui lorsqu'il patrouillait dans le coffre-fort, savourant jusqu'à la lie l'effroi du sorcier qui guettait son approche au son métallique qui résonnait dans le souterrain.
Amplement occupé par sa nouvelle distraction sordide, Thresh s'éloigna toujours plus des autres membres de l'ordre qui vivaient au-dessus de lui. Il commença à prendre ses repas dans sa chambre souterraine, à la lumière d'une unique lanterne, et n'émergeait plus que rarement hors des catacombes. À cause du manque de soleil, son teint devint blafard et son visage se creusa en un masque émacié et cireux. Les autres membres l'évitaient. Lorsqu'une série de mystérieuses disparitions commença à faire des ravages au sein de l'ordre, personne ne songea à fouiller la tanière de Thresh.
Quand le désastre qu'on appelle aujourd'hui la Ruine s'abattit sur les îles, les ondes de choc magiques fauchèrent les âmes de tous les habitants et les transformèrent en créatures mortes-vivantes. Alors que des hurlements d'agonie résonnaient tout autour de lui, Thresh se délecta au milieu des ruines. Au cœur du cataclysme, il était devenu une abomination spectrale, mais contrairement à nombre d'êtres vivants qui étaient passés dans le royaume des ténèbres, Thresh n'avait pas perdu son identité. Son cruel penchant pour la torture et sa capacité à discerner les faiblesses de ses victimes ne s'en trouvèrent que renforcés.
Il était enchanté à l'idée de pouvoir poursuivre ses pratiques perverses sans craindre d'être châtié, enfin libéré des contraintes de la mortalité. En tant que spectre, Thresh pouvait désormais tourmenter les vivants et les morts indéfiniment et se repaître de leur désespoir avant d'arracher leur âme pour la condamner à géhenne éternelle.
À présent, le Garde aux chaînes recherche un genre de victime bien particulier : les êtres les plus intelligents et les plus résistants, ceux qui possèdent une volonté inébranlable. Sa plus grande joie est de torturer ses proies jusqu'à ce qu'elles perdent tout espoir et se retrouvent fauchées par le crochet de sa chaîne.
La collecte des âmes
Un horrible bruit métallique de chaînes qu'on traîne au sol se répercutait à travers les champs. Dehors, un brouillard surnaturel masquait intégralement la Lune et les étoiles. Soudain, le chant des insectes nocturnes s'interrompit.
Thresh s'approchait d'une masure à l'abandon. Il leva sa lanterne, non pour éclairer ses environs immédiats, mais pour plonger son regard dedans.L'intérieur de la lanterne ressemblait à un ciel nocturne parsemé d'étoiles, avec sa myriade de petits orbes fluorescents qui brillaient d'une lueur verdâtre. Ceux-ci se mirent à vrombir frénétiquement comme pour essayer de se dérober aux yeux de Thresh. Sa bouche se tordit en un rictus grotesque et ses dents semblèrent luire à la lumière de sa lanterne. Chacune de ces petites étincelles lui était très précieuse.
Un homme poussait de faibles gémissements à l'intérieur du taudis. Sentant sa souffrance, Thresh fut attiré à lui. Il connaissait parfaitement la douleur de ce pauvre hère et l'accueillit comme une vielle amie.
Thresh n'était apparu qu'une seule fois à cet homme, plusieurs décennies plus tôt, mais depuis, le spectre avait fauché tous ceux qui lui étaient chers : son cheval préféré, sa mère, son frère et, plus récemment, l'un de ses serviteurs qui se trouvait être son plus proche confident. Le spectre n'avait pas cherché à dissimuler la nature de ces morts sous le masque d'un trépas naturel. Il voulait que l'homme sache qui était le responsable de chaque perte.
L'esprit traversa la porte en traînant ses chaînes derrière lui. Les murs étaient rongés par la moisissure et recouverts d'une couche de crasse qui avait dû s'accumuler sur plusieurs années. L'homme présentait une apparence encore plus misérable : ses cheveux longs et sales étaient complètement emmêlés, et sa peau était recouverte de croûtes purulentes et à vif. Ses vêtements semblaient faits d'un tissu qui avait dû être du velours dans une autre vie, mais réduits à présent à l'état de haillons en lambeaux.
