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« Étoiles filantes », une nouvelle sur les Gardiens des étoiles

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Une nouvelle histoire sur les Gardiens des étoiles a été publiée dans l'Univers !
 
PROLOGUE
Le rêve
 
Je n'arrête pas de faire un rêve.
 
Tout commence par un noir profond. Si profond que je ne sais même pas si mes yeux sont ouverts. C'est comme sortir du sommeil quand il n'y a plus d'électricité. Tous les petits reflets de lumière auxquels on est habitué : plus rien, tous disparus. Je suis seule dans une nuit vide.
 
Je ne peux pas m'en empêcher : je tends le bras, espérant que ce n'est vraiment qu'une panne de courant, que je peux repousser le poids de la solitude comme on repousse des draps trop lourds. Mais les ténèbres ne bougent pas.
 
Je remonte dans la nuit comme on fend l'eau dans un puits et le frisson de la solitude court sur ma colonne vertébrale. Puis je comprends qu'il n'y a pas de surface à atteindre. Ma poitrine se comprime. Ma panique augmente et je n'arrive pas à respirer. Je suis submergée. Soudain, quelqu'un ou quelque chose retire la bonde des ténèbres et je coule plus profondément encore dans le noir d'encre. J'ouvre la bouche pour hurler, mais le silence seul en sort.
 
Qu'espérais-je expulser alors que je suis vide ? Mon cœur bat comme un tambour. C'est quand je suis sur le point d'abandonner que je les sens.
 
Janna. Lulu. Poppy. Jinx. Je sens leur lumière. C'est de la chaleur et de la joie, du confort et des rires si étroitement mêlés qu'ils ne peuvent que s'embraser.
 
Mes yeux sont ouverts. Elles sont peut-être là depuis le début, mais c'est la première fois que je peux voir vraiment. Leurs visages sont si beaux, si paisibles. Elles dorment, elles rêvent peut-être, insensibles aux ténèbres qui nous entourent. Je tends le bras, mais elles sont trop loin. C'est là que je réalise que nous sommes en chute libre.
 
L'horizon d'un monde vaste et bleu fonce vers nous. Je n'arrive pas à me concentrer sur notre direction, sur le danger qui approche à toute vitesse. Je m'en moque. Tout ce que je vois, ce sont mes sœurs qui chutent. L'atmosphère de la planète est brûlante, en dessous de nous.
 
Mes bras me font mal jusqu'à la moelle de l'os. J'essaie d'attraper les filles. J'essaie de les agripper. Mais je ne peux pas les empêcher de tomber. Je ne suis pas assez forte pour maintenir nos liens. Je ne suis pas digne d'elles. Le bout de mes doigts commence à luire et à se fendiller. La dernière chose que je vois, c'est leur emblème qui s'assombrit tandis que leur lumière explose en cendres d'arc-en-ciel.
 
Et puis je m'éveille.
 
Je suis en sueur dans les draps en désordre de mon lit. Les ténèbres ont disparu, remplacées par un gris mat. Je me suis endormie les fenêtres ouvertes. Je marche jusqu'à elles et je regarde la rue à mes pieds. La lueur douce des lumières extérieures zèbre ma chambre d'ombres.
 
Le sommeil de la ville est silencieux dans les ténèbres. Je les ressens toujours, s'étendant sans cesse davantage. De la ville, il est difficile de voir les étoiles. Ce ne sont que quelques épingles de lumière. Mais je sais qu'il y en a beaucoup d'autres. Quelque part.
 
Je me recouche et j'attends l'aube. Je ne me rendors pas. Je ne peux pas. Le rêve est le même.
 
Toujours le même.
 
CHAPITRE 1
Le Conseil des Gardiens des étoiles
 
« Tu te joins à nous ? »
 
Jinx est couchée dans le jardin sur une chaise longue en plastique, Shiro et Kuro dorment à ses pieds sur l'herbe. Difficile de savoir si elle m'a entendue. Des lunettes de soleil gigantesques recouvrent ses yeux et une bonne partie de ses sourcils. Elle a un écouteur dans l'oreille gauche, mais l'autre pendouille sur le dossier.
 
Elle m'a entendue, c'est sûr.
 
« Tu viens ? On va commencer. »
 
Jinx se renfonce dans la bouche une boule de chewing-gum fluorescente, mâche bruyamment, écrase ses molaires les unes contre les autres et souffle une énorme bulle rose. Quand la bulle est assez grosse pour faire disparaître ses lunettes, elle l'aspire dans un bruit d'éclatement sonore.
 
