D'un dragon céleste qui forgea les étoiles elles-mêmes à carrément un arbre (d'accord, deux arbres), League of Legends propose un large choix de champions. Quand il a fallu les intégrer à Legends of Runeterra, nous avions beaucoup de matière pour travailler : quatre compétences (voire plus), une biographie, des dialogues en jeu, des illustrations, les avis des joueurs... Vous voyez le tableau. Parfois, nous avions même un peu trop de matière.
C'est un défi (parmi d'autres) que nous avons relevé pendant le développement et nous voulons vous en parler. Voici donc comment nous avons adapté certains des champions de la collection d'origine de LoR à partir de LoL.
« Les champions de LoL ont souvent des ''propriétés connues'', disons un thème et une façon de jouer », raconte notre game designer en chef, Shaun « UNCONKABLE » Rivera. « Nous avons aussi des données (merci à l'équipe Insights) sur ce que pensent les joueurs et les joueuses. Un des moyens que nous avons de traiter ces données est de les extraire sous forme de nuages de mots pour voir si nous allons dans la bonne direction. »
Mais parfois, ce qui fait la particularité d'un champion selon ses fans ne coïncide pas avec la direction qu'a prise l'équipe.
Au début, l'équipe voulait s'appuyer sur le thème de « Reine araignée » d'Elise et lui donner des attaques arachnéennes, une armée de jeunes araignées et une forme de Reine araignée au niveau supérieur. Vous voyez quoi, histoire de vous donner envie d'acheter un lance-flammes. Les tests en interne étaient positifs et l'équipe avait l'impression de dessiner une jolie toile. C'est pourquoi, quand les résultats des enquêtes auprès de joueurs sont arrivés, l'équipe était un peu surprise.
« Les junglers se faisaient une idée complètement différente d'Elise et de son impact, se souvient Travis « Riot Dovagedys » Boese, le chef de produit (puis analyste pour l'équipe Insights). En fait, leur avis était unanime : ''quand je joue Elise, je t'envoie mon cocon, je me transforme, je me suspends et là je te lâche plus, je t'achève à coup de morsures''. »
Ses fans n'avaient pas l'air d'attribuer autant d'importance que l'équipe aux horribles araignées grouillantes d'Elise pour cerner ce qui fait son charme. Alors... comment répondre à ça ? L'équipe pouvait-elle retranscrire dans LoR le style jungler assassin AP de l'Elise de LoL ?
« Tout en réfléchissant à un moyen de rendre le gameplay d'Elise agréable, nous cherchions aussi à déterminer quelle région de Runeterra lui attribuer », ajoute UNCONKABLE.
Petit résumé de son histoire : Elise est une ancienne aristocrate noxienne transformée en femme araignée par la morsure d'un demi-dieu, qui conduit désormais de nobles hommes noxiens au trépas dans les Îles obscures pour les y dévorer afin de conserver sa jeunesse et sa beauté (retenez bien l'astuce, si vous avez des problèmes de peau). Si on pourrait croire que faire de Noxus ou des Îles obscures la région natale d'Elise ne changerait pas grand-chose, cela impliquait pour l'équipe une direction à prendre pour son game design.
« Nous avions placé Elise dans les Îles obscures, c'est pourquoi nous sommes restés sur notre idée de reine araignée entourée de dizaines de ses petits parce que ça collait bien à la région, explique UNCONKABLE. Cela dit, nous voulions quand même faire honneur à ceux et celles qui l'aimaient pour son combo cocon-suspension. C'est là que l'équipe réalisation est entrée en jeu. »
LoR a une équipe entièrement dédiée à la « réalisation des champions ». Pour faire court, ce sont les développeurs en charge des illustrations, du son et des effets qui donnent vie au champion : toutes ces jolies choses qui vous font pousser des « ooh » et des « aah » et de temps en temps des « hein, quoi ? ». C'est donc eux qui ont insufflé à l'Elise de LoR l'essence idéale que ses fans attendaient.
Mais parfois, se pencher trop longtemps sur le thème d'un champion peut... jouer des tours.
L'équipe a beaucoup exploré le thème d'Ezreal. Si son style dans LoL est inimitable, avec sa tonne de sorts et sa grande mobilité, pourquoi ne pas (tenez-vous bien) exploiter sa thématique d'explorateur super classe ?
