Riot a publié un article expliquant l'histoire et l'intérêt du lane swap sur le jeu. Si vous vous demandez d'où cette idée vient, et pourquoi les pros le font régulièrement, vous trouverez la réponse ici, en plus de beaucoup d'analyses et de témoignages de professionnels.
Cet article a été rédigé par Sonia, notre logiciel qui convertit les articles des sites officiels de Riot au format LoLTracker. Si vous voyez le moindre problème, n'hésitez pas à nous le signaler dans les commentaires ! :)
L'art de la guerre est en constante évolution, du moins sur les champs de bataille professionnels de League of Legends, où il est nécessaire d'avoir toujours une stratégie d'avance sur ses adversaires.
Cette mutation se voit plus particulièrement dans l'évolution de la tactique du lane-swap (changement de voies), qui a transformé le paysage professionnel de LoL et la manière dont on joue ce jeu au plus haut niveau. Mais pourquoi le lane-swap est-il devenu une question stratégique ? Quels problèmes les joueurs tentaient-ils de résoudre en agitant l'échiquier de la Faille de l'invocateur ? Quelle forme ces déplacements prennent-ils ? Pour comprendre, nous avons parlé à des pros, des analystes, des commentateurs ou encore à l'équipe de Riot chargée du jeu live.
« Quand vous avez compris comment fonctionne un lane-swap, l'observer devient beaucoup plus amusant », explique Martin « Deficio » Lynge, commentateur européen. « Parce qu'on veut toujours voir si quelqu'un fait les choses différemment. Ainsi, on peut attirer l'attention des spectateurs de LoL sur quelque chose qui leur plaira. »
Chaises musicales
Pour dire les choses simplement, un lane-swap consiste à surprendre l'adversaire en inversant les voies du haut et du bas. Si c'est votre équipe qui initie le lane-swap, vous commencez la partie en envoyant votre carry AD et votre support en haut pour combattre l'ennemi à 2 contre 1, tandis que votre top-laner affronte, en bas, le carry AD et le support ennemis.
La motivation initiale pour tenter cette manœuvre consiste à donner à votre top-laner une chance d'échapper à un affrontement qui lui est défavorable. Avec son habituelle franchise, le top-laner vétéran Mike « Wickd » Petersen résume ainsi l'état d'esprit des premiers joueurs à avoir expérimenté le lane-swap : « À l'époque, on se disait seulement que notre voie était pourrie. On ne voulait pas jouer dans ces conditions et on allait voir ailleurs. » En d'autres termes, le lane-swap vous donne une chance d'altérer l'état normal de la partie pour en faire quelque chose qui vous sera bénéfique.
Vous vous dites peut-être qu'il est illogique de placer votre top-laner en position d'infériorité numérique pour échapper à un 1 contre 1 ? Est-ce qu'on ne déshabille pas Pierre pour habiller Paul ? C'est plus compliqué, car en réalité certains champions de la voie du haut, comme Rumble, sont capables de contenir deux adversaires. Dès lors qu'il atteint le niveau 6 et que l'équipe commence à se grouper autour d'objectifs, le yordle mécanisé reste efficace même s'il n'a pas beaucoup farmé. Ou alors vous disposez d'un top-laner à renforcement progressif comme Vladimir, qui mourrait en solo contre Darius mais qui n'est que trop heureux de farmer sous sa tourelle à 1 contre 2 pour gagner en puissance.
Un lane-swap peut également être une manière efficace de punir un adversaire de mêlée sur la voie du haut, comme Irelia, qui a besoin de temps pour monter en puissance. « Cela les prenait tellement par surprise que les top-laners se retrouvaient coincés sur leur voie, tâchant de tuer péniblement des sbires », se souvient Mitch « Krepo » Voorspoels, commentateur européen et ancien joueur support pro. « Si vous êtes un champion de mêlée contre deux champions à distance, vous allez avoir beaucoup de mal à farmer comme vous en aviez initialement l'intention : la question est donc de décider comment utiliser vos propres ressources de la façon la plus efficace pour contrer celles de l'ennemi. »
Dépasser les mécaniques de jeu
Nous aimons tous voir les pros jouer de façon spectaculaire ou éliminer des champions en solo sur les voies. Nous adorons les combats d'équipes au cours desquels les bruitages de 10 ultimes simultanés évoquent un jet de grenade dans une fabrique de feux d'artifice. Ce sont ces moments mémorables qui alimentent les discussions.