« L'été ne durera pas éternellement, Lux », dit-elle sans me regarder. Elle croise ses mains derrière sa tête. Des nuages effilochés passent mollement sur ses lunettes. « Mieux vaut en profiter pendant qu'on peut encore. »
 
Elle s'entortille le doigt dans une longue mèche rouge, me mettant au défi de lui donner une bonne raison d'entrer.
 
« Tu n'as pas tort. » Elle aime bien croire qu'elle n'a pas tort. « L'été est presque fini. Mais je pense qu'il y a des... choses dont on devrait parler. Avant que les cours ne reprennent. »
 
Là, elle fait aussitôt la moue et enchaîne avec un bruit grossier.
 
Je n'aurais pas dû mentionner les cours. J'ai cessé de l'intéresser à ce moment-là.
 
J'essaie une autre tactique. « Je suppose donc que tu ne veux pas des glaces apportées par Poppy ? »
 
Jinx s'assoit dans un balancement de sa chaise longue. Kuro s'éveille, bâille et joue à retourner dans l'herbe Shiro qui dort toujours. Jinx remonte ses lunettes de soleil sur son front, et on a l'impression que ses deux couettes éjectent des étoiles en plastique.
 
« Des glaces ? »
 
« Oui », dis-je en entrant dans la maison. « En forme de roquettes. » Je referme la porte de verre coulissante derrière moi et je marche vers la cuisine. Cinq secondes plus tard, j'entends la porte s'ouvrir et se refermer derrière moi.
 
Bénies soient les étoiles. Jinx a un tempérament de feu, mais elle devient prévisible dès qu'il est question de desserts. Et de munitions.
 
Mais ce moment de grâce ne dure pas. Quand j'entre dans la cuisine, Poppy est debout sur une chaise devant le four, jouant de la spatule devant ses pancakes avec une détermination et une concentration visibles dans l'angle de ses coudes et sa poigne de fer. Du sirop et de la pâte font un chemin entre le réfrigérateur et le plan de travail.
 
« Euh, Poppy, qu'est-ce qui se passe ? Je ne suis partie que cinq minutes... » dis-je pendant que Jinx se faufile pour foncer jusqu'au congélateur.
 
« Lulu dit qu'elle a faim », répond Poppy. Elle hausse les épaules et se concentre de nouveau sur sa pâte. « Je fais des pancakes. »
 
Lulu est assise à la table de la cuisine : elle dessine d'une main et de l'autre s'empare d'un pancake, insensible au drame culinaire qui se noue autour d'elle. Pix ronge un feutre vert dont le bouchon traîne Dieu sait où. Lulu gratouille son familier derrière les oreilles sans lever la tête de son propre travail.
 
« Ça me va parfaitement, Riquiqui. » Jinx donne une tape dans le dos de Poppy et va se vautrer sur l'une des chaises en léchant une glace en forme de roquette. « Tu m'en fais un en forme d'étoile ? Ou non, plutôt comme un missile ? Oooh, je sais, une étoile-missile ? Il me faut des vermicelles arc-en-ciel ! »
 
« Tiens, mais qui voilà ? » grogne Poppy sans quitter le fourneau des yeux.
 
 
Le chaos. Le chaos pur et simple. Il y a de la pâte de pancake jusqu'au plafond. Comment pourrions-nous sauver l'univers si nous ne maintenons même pas l'ordre parmi nous ? Janna lave silencieusement les piles d'assiettes que salit Poppy. Elle regarde par la fenêtre devant l'évier. Zéphyr est assis sur le plan de travail à côté d'elle et tente de lécher le sirop de ses pattes.
 
Je commence à marcher de long en large dans le peu d'espace qui reste. « Bon. Je pense que nous devrions parler de l'année prochaine. C'est bientôt la rentrée des classes… »
 
« Qu'est-ce que tu dessines, Loulou ? » Jinx se penche par-dessus l'épaule de Lulu, lui volant un bout de pancake avec une fourchette qui traînait dans le coin. Elle n'a pas la moindre envie de penser à l'avenir, au point qu'elle est prête à faire semblant de s'intéresser à Lulu pour ne pas en entendre parler. J'essaie de camoufler mon profond soupir.
 