L'homme se recroquevilla devant cette soudaine lueur verdâtre et se couvrit les yeux. Pris de soubresauts incontrôlables, il se réfugia dans un coin de la pièce.
« Pitié... Non, pitié ! Laissez-moi ! » murmura-t-il.
« Il y a fort longtemps, je t'ai choisi comme victime. » La voix de Thresh était rauque et traînante, comme s'il n'avait pas utilisé le langage des mortels depuis des lustres. « L'heure est venue de t'ajouter à ma collection... »
« Je suis mourant, fit l'homme dans un souffle à peine audible. Si vous êtes ici pour me tuer, ne perdez pas de temps. » Il fit un effort pour regarder Thresh dans les yeux.
La bouche de Thresh s'étira en un large sourire. « Ta mort n'est pas ce que je désire. »
Il entrouvrit alors la porte en verre de sa lanterne. D'étranges sons leur parvinrent depuis l'intérieur... une cacophonie de plaintes.
Au début, l'homme n'eut aucune réaction. Les mugissements étaient si nombreux qu'ils semblaient se fondre en une note discordante unique, comme le crissement d'un outil de métal rayant une surface en verre. Mais soudain, ses yeux s'écarquillèrent avec horreur lorsqu'il reconnut certaines des voix qui criaient au cœur de la lanterne du spectre. Il entendit sa mère, son frère, son ami et finalement le son qu'il redoutait le plus : la voix de ses enfants, qui hurlaient comme s'ils étaient brûlés vifs.
« Qu'avez-vous fait ? » cria-t-il. Il se précipita sur le premier objet à sa portée, une chaise brisée, pour la jeter sur son bourreau de toutes ses forces. Celle-ci traversa Thresh sans lui causer le moindre dommage, et le spectre éclata d'un rire sans joie.
L'homme se jeta sur lui dans un élan de furie aveugle. Dans un claquement métallique sinistre, la chaîne du spectre fendit l'air en un éclair comme un serpent. Le crochet vint se planter dans le torse du mortel, brisant ses côtes pour le transpercer en plein cœur. L'homme tomba à genoux, le visage déformé par une délicieuse agonie.
« Je les avais quittés pour qu'ils soient en sécurité... » dit-il en pleurant. Du sang s'écoula de sa bouche.
Thresh tira violemment sur ses chaînes. L'espace d'un instant, l'homme reste immobile. Puis le spectre commença à arracher son âme. Tel un drap de lin qui se déchire lentement, le malheureux fut submergé par la souffrance en sentant que son essence lui échappait. Son corps fut agité de spasmes violents et son sang gicla sur les murs de la pièce.
« À présent, nous pouvons commencer », fit Thresh. Il se saisit de l'âme ainsi capturée, qui brillait intensément sur le crochet de sa chaîne, et la fit prisonnière à l'intérieur de la lanterne. Le corps vidé de sa victime s'effondra sur le sol et Thresh quitta les lieux.
Le spectre suivit les remous qui agitaient la Brume noire et s'éloigna de la maison en ruines, sa lanterne tenue bien haut devant lui. Ce n'est qu'après le départ de Thresh, lorsque le brouillard se fut dissipé, que les insectes reprirent leur chant nocturne et que les étoiles se remirent à briller dans la nuit noire.
Hecarim – Ombre de la guerre
« Brisez leurs rangs et renversez-les sans la moindre pitié. Écrasez les vivants et repaissez-vous de leur peur. »Rattaché aux Îles obscures, Hecarim est un colosse en armure qui pourchasse les vivants à la tête d'une horde de cavaliers spectraux. Monstrueuse fusion de l'homme et de la bête, condamné à chevaucher pour l'éternité, Hecarim se plaît à massacrer et écraser les âmes sous ses lourds sabots.
Originaire d'un empire depuis longtemps oublié, Hecarim était écuyer au sein d'une légendaire compagnie de chevaliers qui avait juré de défendre la terre de son roi : l'Ordre de fer. Il y endura la formation la plus dure qu'on puisse imaginer et devint un guerrier formidable.