Mais comprendre les stratégies de haut niveau n'est pas toujours aussi divertissant pour les spectateurs occasionnels d'e-sport. Pour certains, l'intelligence a moins d'attrait que la force brute. Même le terme de « lane-swap » manque singulièrement de charme. Pourtant, aujourd'hui dans League of Legends, la finesse stratégique est ce qui sépare les meilleures équipes du reste de la meute. Le spectacle fidélise les fans autour de vous, mais ce sont les stratégies bien exécutées qui vous font gagner les tournois.
« Plus la scène pro existe depuis longtemps et plus il y a de joueurs professionnels, plus le niveau s'égalise », dit Deficio. « Quand vous commencez à avoir 40, 50, 60 joueurs professionnels qui sont presque de niveau équivalent en termes de mécanique de jeu, c'est toujours la stratégie qui gagne, parce que c'est la prise de décision collective, la connaissance du jeu, la planification qui font la différence… Si vous avez les cinq meilleurs joueurs du monde mais pas de stratégie, vous ne gagnerez pas. »
sOAZ, top-laner d'Origen, dont le plus ancien souvenir de lane-swap concerne la manœuvre de HotshotGG avec Galio à l'IPL 4 (avril 2012), confirme que le lane-swap met l'accent sur la stratégie et le travail d'équipe chez les pros.
« Avec les lane-swaps, le jeu devient beaucoup plus stratégique. Quand vous jouez à 1 contre 1, à 2 contre 2, c'est avant tout une question de talent individuel : le meilleur joueur gagne la plupart du temps. Mais avec le lane-swap, même si vous êtes le joueur le plus faible, si vous avez un meilleur sens stratégique, vous avez une chance de gagner. Si vous avez le joueur le plus faible mais la meilleure équipe, vous pouvez gagner. C'est là-dessus que le lane-swap a joué le plus. »
Premier contact
En juillet 2012, Krepo jouait support pour la légendaire équipe CLG.EU aux côtés des célèbres pros européens Wickd et Froggen. L'équipe s'était envolée pour la Corée afin de participer à la saison estivale de la compétition Azubu The Champions 2012, une excellente occasion de s'entraîner en Corée avant le championnat du monde de la Saison 2, face aux meilleures équipes d'Asie du Sud-est. Quand on voyage jusqu'à l'autre bout du monde, on s'attend toujours à un petit choc culturel et Krepo et ses coéquipiers s'en sont rendu compte quand ils ont mis le pied sur la Faille de l'invocateur face à l'équipe chinoise World Elite.
« On n'avait pas la moindre idée de ce qu'ils faisaient », dit Krepo, se remémorant ses premières impressions devant les lane-swaps de World Elite. « On n'en revenait pas de les voir faire ça à toutes les parties. Quels que soient les champions de part et d'autre, ils utilisaient cette technique. Ils semblaient aimer cette stratégie davantage que le jeu sur les voies, au point que nous avons fini par être capables de prédire le lane-swap et de les contrer, parce qu'on savait qu'ils le faisaient tout le temps. »
Wickd se souvient avoir tenté de s'adapter en temps réel. « Au début, on ne savait pas trop quoi faire. On était plongé dans la confusion, on comprenait ce qu'ils faisaient mais on se demandait comment réagir. On a d'abord joué la sécurité, on se contentait d'essayer de survivre, de balayer tout ce qu'on pouvait en haut, d'évaluer notre puissance, ce genre de choses. On a essayé de mettre la pression dans la jungle. Mais au fond, on ne savait pas quoi faire. »
World Elite commençait la partie par un lane-swap, envoyait deux personnes en haut, vite rejointes par leur jungler afin de détruire rapidement une première tourelle. Le contre naturel développé par CLG.EU consistait à envoyer le jungler en bas de la carte. Mais au lieu de le placer sur la voie, ils l'envoyaient derrière pour fondre sur le malheureux champion ennemi défendant seul la tourelle puis prendre la tourelle.
Rivalités
Au fur et à mesure que la meta du lane-swap a progressé, Krepo a vu des équipes empêcher ce plongeon vers la tourelle en envoyant le support renforcer le top-laner situé sur la voie du bas. On obtenait ce scénario bizarre dans lequel votre carry AD était solo en 1 contre 1 sur la voie du haut contre le top-laner ennemi, ce qui favorisait des champions comme Corki ou Lucian : ils profitaient de leur montée en niveau, pouvaient approcher de l'adversaire et harceler les top-laners de mêlée. Pendant ce temps, la combinaison top-laner et support bénéficiait d'une étonnante synergie.