Et je recommence. « Comme je le disais, nous… »
 
« Ce sont des étoiles filantes », interrompt Lulu, qui se moque totalement des syllabes qui sortent de ma bouche. « Les nouvelles étoiles sont en approche. » Sans regarder, elle passe un prospectus à Jinx. De la crème pailletée de plusieurs couleurs tombe du morceau de pancake de Jinx sur le papier auquel elle vient de jeter un coup d'œil. Elle a un sourire narquois et replace la feuille sur la table. Sur ce prospectus, il y a plus de dix mots et seulement une image : Jinx n'ira jamais au bout de la lecture.
 
Je m'arrête derrière Lulu et je regarde son dessin sérieusement pour la première fois. C'est un champ entouré d'arbres. Nous sommes là toutes les cinq, les yeux levés vers la nuit étoilée. On reconnaît facilement Janna, grande et violette, Poppy avec son marteau et Jinx toute en mèches rouges. Je suppose que je suis la rose un peu ronde. Je suis vraiment aussi mal coiffée ?
 
« C'est toi ? » demandé-je en montrant la créature aux cheveux verts dans la prairie où volent les lucioles vertes et noires. Lulu approuve du menton, se mordant les lèvres de concentration tandis qu'elle ombre le ciel bleu noir. Parmi les étoiles, il y a des fragments de couleurs.
 
« Et ça, c'est quoi ? » Demande Jinx.
 
« De nouvelles étoiles, bien sûr », répond l'artiste en levant les yeux au ciel. Lulu me regarde. « On peut y aller ? »
 
« Il n'y a plus de nouvelles étoiles », dit Poppy en retournant un autre pancake.
 
Un bruit résonne dans l'évier où Janna vient de lâcher une assiette. « Désolée », bafouille-t-elle en la rattrapant.
 
J'approche et me place à ses côtés. Par la fenêtre de la cuisine, je vois que les nuages ont disparu. Il ne reste qu'un grand ciel d'été vide. Janna fait glisser l'éponge sur le bord de l'assiette comme en une lente orbite.
 
« Bien récupéré », dis-je en offrant à Janna un torchon posé sur le plan de travail. « C'est difficile de garder en main celles qui glissent. »
 
Janna tourne les yeux vers moi puis les baisse vers l'assiette qu'elle est en train de laver. Elle rougit, loin de son habituelle impassibilité. Il se passe quelque chose.
 
Elle a un geste du menton et pose l'assiette dans l'égouttoir. Elle repasse une mèche de cheveux lavande derrière son oreille et s'empare d'un autre plat couvert de sirop.
 
Oui, il se passe vraiment quelque chose.
 
Jinx, qui ne se soucie jamais de rien, continue de tremper ses pancakes dans le sirop avant d'ajouter des couches de crème fouettée et de vermicelles.
 
« Je déteste penser la même chose que Tignasse Bleue », dit-elle en enfournant une pleine fourchette. « Mais faut être honnête, Loulou, il n'y a que nous contre toutes les méchancetés de la galaxie. »
 
Lulu pose son crayon et prend le prospectus pour me le tendre. J'essuie la crème laissée par Jinx avec un torchon, laissant une trace multicolore sur le papier.
 
« Les étoiles filantes du Camp Targon. Venez observer la pluie d'étoiles filantes. Quittez la ville et découvrez les nouvelles étoiles. Jeux et divertissements. La dernière chance de s'amuser cet été. Proposé par la classe d'astronomie de l'université et ouvert à tous les lycéens de la région. »
 
Je relève les yeux. J'ai lu à voix haute, mais personne n'a écouté. Lulu dessine de nouveau. Poppy et Jinx accumulent les pancakes sur leurs assiettes, décidées à voir qui en mangera le plus. Je vois le visage de Janna dans le reflet de la fenêtre. Elle est de nouveau perdue dans la contemplation du ciel.
 
Le papier crisse dans ma main. Je me décrispe, gênée de l'avoir serré si fort. Si l'on veut participer au camp, il faut s'inscrire aujourd'hui au plus tard.
 
« C'est maintenant ou jamais », murmuré-je pour moi-même. Je regarde les filles : pas deux ne semblent aller dans la même direction. Ça ne va pas leur plaire. Mais je suis leur capitaine. Ce sera bon pour elles. « Ce sera bon pour nous », murmuré-je pour me conforter dans ma décision.
 