Dans sa première version, cinq artéfacts étaient mélangés à votre deck au début de la partie. Si vous en tiriez trois sur cinq, le gantelet évoluait pour devenir surpuissant. Ça ressemble bien à Ezreal, non ? Eh ben...
« Beaucoup de fans d'Ezreal chez Riot ne comprenaient pas ce qu'il se passait, raconte UNCONKABLE. On devait tout recommencer depuis le début. »
« Je me rappelle que pendant l'une de ces séances de tests, un Rioter dont je tairai le nom a dit qu'il ne comprenait rien à Ezreal, évoque Riot Dovagedys en riant. Je me souviens très clairement de sa question : ''Il est censé être quoi... un cowboy de l'espace ?'' J'étais là, dehors, à me demander : ''Mais t'es sérieux, là ?'' Donc oui, il a fallut revoir notre copie. »
Vous avez déjà remarqué le questionnaire qui apparaît au coin de la fenêtre de LoL à la fin d'une partie pour vous demander votre avis ? C'est ça qu'a utilisé l'équipe Insights pour générer des nuages de mots pour chaque champion.
« Notre méthode à l'époque consistait à demander aux joueurs et joueuses d'Ezreal quel était sa caractéristique la plus évidente, explique Riot Dovagedys. Les réponses les plus fréquentes étaient « beaucoup de talent », « Tir mystique », « spam du A » et ce genre de choses. Nous avons ensuite transmis ces résultats aux concepteurs. »
L'équipe de développeurs à donc décidé de reprendre toute la thématique et d'écouter les fans : on part sur du spam de Tir mystique !
Mais parfois, l'idéal des joueurs de LoL est un peu plus difficile à intégrer dans un jeu de cartes.
« Ça n'a pas été facile d'intégrer Hecarim à LoR, révèle Riot Dovagedys. La vision prédominante côté joueurs c'était : ''un cheval qui court très vite''. Alors... c'est super, mais comment on est censés faire courir quelqu'un très vite dans un jeu de cartes ? »
Heureusement, l'équipe réalisation a été à la hauteur.
Parfois, avec beaucoup de chance, il est possible de tomber juste du premier coup. La conception d'Hecarim a eu cette chance. Quand l'équipe a fait tester aux fans du champion l'invocation des Cavaliers spectraux, le mot-clé Surpuissance et qu'ils ont vu comment, en lançant son ultime, tout se mettait à aller très vite, ils ont su que c'était bon. C'était gagné. Une affaire rondement menée.
Vraiment ?
« Explorer Runeterra nous intéressait vraiment et ajouter des adeptes nous permettait d'étoffer l'univers des champions qu'on connaît dans LoL, raconte la responsable de la narration, Mel « Melell » Li. LoL braque le projecteur sur les champions mais LoR leur demande plutôt : ''avec qui tu traînes ?'' Dans un bar, avec qui discuterait ce champion ? »
Alors, qui donc traîne au comptoir à côté d'Hecarim ?
« La majorité des illustrations de nos cartes a été faire par l'équipe incroyable de SIXMOREVODKA, à Berlin, confie Greg « GiantArtist » Faillace, le directeur artistique. Nous les avons encouragés à beaucoup explorer et à laisser libre cours à leur imagination. »
« Je suis arrivé au bureau un jour et j'ai trouvé un mur couvert d'idées. Il y avait ce type sur un char avec trois requins fantômes. C'était tellement aberrant que j'ai tout de suite adoré, en rit encore UNCONKABLE. Un autre membre de l'équipe trouvait ça absolument horrible. C'était la chose la plus ridicule qu'il ait jamais vue. Moi, je ne renonçais pas à le convaincre qu'il fallait le faire. Et on l'a fait ! C'est n'importe quoi. J'adore. »
Certaines des mécaniques centrales de LoR n'existaient pas au début du développement, notamment le gain de niveau des champions. À la place, pour que les champions fassent le même effet que leur version dans LoL, ils apportaient divers sorts quand vous les ajoutiez à votre deck.