Interrogé sur la genèse des lane-swaps, Doublelift, le carry AD de CLG, explique benoîtement : « Nous l'avons fait parce que c'était nouveau. » La réponse semble désinvolte, mais si vous réfléchissez au nombre extraordinaire de parties que jouent tous les pros, il est naturel qu'ils expérimentent des manières nouvelles de jouer pour conserver au jeu toute sa fraîcheur. Les lane-swaps ont constitué une sorte de labo de recherches. On pouvait mêler ainsi les divers membres de l'équipe de façon beaucoup plus variée et voir quelles combinaisons étaient les plus efficaces.
Clement Chu, commentateur des LMS et analyste pour la région de Taïwan, se souvient d'avoir vu émerger le lane-swap pendant la Saison 2 comme une tentative désespérée pour mettre fin à la domination d'un des principaux top-laners de la région.
« Il y avait une grosse différence de niveau à l'époque entre les Taipei Assassins et les autres équipes et cela était particulièrement notable en la personne de Stanley. Il jouait ce qu'il voulait et il tuait sur sa voie qui il voulait. D'autres équipes de la GPL ont commencé à procéder à des changements de voies pour le contrer. Les équipes ne comprenaient pas le côté « fast-pushing » à l'époque, mais cette tactique a réussi à juguler le nombre de champions tués par TPA. »
Chu considère que la montée en puissance du lane-swap n'a pas que du bon. « Cela a apporté de la profondeur au jeu, stimulant l'analyse, complexifiant la scène internationale et séparant le jeu professionnel de la file solo. Dans le même temps, les lane-swaps ont porté un coup au jeu en tant que sport excitant pour les spectateurs. C'est un processus très complexe qui offre souvent un avantage à une équipe sans confrontation directe entre les joueurs.
Cela limite également grandement le nombre de champions utilisables sur la voie du haut. Je suis tombé amoureux du jeu en regardant les passes d'armes des top-laners à 1 contre 1. Avant les lane-swaps, les top-laners étaient les stars du jeu. Imaginez Maknoon, Reapered ou Stanley s'affrontant avec un vaste éventail de champions. C'était infiniment plus passionnant que de voir un carry AD geler une voie. »
Détour vers la préhistoire
Comme les lane-swaps ont commencé à émerger au milieu de la Saison 2, une question se pose : pourquoi pas plus tôt ? Pourquoi l'innovation du lane-swap a-t-elle eu lieu si longtemps après la sortie du jeu ? Il a dû pourtant y avoir des confrontations défavorables sur la voie du haut dès le début, non ? J'ai posé cette question à Patrick « Scarizard » Scarborough, le Rioter chargé de la communication du développement.
« Les joueurs ne voulaient pas le faire. Dès le début, dans League of Legends, on apprend qu'être à 1 contre 2 sur la voie est très dangereux. Et les joueurs solo comme Voyboy et Dyrus font partie des atouts décisifs de leurs équipes, du coup il n'est guère logique de faire peser sur un de vos alliés les plus puissants un désavantage décisif. Personne ne veut prendre un tel risque. On veut offrir à son joueur star un gros champion qui écrase tout sur son passage.
Pendant longtemps, le jeu a donc ressemblé à une course à l'armement. Comment pouvait-on doper les champions de manière à ce qu'ils deviennent des rouleaux compresseurs sur la voie du haut ? Et puis on a fini par atteindre le moment où les top-laners étaient devenus de vrais tueurs : personne n'était en mesure de les affronter ; c'est là qu'on a atteint le sommet de ce que l'éventail de champions pouvait offrir. Le lane-swap est devenu l'innovation naturelle pour débloquer la situation. Les joueurs se demandaient ce qu'ils pouvaient faire pour remédier à ce blocage. La réponse était simple : soit on continuait à lancer les trois mêmes sempiternels champions les uns contre les autres, soit on contrait la puissance brute d'une autre manière. »
Wickd pense que la substantielle récompense en PO offerte par le dragon pendant la Saison 1 a joué sur la mentalité des joueurs et les a retenus de tenter le duo sur la voie du haut : le risque était de perdre l'avantage sur cet objectif. « C'était difficile à envisager à l'époque. Si le dragon offre un millier de PO, personne ne veut passer à côté. Personne ne veut laisser ça à l'adversaire. Le choix est vite fait. Si on n'obtient pas le même montant en abattant une tourelle ou un tuant des sbires, ça ne vaut pas le coup. Même si cela vous confère une avance en expérience, il est naturel de préférer se concentrer sur la poule aux œufs d'or. »
Syndrome de la tourelle
Tandis que la Saison 3 touchait à sa fin et que les lane-swaps devenaient réguliers, la situation sur la voie du haut devint de plus en plus problématique. Les passionnants duels d'autrefois faisaient place à un scénario de plus en plus prévisible : le top-laner du côté bleu se retrouvait coincé sous sa tourelle, empêché d'éliminer des sbires et de gagner de l'expérience par le duo ennemi (carry AD et support). Ces derniers permettaient l'arrivée d'une grosse vague de sbires : lorsque la tourelle était atteinte, le top-laner était toujours niveau 1, les deux ennemis niveau 2, et le duo transformé en trio par l'irruption du jungler avait raison de vous. Les possibilités pour contrer cette tactique étaient négligeables. Résultat : l'éventail des champions viables sur la voie du haut s'est réduit comme peau de chagrin. On ne pouvait plus jouer que des champions comme Rumble, susceptibles de rester utiles à leur équipe même avec un gros retard.