En grandissant, Hecarim apprit à maîtriser toutes les formes du combat et tous les stratagèmes de la guerre. Il démontra rapidement sa supériorité au combat monté face aux autres écuyers et, bien vite, le Chevalier-commandant de l'Ordre de fer vit en ce talentueux jeune homme un possible successeur. Mais alors que les années passaient et qu'Hecarim remportait victoire sur victoire, perché sur son puissant destrier martial, le Chevalier-commandant perçut la noirceur qui envahissait petit à petit l'âme de son lieutenant. La soif irrépressible d'Hecarim pour le massacre et son obsession pour la gloire entachaient toujours plus son honneur, tant et si bien que le Chevalier-commandant comprit que le jeune chevalier ne devrait jamais devenir le maître de l'Ordre de fer. Dans ses quartiers, il expliqua à Hecarim qu'il ne serait pas son successeur ; bien que furieux à l'annonce de cette nouvelle, son lieutenant ravala sa colère et retourna à son service.
Lorsque l'Ordre partit à nouveau en guerre, le Chevalier-commandant se retrouva encerclé par les ennemis et isolé de ses compagnons. Seul Hecarim aurait pu venir à son secours mais, plein de rancœur, il détourna sa monture et laissa le Chevalier-commandant périr seul. Une fois la bataille terminée, les chevaliers survivants s'agenouillèrent devant Hecarim sur la terre ensanglantée et jurèrent de le suivre comme leur maître, sans jamais se douter de ce qu'il avait fait.
Hecarim regagna ensuite la capitale et y rencontra Kalista, le général du roi. Kalista reconnut sa nature exceptionnelle, et quand la reine fut blessée par la lame empoisonnée d'un assassin, elle donna pour mission à l'Ordre de fer de rester aux côtés du roi tandis qu'elle irait en quête d'un remède. Hecarim accepta, mais l'impression d'avoir à mener une mission subalterne fit germer en lui la graine du ressentiment.
Hecarim resta aux côtés du roi, que la tristesse plongeait peu à peu dans la folie. Paranoïaque, le roi s'en prit à ceux qui cherchaient à le séparer de sa femme mourante, et il envoya l'Ordre de fer débarrasser son royaume de ce qu'il considérait comme des dissidents. Hecarim et l'Ordre de fer firent un vrai bain de sang, ce qui lui valut la réputation d'être l'exécuteur impitoyable de la volonté du roi. Des villages entiers furent brûlés et les chevaliers de l'Ordre de fer massacrèrent des centaines de victimes. Le royaume était plongé dans les ténèbres. Quand la reine mourut, Hecarim fit croire au roi qu'il avait découvert les raisons de son empoisonnement, le seul but de ce mensonge étant d'obtenir le droit d'aller combattre en terre étrangère pour s'y couvrir une nouvelle fois de gloire.
Avant que l'Ordre de fer ne puisse partir, Kalista revint de sa quête. Elle avait découvert un remède dans les légendaires Îles bénies, mais il était trop tard pour sauver la reine. Horrifiée par ce qu'était devenu le royaume, Kalista refusa de partager ses découvertes et fut emprisonnée pour avoir défié le roi. Hecarim, cherchant à bénéficier de toujours plus de faveurs, rendit visite à Kalista dans sa cellule. Jurant d'empêcher le roi de prendre des mesures trop radicales, Hecarim persuada Kalista de tout lui révéler. Kalista accepta à contrecœur et guida la flotte du roi à travers les brumes magiques qui dissimulaient les Îles bénies.
Hecarim mena la morne coquille qu'était devenu le roi jusqu'au centre de l'île magique, où ils rencontrèrent ses gardiens et demandèrent leur aide. Les gardiens étaient pleins de compassion, mais ils expliquèrent au roi qu'il n'y avait malheureusement plus rien à faire pour sa femme. De rage, le roi ordonna à Kalista de tuer les gardiens un à un jusqu'à ce que l'un d'eux cède à ses désirs. Kalista refusa et se tint entre le roi et les habitants de l'île.