« À un moment, la carte de Darius avait des stats de 5|5 pour un coût en mana de 5. Quand il attaquait, il infligeait 1 point de dégâts à tous les ennemis hors combat, raconte UNCONKABLE. Nous voulions qu'il soit vraiment ce « bourreau des faibles » à la hauteur de son aura de destruction oppressante. Sa Guillotine noxienne était un sort qui éliminait une unité blessée en vous faisant continuer de tuer. Ils allaient vraiment bien ensemble. »
Mais quand les Rioters fans de Darius ont testé leur grosse brute préférée, leurs retours étaient massacrants.
« Tout le monde trouvait que les dégâts légers sur plusieurs cibles ressemblaient plus à Katarina qu'à Darius, explique UNCONKABLE. J'avais beau leur rappeler qu'on ajouterait un effet de saignement par-dessus, ça ne changeait rien. Je me souviens que quelqu'un m'a dit : ''Non ! Moi je joue Darius parce que j'aime être l'homme à la grosse hache !'' »
Il était temps de livrer ce premier jet du bourreau à l'échafaud
La version suivante de Darius reposait bien plus sur la réinitialisation de son ultime comme dans LoL. Quand le Nexus descendait à 10 PV ou moins, la carte obtenait 10|5 et Surpuissance, un peu comme maintenant.
« C'était vers cette époque que nous avons commencé à nous intéresser à une mécanique de gain de niveau pour les champions, confie Riot Dovagedys. Shawn « smnoshoes » Main et James « Bokurp » Hata avaient lancé l'idée et Darius était le premier exemple qu'il ont donné. C'était un design très élégant. Il gagnait un niveau et BOUM, vous aviez réveillé cet énorme monstre sanguinaire. On avait vraiment l'impression d'avoir un Darius de LoL qui passait niveau 6. »
« L'animation de gain de niveau de Darius est la première que nous avons terminée, renchérit Patrick « Riot Crowtaro » Conaboy, ingénieur informatique senior. J'étais assez dubitatif concernant les cinématiques qui interrompaient le jeu, et puis j'ai vu Darius choper la caméra avec son E et j'ai changé d'avis. C'était vraiment cool et ça rendait le jeu plus dynamique. »
Cette nouvelle dynamique a aussi donné aux équipes artistiques et narratives l'occasion de raconter des histoires plus riches.
« Les rédacteurs de LoR travaillent beaucoup la description des scènes : quel est le moment qui illustre le mieux son style ? Qu'est-ce qui passe par la tête du champion à ce moment précis ? Ensuite, on donne ces directives aux artistes », explique Melell.
Le gain de niveau des champions rendait les histoires plus faciles à raconter.
« Nous avons essayé de donner à chacun un moment de pause avant le déchaînement de l'action, ajoute Melell. Nous voulons que les cartes racontent une histoire pour que les joueurs et les joueuses aient l'impression de vivre un vrai moment dans la vie des personnages. »
Cela étant, les directives artistiques ne sont pas le seul moyen pour l'équipe de rendre les cartes plus vivantes.
La conception de la Force de Demacia a été relativement simple. Il protec, il attac, mais... comment il interac ? À part beugler « DEMACIAAAA », qu'est-ce qui fait le sel de Garen Crownguard ?
« Cela faisait longtemps qu'on voulait étoffer les dialogues audio. On l'avait vu dans d'autres jeux de cartes, c'était déjà dans LoL, mais on voulait se pencher plus en détails sur les personnages et surtout sur les champions, confie Melell. LoL regorge d'interactions trop géniales, mais il se passe trop de choses en jeu. Il faut se tenir à deux pas de l'autre champion pour interagir et c'est souvent dur à entendre au milieu des autres sons du jeu. »
Alors, que fait Garen en soirée ? Qu'est-ce qui change quand il s'adresse à sa tante et quand il flirte avec Katarina ? Jouez-les ensemble, et vous verrez.
À l'instar de Hecarim, Katarina devait concilier la super vitesse et le genre du jeu de cartes. Mais contrairement à Hecarim, il a fallu beaucoup d'essais pour obtenir un résultat satisfaisant pour Kata. Transposer son style d'assassin ultra-mobile dont l'essence est de sauter partout dans LoR n'a pas exactement été facile.