En juillet 2013, quand les LCS EU tinrent la sixième semaine de leur calendrier à Tenerife (Espagne), Scarizard s'invita pour présider un sommet de conception avec quelques joueurs pros. Il se souvient avoir parlé avec Wickd et Krepo, rebutés par la popularité du 2 contre 1 à ce moment. « Krepo m'a expliqué que le 2 contre 1 était horrible pour une raison similaire à celles que nous avancions en tant que concepteurs : on ne peut rien faire pour s'en dégager. Vous devez planifier pour ce scénario et vous pouvez vous retrouver le bec dans l'eau si l'ennemi n'attaque pas selon vos plans. Mais on se doit tout de même de jouer comme si cela allait survenir. »
Quand Scarizard revint en Californie, l'équipe live de Riot s'attacha à répondre aux doléances exprimées par les pros des LCS en Espagne. L'équipe envisagea de travailler sur les tourelles. « Nous avons fait des choses que nous n'avions encore jamais faites. Dans l'esprit des joueurs, nous avons renforcé un peu la meta. »
Après bien des délibérations, la décision fut prise de réduire les dégâts infligés à certaines tourelles dans les 10 premières minutes pour décourager les guerres-éclairs à 2 contre 1. L'idée était de créer un système de vase communiquant : si vous optez pour le lane-swap, vous risquez de perdre la tourelle du bas. Mais loin d'être dissuadées, les équipes passèrent à l'armurerie et mirent en place des duos très agressifs sous les tourelles (Jinx et Nunu par exemple) pour passer en force.
Puis les joueurs ont conçu un assaut de tourelle à 4 contre 0 que l'équipe ennemie était obligée de dupliquer pour ne pas perdre des secondes essentielles à rassembler une équipe de défense. Cela retardait en effet le début de la partie de quelques minutes, et en conséquence deux tourelles étaient abattues de chaque côté avant que les équipes ne commencent à interagir. « À ce moment-là, on était au fond du trou », explique Scarizard. « Il n'y avait plus de jeu, plus d'innovation. »
L'équipe de conception a examiné pourquoi la stratégie de l'assaut à 4 contre 0 sur la tourelle était devenue classique dans la plupart des parties pros et a décidé qu'il était important de conserver aux tourelles leur statut de conquête difficile, sauf si cinq personnes s'en emparaient. La solution ? L'or d'une tourelle détruite serait réparti sur toute l'équipe au lieu d'être remis en somme fixe. Cette modification a réduit l'obsession des tourelles en début de partie. Les pros ont évolué vers des stratégies impliquant de piéger des adversaires et de les gêner dans leurs objectifs, ce qui a permis l'émergence de junglers spectaculaires comme Lee Sin, Elise et Evelynn.
« Le lane-swap n'a jamais été horrible en soi », dit Scarizard. « C'est juste que cette solution qui enlevait tout autre option était devenue le choix par défaut en toutes circonstances... Nous ne tenons pas à ce que le jeu devienne prévisible de quelque manière que ce soit. Je pense que le fait qu'on n'ait pas éliminé le lane-swap en est la preuve. Les équipes le font encore. Pas plus tard que le week-end dernier. Elles le feront le week-end prochain, mais voilà, ce ne sera pas présent à chaque partie. »
Macro machines
Tous les observateurs attentifs de la scène compétitive internationale de LoL ont pu constater que le fossé entre l'Est et l'Ouest en termes de compétence s'est réduit. Exemple parfait : en 2015, l'équipe américaine Team SoloMid a balayé la Team WE en trois manches lors de la finale du mondial des IEM Saison 9. Et puis au Mid-Season Invitational, la machine de guerre européenne Fnatic a remporté deux manches contre les Coréens de SK Telecom dans une confrontation en trois manches gagnantes. La maîtrise renforcée du lane-swap du côté occidental a sans doute joué un rôle dans ce retour en force.