Hecarim y vit l'occasion d'un tournant dans sa vie, et il prit la décision qui allait le damner pour l'éternité. Au lieu de soutenir Kalista, il plongea une lance dans son dos et ordonna à l'Ordre de fer de massacrer les habitants des Îles bénies. Hecarim et ses guerriers égorgèrent les gardiens jusqu'à ce qu'un pauvre hère portant une lanterne finisse par offrir au roi ce qu'il cherchait : le secret permettant de ramener sa femme à la vie.
Mais la reine ressuscitée n'était qu'une masse de chair putréfiée et infestée de vers, qui suppliait qu'on la laisse mourir à nouveau. Accablé par ce qu'il avait fait à sa bien-aimée, le roi lança un sort pour mettre fin à leurs vies et les lier ensemble à jamais. Son incantation fut un succès, mais la présence de nombreuses reliques magiques sur l'île décupla malencontreusement la puissance du sort.
Un ouragan de brume noire s'éleva autour du roi, se répandant sur toute l'île et tuant chaque chose qu'elle touchait. Hecarim abandonna le roi à sa déchéance et ordonna à l'Ordre de fer de regagner en toute hâte ses navires, balayant sur son passage les spectres des victimes tuées puis changées par la brume noire. L'un après l'autre, les chevaliers furent aspirés dans le néant de la non-mort, jusqu'à ce que seul Hecarim subsiste. La magie devenue incontrôlable s'abattit alors sur lui et l'amalgama à sa monture, le changeant en une monstrueuse abomination qui reflétait toute la noirceur de son âme.
Le monstre titanesque que l'on appelle désormais l'Ombre de la guerre subit une douloureuse transformation. Comme pour compléter les péchés de sa vie passée, le maelström de magie noire donna naissance à un être de malveillance infinie et d'une puissance terrifiante.
Hecarim est désormais lié aux Îles obscures, patrouillant le long de ses côtes cauchemardesques et tuant tous ceux qu'il croise, piètre écho de sa gloire de jadis. Et quand la Brume noire s'aventure au-delà des Îles obscures, Hecarim et sa horde spectrale de chevaliers l'accompagnent, saisissant cette occasion de massacrer des vivants, en souvenir de leur passé si lointain.
Personne ne survivra
Des vagues glacées s'écrasaient sur la plage sombre, rouge du sang des hommes qu'Hecarim avait déjà massacrés. Les mortels qu'il n'avait pas encore tués battaient en retraite, pris de terreur. Une pluie noire les arrosait tandis que des nuages sombres émanaient du cœur de l'île. Il les entendit hurler. On aurait dit des ordres dans une langue gutturale qu'il ne connaissait pas, mais leur sens était clair : ils pensaient encore avoir une chance de rejoindre leur navire en vie. C'est vrai, ils ne manquaient pas de talent. Ils avançaient comme un seul homme, leurs boucliers de bois serrés les uns contre les autres. Mais ce n'étaient que des mortels et Hecarim savourait la puanteur de leur peur.
Il les contourna en traversant des ruines, invisible dans la brume sombre que dégageait le sable cendré. Ses sabots tonnants crachaient des étincelles sur les roches noires. Le courage des fuyards s'effritait. Il regarda les mortels à travers la visière de son heaume et vit la faible lumière de leurs esprits vaciller dans leur chair. Il en était dégoûté tout autant qu'il la désirait.
« Personne ne survivra », dit-il.
Sa voix était étouffée par le fer de son heaume, à la façon du râle d'un pendu. Ce son écorcha leurs nerfs comme des lames rouillées. Enivré par leur terreur, il sourit quand l'un des hommes, désespéré, jeta à terre son bouclier pour courir vers le navire.
Hecarim se pencha tandis qu'il galopait hors des ruines ensevelies sous la mauvaise herbe, abaissant son glaive courbé et sentant l'exaltation de la charge monter en lui. Un souvenir fugace, la charge à la tête d'une horde argentée. La gloire et l'honneur de la victoire. Le souvenir s'effaça quand l'homme atteignit la ligne sombre des vagues en regardant par-dessus son épaule.