« Quand on commence à explorer un concept de carte, on joue sur papier pour pouvoir apporter des modifications plus vite, explique UNCONKABLE. Nous devons consulter les testeurs du jeu pour imaginer tout le reste comme les animations, les effets sonores, visuels, etc. C'est assez difficile d'obtenir des retours sur les cartes à ce stade parce que la réalisation ajoutée plus tard est une grosse partie du jeu. »
Avant de trouver son approche de « frappe rapide et retour dans la main » finale, Katarina est passée par une version clairement maladroite : le hachoir à viande.
Chaque vois que vous activiez un sort, Katarina infligeait 1 point de dégâts à toutes les unités au combat. Le deck se résumait à Katarina, une poignée de Challengers et autant de sorts que possible. Mais l'équipe s'est vite rendu compte que Katarina le hachoir à viande ne correspondait plus aux standards actuels. Il fallait trouver autre chose : se concentrer sur son Lotus mortel.
« Nous avons donné à Katarina sa dague mortelle, et chaque fois que vous arriviez à en lancer une, vous ajoutiez deux autres copies à votre deck. En théorie, ça devait juste annoncer une tempête de dagues sur l'adversaire, mais concrètement personne ne jouait toutes les dagues en même temps », se souvient UNCONKABLE.
Cela voulait dire que vous auriez dû appuyer manuellement sur « OK » chaque fois que quelqu'un jouait une de ces cartes. Alors si votre adversaire en jouait 10, vous n'aviez plus qu'à attendre, impuissant, votre inévitable défaite.
Cette histoire fait encore rire UNCONKABLE : « Ce concept a duré un jour, et puis Alexz « Careless Whisper » Lee, un des autres concepteurs, est venu à mon bureau et m'a lâché : ''Je ne me suis jamais aussi peu amusé de ma vie. Si tu laisses ça comme ça, je vais faire de ta vie un enfer.'' Ce que ça veut dire, c'est qu'il faut toujours expérimenter, et les gens vous diront tout de suite s'ils se sont amusés ou non. »
Mais par où commencer quand un champion a six (sept ?) compétences disponibles ?
Karma a une place toute particulière dans LoL. C'est un support qui protège ses alliés avec de puissants boucliers... et qui fonce sur ses ennemis à une vitesse terrifiante, les immobilise et les finit avec une impressionnante explosion de dégâts. Comment transposer tout cela dans une seule carte ?
« Nous avons profité de la création de Karma pour explorer Ionia plus en profondeur et établir son identité, raconte Melell. Puisque Karma elle-même est l'incarnation de Ionia, nous voulions exprimer ce monde naturel à travers ses adeptes. »
Avant de plonger en détails dans le tumultueux processus de création de Karma, il est important de rappeler certaines des différences clés entre LoL et LoR. Dans LoL, beaucoup des atouts (souvent les ultimes) des champions sont des sorts de zone ou de contrôle (étourdissements, projections en l'air, etc.) qui sont difficiles à transposer dans un jeu de cartes. Malheureusement, c'est une grosse partie de l'arsenal de Karma.
Ensuite, il y a la question de son A renforcé par Mantra, Flamme intérieure. Si vous avez joué contre elle sur les voies, vous savez qu'il inflige une quantité scandaleuse de dégâts. Mais pour LoR, l'équipe préférait en général garder les gros dégâts pour les champions dont c'était le thème principal, c'est pourquoi ils ont choisi de les réserver à quelqu'un comme Jinx et sa Super roquette de la mort, par exemple.
Il nous reste donc les boucliers. Génial. C'est super. Ionia est une région qui adore les boucliers. Mais il y avait un problème : Shen.
« Nous savions déjà en travaillant sur Karma que nous voulions mettre Shen dans le jeu. Or son sort le plus emblématique est son ultime, Soutien indéfectible, précise UNCONKABLE. À ce moment-là, Shen se résumait entièrement à son ultime. C'était une carte de sort, en fait. Nous ne pouvions donc pas donner à Karma de puissants boucliers semblables sans réduire l'impact de Shen. »
« Nous avons décidé de fouiller sa biographie, et il y a une histoire qui raconte comment elle a repoussé l'invasion noxienne en invoquant l'esprit de deux dragons, et que c'est eux le Mantra, développe UNCONKABLE. On a trouvé ça super classe, c'est pourquoi nous avons créé une version d'elle qui invoque deux dragons. Mais personne n'a compris ce qu'on essayait de faire. Tout le monde trouvait qu'on aurait dit Annie avec deux Tibbers. »
C'est à ce moment-là que le game designer Noah « Riot Defaultchar » Selzer a conseillé d'explorer le thème de l'Illumination. L'équipe a adoré l'idée et, au contraire d'une Karma aux dragons jumeaux, les fans aussi.