« Si vous déplaciez H2K et Fnatic en Corée et si vous leur donniez des noms coréens, vous auriez l'impression que ce sont des équipes de l'OGN tout à fait normales », explique Deficio. « Certaines équipes occidentales ont des styles de jeu polyvalents ressemblant à ce que l'on voit en Corée et en Chine, là où le style de jeu occidental traditionnel consiste à prendre de bons joueurs individuels et à les mettre ensemble pour voir ce que ça donne, une stratégie qui ne marche clairement pas. Les meilleurs joueurs occidentaux actuels font beaucoup plus attention au travail d'équipe coordonné et à la macrostratégie. »
Selon Scarizard, ce n'est pas simplement que les joueurs manquaient d'ingéniosité, c'est juste qu'ils refusaient l'idée du lane-swap. « Ils préféraient dire non de base et indiquer avec honneur qu'ils préféraient faire du 1 contre 1. Mais en réalité, c'est qu'ils étaient incapables de s'en sortir à 2 contre 1. »
« Quand des gens qui sont payés pour jouer à League of Legends s'insurgent contre la façon dont le jeu se joue au niveau professionnel, c'est qu'il y a un problème. C'est comme si, en théorie, ce "on joue à 2 contre 1 et on descend ce type" était la manière normale de jouer à LoL. Seulement voilà, ces gens ne cherchent pas à s'améliorer, parce que ce qui les oblige à devenir meilleurs leur enlève ce qui est amusant et intéressant pour eux dans LoL. C'est vrai que c'est fou, mais c'est ce qui s'est produit. »
Stratégie et flexibilité
Non sans humour, Krepo admet être tombé dans cette catégorie de joueurs peu à l'aise avec les changements dans la meta. Quand on lui demande ce qui fait du lane-swap un sujet aussi passionnant pour lui, il se met à réfléchir.
« C'est surtout parce que dès qu'il s'agit de flexibilité et de stratégie, c'est l'un des points faibles de ma carrière », dit-il avec un soupçon de regret dans la voix. « Notre équipe a été complètement démantelée en Saison 3 car nous n'avons pas réussi à nous adapter et nous pensions qu'il n'existait qu'une seule façon de jouer à LoL. Je suis un joueur surtout à l'aise sur les voies. Je préfère rester sur ma voie pendant 20 minutes parce que j'aime parfaire une approche précise, mais ce n'est plus comme ça qu'on joue à LoL désormais. »
« On ne peut pas maîtriser qu'un seul aspect. Sinon on se fait contrer. Si vous vous contentez d'être bon sur une voie à 2 contre 2, l'adversaire va continuellement utiliser le lane-swap contre vous pour tenter de vous contrer. Si vous n'arrivez pas à vous battre sur une voie à 2 contre 2, l'adversaire va s'en servir contre vous et vous détruire. Il y a donc ce mélange entre être capable de perdre avec honneur dans les parties mal engagées, trouver les bonnes ouvertures et tout combiner pour être réactif en tant qu'équipe, se regrouper aux bons moments quand vous venez d'acheter des objets pour profiter d'un gain de puissance. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui sont capables de faire preuve d'une telle flexibilité dans leur stratégie, parce que j'en serais incapable moi-même. »
« Si on compare les joueurs de LoL lors de la Saison 2 à un grand cuisinier, on peut dire que les équipes faisaient et refaisaient la même recette jusqu'à ce qu'elle soit parfaite. Autrement dit : voie, voie, voie, groupe, combat d'équipes. À chaque fois. Mais le jeu a évolué et une recette ne suffit plus à assurer la pérennité du restaurant. Alors ces équipes peuvent maintenant préparer 17 recettes différentes, et elles excellent dans chacune d'elles parce que leur approche de League of Legends est flexible. »
Un arbre généalogique
L'une des grandes joies, quand on suit League of Legends, c'est d'être aux premières loges pour observer l'évolution inexorable du jeu et sa complexification. Quand on regarde une vidéo d'une partie sur YouTube datant d'il y a un ou deux ans, il est difficile d'assimiler qu'on regarde un instantané du même jeu, mais quand il était encore dans sa petite enfance. Le lane-swap constitue une simple branche dans ce grand arbre de l'évolution que nous gravissons tous et duquel nous tombons parfois.
Mais la différence, avec le lane-swap, c'est que Riot ne l'a jamais mis en place dans aucun patch. Quand on retrace cette nouvelle tendance jusqu'à son point d'origine, on n'arrive pas sur un tableau blanc dans une salle de réunion, mais dans le cerveau bouillonnant des joueurs les plus exceptionnels de League of Legends. Riot a peut-être conçu le jeu, mais ce sont ses joueurs qui font réellement le jeu.