« Faites vos sacs, les filles », dis-je avec un grand sourire lumineux. Cette affirmation de confiance en soi est de l'épate pour les convaincre, mais ça ne me fait pas de mal à moi non plus. Elles lèvent toutes les yeux, ne sachant pas trop ce qui va se passer.
 
Je sors mon téléphone de ma poche et je compose le numéro du prospectus. « Nous allons accueillir quelques nouvelles étoiles. »
 
CHAPITRE 2
Le Camp Targon
 
Jinx se met sur la tête un chapeau mou pour se protéger du soleil en descendant du bus. Elle avait insisté pour voyager en maillot de bain. Les couleurs aveuglantes de son bikini n'étaient atténuées que par le léger vêtement qui flottait au vent derrière elle.
 
« OK, bande de nerds », soupire-t-elle. « Je pars à la recherche de la piscine. J'ai envie de jouer les boulets de canon. »
 
« C'est un lac », corrige Poppy tout en surveillant le chauffeur qui décharge nos affaires sur la pelouse.
 
« Ouais, c'est pareil. » Jinx prend au sommet de la pile un sac de toile orné d'étoiles et de pistolets démesurés dessinés à la main. En passant près de Lulu, Jinx tire sur le papillon bleu canard qui maintient ses cheveux. « À plus tard, Loulou. »
 
Je regarde Poppy.
 
« Elle n'a pas vraiment apporté un canon, si ? »
 
Poppy hausse les épaules. « Tu penses vraiment qu'elle pourrait s'empêcher de le dire si c'était le cas ? »
 
Je m'apprête à rappeler Jinx et à insister pour qu'elle reste dans le groupe quand j'entends un grognement derrière moi. Je vois le chauffeur sortir les derniers sacs, les bras tremblant sous l'effort. Le sac bleu est presque aussi grand que Poppy. Elle observe attentivement, tapant du pied d'impatience dans l'herbe sèche.
 
L'homme pose le sac avec un grognement. « Qu'est-ce qu'il y a là-dedans, jeune fille ? Des pierres ? »
 
« Non. » Poppy s'empare des anses du sac et le balance sans difficulté sur son épaule. Elle lance au chauffeur un sourire satisfait. « Un marteau. »
 
Poppy me lance un sourire identique, se souvenant qu'avant de partir, je les avais mises au défi de se fondre dans la foule et de rester ensemble. D'être normales. Elle prend la poignée du sac à roulettes que Jinx a laissé derrière elle et fait un geste en direction de Lulu.
 
« Viens. Notre camp ne va pas se monter tout seul ».
 
Lulu approuve du menton, chantonnant une mélodie qu'elle est seule à connaître. Elle papillonne d'une fleur à une pomme de pin et à un caillou, s'extasiant de chaque trésor que le camp a à offrir tandis que Poppy marche tout droit sur la piste.
 
Le bus démarre et prend la route. Je le regarde disparaître derrière des arbres.
 
« On a brûlé nos navires, hein, Janna ? » Tout ce que j'entends, c'est un souffle de brise entre les pins. Je regarde autour de moi. Les derniers passagers du bus ont déjà dévalé la moitié du chemin vers le camp. Il n'y a personne à l'arrêt de bus. « Janna ? »
 
Je retrouve enfin Janna, perchée sur un rocher. Elle me tourne le dos. Elle a les bras croisés et les boucles de ses cheveux lavande flottent dans la brise.
 
« Janna ? »
 
Je lâche mon sac dans l'herbe et je grimpe à ses côtés. Dans la petite vallée que nous surplombons, je vois les campeurs qui s'installent. Entre les arbres, la surface du lac Lunari scintille. À mon avis, Jinx y barbote déjà. J'esquisse un sourire : elle ne doit pas savoir que le lac est alimenté par la glace fondue.
 
Mais ce n'est pas ça que Janna regarde. Elle est si grande. Je cache mes yeux du soleil et je cherche à voir ce qu'elle observe. Il n'y a une fois encore qu'un ciel d'été bleu, sur lequel ne se détachent que quelques nuages blancs et le Mont Targon. Mon coude frôle son bras.
 
Janna me regarde d'un air surpris.
 
« Oh ! C'est toi », dit-elle, comme si je n'étais pas là depuis cinq minutes. Elle sourit, mais je vois que ce qui l'inquiète est toujours présent dans son esprit. Elle regarde l'endroit où nous sommes descendues du bus.
 