Parfois, les concepteurs savent quel genre de carte ils veulent, mais pas par quel champion la représenter.
« Je suis un grand fan de Yu-Gi-Oh, avoue UNCONKABLE. En tant que responsable du design de la première collection de cartes de LoR, je savais que je voulais introduire une carte comme Exodia dans le jeu. Au début, je voulais que Heimerdinger soit notre condition de victoire alternative, mais Andrew « Riot Umbrage » Yop, le directeur du game design, avait une super idée de concept où Fiora gagnerait la partie à la sueur de son front. C'était juste parfait. »
En hommage aux « quintuplés sans effort » de Fiora dans LoL, sa première version dans LoR lui donnait les moyens de remporter la partie à condition qu'elle tue quatre unités. Mais il y avait un problème : parfois, ça ne suffisait pas à faire gagner la partie.
« La carte d'origine infligeait 99 points de dégâts au Nexus ennemi, retrace Riot Dovagedys. Notre technologie ne nous permettait pas encore de simplement terminer la partie, donc il fallait faire des dégâts. Mais à cause de ça, il y avait un moyen de ne pas mourir. »
À l'époque, vous pouviez lancer Barrière sur le Nexus et c'est exactement ce qui arriva pendant un match de test avec Fiora. Les ingénieurs ont appuyé sur F pour présenter leurs hommages et se sont surtout assurés de mettre la technologie à niveau pour que plus personne, plus jamais, n'ait à vivre la douleur de perdre en jouant Fiora, la condition de la victoire.
Puisqu'on parle de défis technologiques, il y a quelqu'un qui surpasse Fiora, et de loin.
Teemo est un champion qui... divise. Soit vous le détestez parce que c'est un sale petit sadique. Soit vous l'adorez parce que c'est un sale petit sadique. Que ce soit grâce à l'amour ou à la haine, Teemo a rendu le jeu meilleur.
« À l'origine, Teemo plaçait un ou deux champignons dans votre deck dès qu'il attaquait. Mais à la différence de maintenant, ils infligeaient chacun 2 ou 3 points de dégâts. Quand vous tombiez sur un champignon, ça faisait TELLEMENT MAL, reconnaît UNCONKABLE. Une bonne partie de l'équipe trouvait que ce n'était pas réglo. »
C'est là que Riot DefaultChar a suggéré qu'on fasse de Teemo une carte insaisissable 1|1 qui ne se contenterait pas de placer des champignons dans le deck de l'adversaire mais qui les multiplierait en plus. En réduisant drastiquement son coût, il était jouable tôt dans la partie et pouvait entretenir son petit jardin, en plus de doubler le nombre de champignons à chaque fois. Rien n'égale la sensation de punir votre adversaire en lui jetant des champignons à la figure tout en spammant l'emote Braum.
Il y avait juste un tout petit problème : Teemo faisait planter le jeu.
« Côté technologie, vous construisez généralement les outils dont vous aurez besoin plus tard au fur et à mesure du processus de développement, détaille Riot Crowtaro. Or, comme nous n'en étions qu'au début, notre boîte à outils était assez vide. C'est pourquoi, pour résoudre un problème en particulier (comme empêcher les champignons de Teemo de faire crasher les serveurs), vous avez parfois besoin de transformer les outils que vous possédez en ceux dont vous avez besoin. Imaginons qu'il vous manque un marteau pour enfoncer un clou mais que vous avez une scie. Vous avez juste à prendre la scie, à la tourner sur le côté et à taper comme un malade sur le clou. »
Teemo plaçait à l'origine de vraies cartes champignon dans le deck pour chaque champignon généré. Dans le premier système qui n'en générait qu'un ou deux, ça allait à peu près. Mais avec la nouvelle mécanique de multiplication introduite par Riot DefaultChar, vous n'aviez plus 40-60 champignons par deck, mais plusieurs centaines.