« Pitié ! Non ! », implora-t-il.
Hecarim l'ouvrit de haut en bas d'un seul coup.
Dégoulinant de sang, son glaive noir vibrait. Le fragile éclat de l'âme commença à s'envoler, mais nul n'échappe à la faim de la brume. Hecarim regarda l'âme de sa victime se tordre et prendre la forme d'une noire réplique de son corps.
Il fit appel à la puissance de l'île et les vagues sanglantes s'agitèrent ; une horde de chevaliers noirs sortit de l'eau dans un halo de lumière. Scellés dans d'archaïques plaques d'un acier fantomatique, les chevaliers tirèrent leurs sombres épées de leurs fourreaux. Il aurait dû connaître ces hommes. Ils avaient servi sous ses ordres et continuaient à le servir, mais il n'avait aucun souvenir d'eux. Il se tourna de nouveau vers les mortels alignés sur la plage. Il balaya la brume autour de lui, se délectant de leur peur grandissante ; c'était la première fois qu'ils le voyaient clairement.
Son corps imposant était un croisement cauchemardesque d'homme et de cheval, un colosse chimérique d'acier. Les plaques qui le couvraient étaient sombres, marquées de runes dont la signification lui échappait désormais. Des flammes sinistres brûlaient derrière sa visière ; son esprit était froid et mort, mais débordant d'une énergie haineuse.
Sous le ciel zébré d'éclairs, Hecarim se cabra. Il abaissa son glaive et mena la charge de ses chevaliers, projetant d'énormes gerbes de sable et d'os brisés. Les mortels hurlèrent, ils levèrent leurs boucliers, mais rien ne pouvait arrêter les cavaliers fantômes. Comme son statut de maître l'exigeait, Hecarim fut le premier à frapper, et l'impact fut tel qu'il brisa le mur de boucliers comme un fétu de paille. Sous ses sabots d'acier, les hommes étaient écrasés, piétinés et réduits en bouillie sanglante. Son glaive frappait à droite et à gauche, ôtant une vie à chaque coup. Les chevaliers spectraux massacrèrent les vivants dans une furie de sabots, de lances et d'épées. Les os craquèrent, le sang gicla et les esprits des mortels fuirent leurs corps meurtris, déjà pris au piège entre la vie et la mort par le sortilège du Roi déchu.
Les esprits des victimes tournaient autour d'Hecarim, offrant leur non-mort à leur meurtrier tandis que celui-ci savourait la joie du combat. Il ignora totalement les esprits geignards. Les réduire en esclavage ne l'intéressait pas. Il laissait ce genre de cruauté au Garde aux chaînes.
La seule chose qui intéressait Hecarim, c'était tuer.
Mordekaiser, Revenant de fer
« Toutes les choses doivent périr... mais je suis éternel. »Mordekaiser, le spectre maléfique, est l'un des esprits les plus terrifiants et les plus haineux des Îles obscures. Il existe depuis des siècles, protégé de la mort véritable par une sorcellerie mortifère et par la sombre force de sa volonté. Ceux qui osent le braver au combat s'exposent à une terrible malédiction, car il est capable d'asservir l'âme de ses victimes pour en faire ses instruments de destruction.
Mordekaiser était jadis un mortel, un roi-guerrier cruel qui régnait sur les terres de l'est de Valoran, bien avant l'avènement de Noxus et Demacia. Vêtu d'une lourde armure de fer, il se taillait un chemin sanglant sur les champs de bataille en massacrant tous ceux qui s'opposaient à lui avec sa puissante massue ensorcelée, Vesper.
Haï et craint de tous, ce tyran allait connaître un terrible sort aux mains de ses ennemis, qui finirent par se rassembler pour mettre un terme à son règne de ténèbres. Après une longue journée de bataille et de tuerie, Mordekaiser se retrouva au sommet d'une gigantesque pile de cadavres, encerclé par ses adversaires. Alors que les flèches, les épées et les lances perçaient son armure et mordaient sa chair, il se mit à rire et promit à ses assassins qu'il reviendrait pour se venger.