« Où est passé tout le monde ? »
 
« Houla ! » Je hoche la tête. « Tu as vraiment la tête ailleurs, hein ? » Je regarde les contours gris violacé de la montagne, hérissés de pins. Il y a toujours de la neige sur le pic même en plein été.
 
Janna frotte ses mains sur ses épaules nues et frissonne. Il ne fait pas froid, pourtant. Pas du tout. Avec le ciel clair et le soleil au-dessus de ma tête, je regrette pour la première fois de ne pas avoir suivi le conseil de Jinx et de ne pas être venue en maillot de bain et en short. Je m'évente avec la carte d'inscription du camp.
 
« On devrait y aller », dit Janna, sautant facilement du rocher comme si elle marchait sur l'air. Elle me regarde tandis que je m'apprête à descendre. Son sourire se fane quand elle lève de nouveau les yeux vers le ciel. « Une tempête approche. »
 
« Quoi ? » Je regarde le ciel à mon tour, mais mon pied glisse sur des gravillons qui roulent sur la surface lisse du rocher. Comme d'habitude, j'ai du mal à faire deux choses en même temps. Je me retrouve durement assise dans un nuage de poussière, l'arrière de ma jambe râpée par la pierre.
 
« Aïe. » Je fais la grimace. Il ne me manquait que ça. Lulu, Poppy et Jinx aux quatre coins du camp. Janna qui est complètement dans la lune. Et maintenant leur fière cheftaine va être mise hors jeu par ses deux pieds gauches.
 
« Génial », murmuré-je en me frottant le visage.
 
Une brise fraîche balaie les cheveux moites sur ma nuque. Janna me tend sa main de soigneuse.
 
« Non », lui dis-je. Je parviens à sourire. « Je vais bien. Souviens-toi : pas de pouvoirs tant que nous sommes ici. »
 
Janna hausse les épaules. « Fais quand même attention. On n'a qu'un seul chef. » Je vois bien les doutes qui s'agitent dans sa tête. Quand je suis debout, elle part déjà vers la piste.
 
« Dépêchons-nous ! » fait-elle sans se retourner vers moi. « Sans toi, nous serions perdues. »
 
Je laisse échapper le souffle que je retenais. C'est bien ce qui me fait peur.
 
CHAPITRE 3
Le groupe le plus cool
 
Le bureau d'information du camp est drapé dans du tissu violet foncé. Des cailloux et de grosses pommes de pin maintiennent des piles de prospectus photocopiés. Une jeune fille aux longs cheveux noirs est assise derrière le bureau. Non, pas une jeune fille. Elle a l'air trop vieille pour être au lycée et beaucoup trop cool pour tenir un guichet de colonie de vacances. Ce doit être une des étudiantes de la classe d'astronomie. J'entends Janna s'arrêter derrière moi tandis que je me dirige vers la « jeune fille ». C'est un signal pas très subtil indiquant que je vais devoir me débrouiller toute seule.
 
J'avance vers le bureau. Les pins de grande taille et le soleil de la fin d'après-midi se combinent pour m'aveugler d'un rayon de lumière, quelle que soit la position que je tente de prendre. Le contraste de lumière et de pénombre m'empêche de bien distinguer la personne qui se trouve de l'autre côté de la table. Elle ne fait aucun effort pour sortir de l'ombre et semble s'amuser de me voir me tortiller en vain.
 
« Bonjour », dis-je en tendant la main dans sa direction générale.
 
« Nom. »
 
Pas particulièrement amical, comme réponse. Et un pas plus à gauche que je ne l'avais supposé. « Lux. Luxanna. Mon groupe est... »
 
« Hmmm… Les "Filles des étoiles"... » m'interrompt l'étudiante. Sa voix est pleine de moquerie et de désapprobation. « C'est vraiment... mignon. Vous êtes les deux dernières à vous présenter. D'habitude, les chefs sont là en premier. » Elle soupire de façon exaspérée.
 
Soleil et planète s'alignant, j'ai enfin la possibilité de mieux voir notre étudiante. À tout prendre, je préfère la version audio seule. Elle fait la moue comme si elle venait d'avaler quelque chose de répugnant, tout en étant assez bien élevée pour ne pas le recracher. Un badge pend à son cou : Syndra.
 