Sans compter les cartes qui ajoutent +1|+1 (par exemple) aux autres et qui auraient dû passer en revue toutes les cartes champignon pour vérifier qu'elles n'avaient pas besoin d'être améliorées aussi. Passer de 40 à 40 000 cartes, ça commence à faire une sacrée différence.
Non seulement le système d'une carte par champignon constituait un obstacle technologique, mais il était aussi assez pénible. Chaque fois que vous en piochiez une, vous étiez obligés de subir l'animation en entier. Parfois, cela signifiait attendre que des centaines de cartes passent et vous rapprochent inéluctablement de la mort. »
« Nous avons donc fait quelques petits ajustements. Pour résoudre les problèmes d'ingénierie, nous avons fait en sorte que les champignons s'accrochent aux cartes plutôt que d'être des cartes eux-mêmes, explique Riot Crowtaro. De plus, nous avons troqué les animations individuelles par champignon contre l'affichage d'un compteur unique, ce qui accélère drastiquement le calcul. Enfin, nous avons modifié le système d'animations pour qu'elles puissent se jouer les unes par-dessus les autres. »
« Encore récemment nous avons changé notre façon de compter la multiplication des champignons, ajoute Melell. Nous avons essayé différentes méthodes pour calculer combien de champignons étaient plantés sur chaque carte à cause du nombre scandaleux de champignons que certains joueurs plaçaient dans leur decks, ce qui aurait considérablement ralenti le jeu. »
« Oui, nous avons dû faire un peu de maths pour déterminer combien de champignons allaient atterrir sur chaque carte et tous les appliquer à la fois plutôt que de les insérer un par un, détaille Riot Crowtaro. Pour faire simple, si vous avez 20 000 champignons dans votre deck et qu'il faut les multiplier par deux, on n'est plus obligés de les ajouter un par un. »
En bref : l'acharnement de certains à repousser les limites et briser les règles a forcé l'équipe à revoir plusieurs fois le calcul des champignons. Alors bravo, vous êtes contents ? Vous avez failli casser LoR. Et pour une fois, Teemo a fait une bonne action.
« C'était il y a plusieurs années et maintenant nous avons une base de code bien plus mature, continue Riot Crowtaro. Nous pouvons nous permettre bien plus de folies sans avoir à se retourner la tête pour les réaliser. Grâce à Teemo, on va pouvoir faire bien plus à l'avenir. »
Au fait, Teemo n'est pas le seul Yordle à s'être frayé un chemin jusqu'à LoR.
« On s'est bien amusés à concervoir Heimerdinger, reconnaît UNCONKABLE. Dans une de ses premières versions, ils construisait une tourelle qui devenait de plus en plus grosse et de plus en plus folle. Comme c'était vraiment pas mal, Riot Umbrage a voulu aller plus loin encore sur le thème du savant fou et faire construire à Heimer un tas de tourelles chaque fois que vous lancez un sort dont le coût en mana détermine la puissance. »
Alors voilà Heimerdinger et toutes ses petites tourelles. Mais qu'est-ce qu'il compte faire avec au juste ? Quelle est l'acmé de son génie ? Son chef-d'œuvre ?
« Je suis arrivé au travail un jour et j'ai remarqué que quelqu'un avait imprimé un tas d'illustrations et les avait accrochées au mur. Et parmi elles, il y avait un T-Hex, pouffe UNCONKABLE. Bien sûr que je me suis tout de suite dit que ça devait être une carte. Or, quelqu'un a objecté qu'il n'y avait pas de dinosaures à Runeterra. »
« C'était moi ! », intervient GiantArtist.
« Melell ! Hein, qu'ils existent ? », demande UNCONKABLE.