Son corps fut jeté dans un immense brasier tandis que ses ennemis célébraient bruyamment leur victoire. Les flammes du bûcher ne firent que noircir son armure, mais du corps de Mordekaiser, il ne resta qu'un squelette carbonisé.
Le brasier continua de brûler pendant des jours et des jours, mais lorsque les dernières braises moururent et que les vainqueurs eurent quitté les lieux, un cercle de sorciers s'approcha furtivement des vestiges et se mit à fouiller dans les cendres pour récupérer l'armure et les os de Mordekaiser. Emportant leur butin en secret, par une nuit sans lune, ils disposèrent le squelette sur une dalle de pierre gravée de runes et entamèrent un effroyable rituel de nécromancie. Alors que leur vile incantation atteignait son paroxysme, une forme sombre apparut sur la dalle de pierre. L'ombre funeste se tint debout, abandonnant son squelette derrière elle.
C'était un spectre de pures ténèbres, dont les yeux brûlaient d'une lueur maléfique. Attirées comme par un aimant, les pièces d'armure noircies par le feu vinrent se placer autour de cet esprit sombre et les nécromanciens s'agenouillèrent devant leur nouveau maître. Pour leur service, le revenant avait promis de leur octroyer un grand pouvoir, mais aucun d'eux n'avait prévu la forme qu'allait prendre leur récompense.
Désormais maître des arcanes de la nécromancie, Mordekaiser fit d'eux des morts-vivants, piégés à jamais entre la vie et la mort. Ils devinrent des créatures abjectes, des liches condamnées à le servir jusqu'à la fin des temps.
Pendant les dix années suivantes, Mordekaiser s'affaira à respecter ses propres dernières volontés : il traqua tous ceux qui l'avaient défié et les tua les uns après les autres. Extirpant leur âme de leur corps pour les forcer à lui obéir, il les maudit à leur tour et les condamna à être ses esclaves éternels.
Grâce à ses nouveaux pouvoirs, le Revenant de fer exerça son règne de terreur pendant des siècles. Durant cette période, il fut vraisemblablement tué de nombreuses fois, mais il parvint toujours à revenir dans ce monde, rappelé par le pouvoir des liches qu'il avait asservies.
Les os de Mordekaiser étaient la clé de sa réincarnation impie. Au fil des siècles, il devint de plus en plus paranoïaque à leur sujet, cherchant toujours le meilleur moyen de les garder en sûreté. Au centre de son empire, il fit construire une forteresse monolithique qui devint connue sous le nom de Bastion Immortel. Là, au cœur de cette place forte imprenable, il dissimula les restes de son ancien corps.
Mais le Bastion Immortel fut finalement assiégé par des tribus guerrières et des troupes de combattants qui avaient formé une alliance. Pendant le siège, un voleur inconnu s'infiltra dans la forteresse, déjouant tous ses pièges démoniaques pour dérober le crâne de Mordekaiser. Son squelette devait être complet pour que le rituel de résurrection puisse fonctionner. Toutefois, craignant la colère de leur maître, ses esclaves liches lui dissimulèrent l'incident.
Devant les murs du Bastion Immortel, d'innombrables ennemis furent massacrés par le Revenant de fer, mais il lui fut impossible de tous les repousser. Mordekaiser et sa forteresse finirent par crouler sous le poids du nombre. Sa massue funeste lui fut arrachée des mains et de lourdes chaînes furent attachées autour de ses membres. Son rire dément résonna alors dans les ténèbres. Après tout, il n'avait aucune raison de penser qu'il ne pourrait pas renaître, comme il l'avait toujours fait. Les chaînes qui l'entravaient furent attachées aux harnais de plusieurs Basilics. Sur un mot de ses ennemis, les immenses créatures à écailles écartelèrent Mordekaiser.