J'essaie de reprendre avec plus d'assurance : « Je suis désolée. » Je savais que j'aurais dû obliger tout le monde à rester ensemble. « Je suis restée en arrière pour m'assurer que tous nos bagages avaient été déchargés. Les autres avaient hâte de découvrir le camp. »
 
Je sens la main de Janna sur mon bras, en soutien. Je la regarde. Son visage d'ordinaire si calme est fixé sur la jeune fille avec une grimace. Je reste pétrifiée de surprise une seconde.
 
« Nous sommes toutes là, à présent », dit poliment Janna.
 
« Super », dit Syndra avec une totale indifférence. « Lotissement 2016. Une partie de votre groupe doit déjà s'y trouver. Il y a une fille qui fait du bruit près du lac, aussi. J'ai l'impression qu'elle est avec vous. »
 
Jinx. Génial.
 
Syndra se penche pour saisir quelques-uns des papiers colorés. Elle s'arrête et me regarde, me reprochant sans doute de ne pas avoir revendiqué la responsabilité de Jinx.
 
« Tu devrais peut-être t'en occuper », dit-elle. « Voici une carte et des horaires. La meilleure vue pour la pluie d'étoiles filantes, c'est après minuit. »
 
Syndra me tend le tas de papiers tandis qu'elle plisse les yeux pour me jauger une dernière fois. Et pour être déçue une dernière fois, visiblement. « Tu comprends que les chefs sont responsables de leur groupe quand la nuit tombe ? »
 
« Oui. » J'approuve faiblement de la tête, intimidée comme une enfant. Je m'éclaircis la gorge pour tenter de retrouver ma voix. « Je ferai en sorte qu'elles restent ensemble. »
 
À ce moment précis, un groupe de quatre bien soudé approche sur la piste. C'est l'incarnation du cool qui vient de faire irruption au milieu du camp. Dans leur sillage, des vagues de campeurs comme frappés par la foudre se rassemblent. Je ne leur en veux pas, je ne peux pas non plus détourner mon regard.
 
« Voilà une équipe qui pourrait vous donner des leçons », dit Syndra. Mais son ironie devient déjà un sourire. « Ahri ! » couine-t-elle.
 
L'étoile au centre de cette constellation en approche regarde celle qui l'interpelle. Elle écarte sa parfaite mèche pêche pour découvrir ses yeux et sourit. Une grande rouquine, une fille discrète aux boucles menthe et un blondinet plutôt mignon flanquent ce chef charismatique. Bien sûr, le groupe s'approche de nous, attirant d'autres campeurs à leur suite comme un aimant. Non seulement chacun d'entre eux exsude la classe, mais ils ont l'air totalement soudés. Je ne peux pas m'en empêcher. Je suis tellement jalouse que j'en grince des dents.
 
« Syndra », dit Ahri. « Tu as fini ce que tu avais à faire ? On aurait aimé t'avoir à la promenade de cet après-midi. »
 
« Il a fallu que j'attende les retardataires », dit Syndra en me regardant.
 
« Oui », dis-je. « Désolée. » Je me tourne vers Ahri et sourit en tendant la main. « Salut ! Je m'appelle Lux. Tu dois être... »
 
« Cool », dit-elle, mettant fin à la conversation avant même qu'elle n'ait commencé. Elle regarde un moment ma main qui flotte dans le vide, pour que personne ne manque mon embarras. Puis ses doigts parfaitement manucurés m'effleurent dans une poignée de main sans enthousiasme. « Charmée, il va sans dire. »
 
Ahri se tourne vers Syndra, m'expulsant de la conversation.
 
« Très bien », dis-je un peu trop fort. « C'était plus ou moins sympa de vous rencontrer. »
 
Une brise commence à souffler dans le camp. Je me retourne brutalement et je choisis une direction au hasard, n'importe laquelle du moment qu'elle m'éloigne du bureau.
 
Et c'est comme ça que je rentre dans Janna. La pile de prospectus s'envole. Excellente appréciation des distances. Je me retrouve de nouveau les fesses dans l'herbe poussiéreuse, les yeux levés vers Janna. Mais cette fois, mon agacement est tempéré par l'expression sur le visage de Janna.
 
Sa grimace a été remplacée par un regard noir. La brise forcit autour de nous.
 
« Il faut que j'aille faire un tour », dit-elle. Elle ne demande pas la permission. Elle ne regarde même pas dans ma direction. C'est bizarre. Je n'ai jamais vu Janna si... si furieuse.
 