« Toutes les cartes et ''éléments'' avec lesquels les joueurs interagissent existent, répond Melell en rigolant. La façon de les utiliser et comment ils se sont rencontrés (si ça arrive) dépend entièrement des joueurs et des joueuses. »
« J'espère juste qu'ils trouvent qu'on lui a rendu justice, conclue UNCONKABLE. J'espère que les fans d'Heimerdinger sentent qu'ils peuvent jouer les coups de génie complètement fous qui s'accordent si bien avec cet inventeur de génie complètement fou. »
« Notre objectif est de livrer un deck idéal pour chaque champion, expose Riot Dovagedys. Pendant longtemps, Lux n'a pas respecté cette règle. Il y a eu toute une période où son Éclat final infligeait 10 points de dégâts pour 0 mana. »
« Oui, au début, elle devait s'associer avec Heimer. Ce devait être un deck centré sur les gros sorts », renchérit UNCONKABLE.
Mais Heimer vient de Piltover et Lux de Demacia. Les gros sorts correspondent très bien à Piltover, mais avec la tendance de Demacia à persécuter ses mages, Lux se retrouvait tiraillée entre les deux.
« D'un point de vue thématique, elle nous donnait du fil à retordre, confirme Melell. Toute son histoire repose sur le fait qu'elle n'est pas à sa place à Demacia. Alors comment faire passer ça tout en restant cohérents avec les cartes de la région ? Il fallait qu'on comprenne bien la relation qu'entretient Lux avec Demacia, et je pense que nous avons réussi en trouvant les traqueurs de mages. »
Quand l'équipe s'est mise à travailler sur Lux et les traqueurs de mages pour LoR, cela a attiré l'attention d'autres départements de Riot.
« Nous étions en train d'étoffer la biographie de ces personnages quand quelqu'un a évoqué l'idée super cool de créer une bande dessinée sur Lux, se souvient Melell. Cette BD avec les traqueurs de mages est sortie avant même qu'on annonce LoR. C'était vraiment génial de voir l'univers dépasser les frontières du jeu. »
Ça vous ferait quel effet de savoir que Lux et Draven ont beaucoup de points communs ?
Noxus est une société sur-militarisée. Quand on sait qu'elle abrite des champions comme Swain, Darius ou Katarina, il est facile à première vue de prendre Noxus pour un ramassis de sombres rageux. Et puis vous avez Draven, un chauffeur de salle flamboyant à l'égo démesuré.
« Nous avons rencontré le même problème avec Draven qu'avec Lux, relate Melell. Il ne s'accordait pas bien avec le reste de Noxus, il est bien trop excentrique et frivole pour ça. Nous nous sommes donc demandé de quel genre de personnes il pouvait s'entourer. C'est comme ça que nous avons trouvé les arénaires. »
c'est que cette petite ***** ?" »
« Eh, oh ! C'est censuré ! On ne peut pas savoir ce qu'il dit vraiment, l'interrompt Melell. Il faudra demander à Conor « FizzNChips » Sheehy à quoi il pensait quand il a écrit cette réplique. »
« Bon, bon. Dans tous les cas, on peut s'en douter, se marre Riot Dovagedys. C'est mon dialogue préféré, parce qu'on sent que c'est exactement ce que dirait Draven s'il rencontrait Teemo. C'est trop bien ! Tout le monde ici, à part peut-être Greg qui travaille loin de moi et ne peut pas m'entendre, mais sinon tout le monde ici peut en témoigner : je passe mon temps à déclamer nos dialogues.
« Si, je t'entends, corrige GiantArtist en souriant. Tu les hurle en fait. »
« Ce qu'il faut retenir, c'est que les dialogues rendent les champions plus vivants. Je trouve ça super qu'on puisse les voir et les entendre », conclut Riot Dovagedys.
« J'ai la sensation que chaque champion a eu une histoire de fou. Au début nous faisions des tas d'expériences, mais nous voulions simplement être certains que ça plairait aux joueurs et aux joueuses, que nous étions même allés au-delà de leurs attentes, confie UNCONKABLE. Je suis vraiment fier du travail de tout le monde et j'espère que les joueurs sont contents de ce que nous avons fait pour leurs champions. Nous avons hâte de savoir ce qu'ils penseront des prochaines extensions. »
Même si nous n'avons pas pu vous raconter l'histoire de tous les champions existants, n'en doutez pas : ils ont tous eu leur particularité et posé leurs propres défis. Nous sommes impatients de découvrir votre avis sur les nouveaux et nous espérons pouvoir vous présenter leur histoire plus tard