Son crâne fut emmené par-delà les mers jusqu'aux Îles saintes, un archipel de légende recouvert d'un voile de brume. Les sages de cette contrée lointaine connaissaient l'existence de Mordekaiser, ainsi que sa faiblesse. Ils avaient orchestré le vol de son crâne afin de débarrasser le monde de sa présence impie. Ils le placèrent dans une chambre forte sous terre, protégée par des verrous et de puissants enchantements. Les serviteurs de Mordekaiser se dispersèrent aux quatre coins du monde pour récupérer son crâne volé, mais ils ne parvinrent jamais à le retrouver. Il semblait que le règne du spectre maléfique avait bel et bien pris fin.
Les années passèrent et devinrent des décennies... Les décennies devinrent des siècles... Jusqu'au jour où un terrible cataclysme s'abattit sur les Îles saintes. Un roi dont l'esprit était accablé par le chagrin et rongé par la folie déchaîna un effroyable sortilège sur l'archipel, qui se transforma alors en un royaume de ténèbres maudit et peuplé de morts-vivants : les Îles obscures. Dans cette terrifiante explosion d'énergie magique, la chambre forte renfermant le crâne de Mordekaiser fut détruite.
Comme des papillons attirés par une flamme, les liches de Mordekaiser convergèrent vers les Îles obscures. Elles apportèrent les os de leur maître, déterrèrent son crâne au milieu des ruines et entamèrent de nouveau leur rituel pour le rappeler dans ce monde.
Depuis, Mordekaiser s'est bâti un empire dans les Îles obscures et a levé une véritable armée en asservissant les morts qui hantent son nouveau territoire. Pour lui, ces esprits morts-vivants récemment créés sont d'une espèce inférieure ; lui seul a choisi son destin, tandis que ces fantômes ne sont que des âmes perdues. Néanmoins, il est conscient de leur utilité : dans les batailles à venir, ces ombres maudites seront ses fantassins.
À la différence des esprits inférieurs, la puissance de Mordekaiser est trop grande pour qu'il soit prisonnier de la Brume noire. Au contraire, son énergie néfaste lui confère un immense pouvoir. Pour le moment, les Îles obscures constituent l'endroit idéal pour qu'il regagne son ancienne force.
Tandis qu'il consolide son pouvoir et qu'il est obsédé par l'idée de protéger ses ossements à tout prix, le regard de Mordekaiser se tourne de nouveau vers les terres de Valoran, au-delà des mers. Il a jeté son dévolu sur les royaumes et les civilisations qui ont vu le jour en son absence. Son attention est plus particulièrement fixée sur le Bastion Immortel, la forteresse imprenable qui sert désormais de capitale à cet empire de parvenus appelé Noxus.
Bientôt, une nouvelle ère de ténèbres s'abattra sur le monde...
Les ombres de la damnationLa Brume noire se tordait et s'enroulait comme une créature vivante en s'approchant du château de granit isolé pour tenter de l'encercler.
Une silhouette massive en armure s'avançait dans les ténèbres de la Brume noire. Sa lourde armure de plates luisait comme un miroir et dans la fente de son heaume à pointes, ses yeux cruels brûlaient d'un feu ensorcelé.
L'herbe se desséchait sous les pas du revenant tandis qu'il progressait vers l'entrée du château. Il perçut du mouvement sur les remparts. Ils savaient que la mort était venue pour eux. Porté par le vent, son propre nom lui parvint dans un murmure effrayé :
Mordekaiser.
Les flèches se mirent à siffler dans la nuit. Plusieurs atteignirent Mordekaiser mais rebondirent sur son armure. L'une d'entre elles vint se ficher au niveau de sa gorge, entre son heaume et son plastron, mais rien ne put ralentir son inexorable approche.
Une lourde herse de fer lui barrait la route. Mordekaiser tendit son bras et sa main gantelée de métal exécuta un mouvement vif dans les airs. La herse en fer forgé se mit à gémir et se tordit violemment avant d'être projetée sur le côté avec mépris, révélant la lourde porte en chêne de l'édifice.
Des runes de protection s'activèrent alors sur celle-ci et l'intense chaleur de cet enchantement fit reculer Mordekaiser d'un demi-pas. La Brume noire s'enroula autour de lui, et les assiégés purent voir de nouvelles créatures prendre forme au cœur des ténèbres : des ombres spectrales odieuses, affamées, désireuses de se repaître de l'âme des vivants.
Mordekaiser s'avança et brandit Vesper, son immense massue à pointes. Des milliers de victimes étaient tombées sous les coups de cette arme tristement célèbre. Dans un fracas assourdissant, il abattit la masse sur la porte en chêne.
Les pathétiques sortilèges de protection de ses ennemis furent instantanément détruits par la puissante sorcellerie de Mordekaiser et les runes explosèrent devant lui. La porte s'effondra, arrachée de ses gonds sous la force de l'impact.
La Brume noire s'infiltra dans la brèche ainsi créée, portant le spectre maléfique avec elle.
Une garnison de soldats ainsi qu'un groupe d'hommes en armes l'attendaient dans la cour intérieure du château. De misérables avortons, rien de plus. Ses yeux balayèrent la troupe en espérant trouver un adversaire qui soit digne de lui et son regard funeste s'arrêta soudain sur un chevalier portant une armure argentée qui s'avança pour lui faire face, l'épée brandie.
« Disparais, maudit revenant, ou je te bannirai moi-même de ces lieux, dit-il. Ce hameau et ses habitants sont sous ma protection. »
En réponse à ce défi, une horde de spectres et de guerriers fantômes se manifestèrent dans la Brume noire derrière leur maître.
« Reculez. L'âme de cet homme est à moi », dit Mordekaiser en tenant les esprits affamés en respect. Le timbre de sa voix caverneuse et sépulcrale était celui de la mort elle-même.
Mordekaiser pointa son doigt sur le chevalier. Un cône d'énergie spectrale maléfique s'abattit sur lui.
L'espace d'un instant, son armure se mit à briller intensément, puis elle redevint tout à fait normale. La sorcellerie macabre de Mordekaiser n'avait eu aucun effet sur le chevalier.
« De l'acier de Demacia, railla le spectre. Cela ne te sauvera pas. »
Il s'avança et abattit sa massue à pointes sur le chevalier en visant son crâne. Celui-ci réussit à parer l'attaque de ses deux mains, mais la force du coup le fit tomber à genoux. Mordekaiser le dominait de toute sa hauteur.
Avec une roulade rapide, le chevalier se dégagea à temps pour éviter Vesper qui décrivait un nouvel arc létal dans les airs. Effectuant un pas de côté, il enfonça profondément sa lame dans le flanc du spectre, transperçant les mailles de son jaseran. Pour un mortel, un tel coup d'estoc eût été fatal, mais pour ce colosse en armure, ce n'était guère plus que la piqûre d'un insecte. Mordekaiser repoussa le chevalier d'un violent revers de la main en pleine tête et le projeta au loin.
Le Revenant de fer s'approcha pour mettre un terme au combat, mais le chevalier réussit de nouveau à parer son coup avec maestria avant de se jeter sur lui de tout son poids pour lui planter son épée dans le torse.
Dans un crissement métallique, la lame transperça le plastron de Mordekaiser juste au-dessus du cœur. Le chevalier ne perçut aucune résistance, comme si l'armure était entièrement vide.
Mordekaiser saisit alors la gorge de son adversaire de sa main géante et le souleva au-dessus du sol.
« Tu pensais pouvoir protéger ces pauvres mortels, dit-il. Mais sache que c'est toi qui vas devenir leur assassin. »
Resserrant sa prise, il broya la gorge du chevalier. Les jambes du malheureux s'agitèrent dans le vide.
Mordekaiser fixa ce terrible spectacle de son regard meurtrier et ses yeux s'embrasèrent tandis que la vie du chevalier s'échappait de son corps. Enfin, il laissa tomber le cadavre à ses pieds.
S'agenouillant, Mordekaiser plaça une main sur le torse du chevalier défunt. Lorsqu'il se releva, il avait invoqué l'ombre du guerrier mort.
L'esprit du chevalier observa la scène tout autour de lui, son regard spectral hanté par l'horreur.
Sachant que l'ombre qu'il avait conjurée serait incapable de lui résister, Mordekaiser se tourna alors vers elle pour lui donner cet ordre terrible : « Et maintenant, tue-les tous. »