« Mais... Janna ! », dis-je, attrapant les prospectus tout en cherchant à écarter mes mèches de cheveux qui me rentrent dans la bouche. « Ils viennent de nous dire de rester ensemble. »
 
Trop tard. Janna descend une piste ombragée, le vent dans son sillage. Derrière moi, par-dessus le vent qui s'éloigne, j'entends rire Syndra. J'espère qu'Ahri lui a raconté une bonne blague. Je jette un rapide coup d'œil en arrière et je vois que Syndra me fixe. En souriant.
 
Je me détourne et je me concentre sur la pile de prospectus qu'il faut ramasser, en laissant leur piste m'éloigner autant que possible du groupe des gens cool.
 
CHAPITRE 4
Qui a besoin d'une carte ?
 
Je trouve le dernier prospectus dans le trou d'un arbre creux. Au lieu de me baisser pour le prendre, je me laisse tomber sur un tapis d'aiguilles de pin et je m'adosse à l'arbre. Devant moi s'étend le lac, mais maintenant que je me suis arrêtée je me rends compte que je ne sais pas où je me trouve.
 
Je pousse du dos contre l'écorce rude. Ce voyage ne se passe pas comme je l'avais espéré. Nous ne sommes pas ensemble, nous ne fonctionnons pas en équipe.
 
Mon visage s'échauffe. Ma gorge se serre. La lumière miroitant sur le lac devient floue. Je sens mes yeux s'embuer.
 
Je commence à farfouiller dans la pile de papiers pour m'arracher à mon apitoiement sur moi-même.
 
« Et même pas de carte là-dedans... » J'exprime ma frustration dans un grognement. « Comment puis-je être un chef si je ne sais même pas où je vais ? »
 
« Bah. Les cartes, c'est très surestimé. » C'est la voix d'un jeune homme qui tranche sur le brouhaha distant des campeurs. Je lève les yeux. Génial. C'est le blondinet mignon de l'équipe d'Ahri. Je me redresse rapidement et je m'essuie les yeux avec la main.
 
« Mais si tu en veux vraiment une, j'ai ça sur moi. » Il me tend une carte du camp un peu froissée par le vent. Le site de mon groupe est encerclé et numéroté par l'écriture élégante de Syndra. Il a un sourire en coin. « J'ai un certain talent pour trouver les machins perdus. Je m'appelle Ezreal. Tu peux m'appeler Ez. »
 
J'approuve du menton en essayant de contrôler mes reniflements. Il sourit toujours. Est-ce qu'il flirte avec moi ? Je regarde aux environs. Il prend un mouchoir dans sa poche et me le tend.
 
« Merci... » Je ne peux que murmurer, maladroitement. Même sous les ombrages des pins, ses yeux sont d'un bleu éclatant.
 
« Tu peux peut-être m'aider à trouver mon équipe ? » Je désigne les arbres autour de nous. Ce petit coin du camp est vide, en dehors de nous. « À part toi et moi, tout le monde a l'air perdu. »
 
« Ça me paraît bien ! » Il balaie une mèche blonde qui lui tombe sur les yeux et désigne la piste avec une courbette des plus courtoises. « Tu t'appelles Lux, c'est ça ? Comme une lumière ? »
 
« Oui. » S'il savait. « Ma mère collectionnait les lampes de chevet. » Je sens mon assurance qui revient, celle que Jinx trouve si agaçante. Son sourire satisfait se crispe une seconde. Il se demande si je me moque de lui. C'est à mon tour de sourire. Est-ce que je souris trop ?
 
« Je plaisante... »
 
« Ben, les lampes, c'est cool », dit-il, un peu soulagé. « Mais ça n'est pas ma source de lumière préférée. »
 
« Tu as une source de lumière préférée ? »
 
« Bien sûr, comme tout le monde. » Son sourire sûr de lui est de retour. Le petit sentier que nous suivons va rejoindre une piste plus large qui relie le lac et la partie principale du camp.
 
« Tu vas me dire laquelle, ou il faut que je devine ? » C'est bête, mais je ne pense plus à la pitié que j'éprouvais pour moi-même il y a quelques minutes. Pour la première fois depuis que je suis au camp, je ne m'inquiète plus de rien, pas même de buter sur une racine.
 
C'est à ce moment précis que Jinx surgit, un sourire malicieux plaqué sur un visage où gouttent des cheveux trempés par le lac. Son sourire s'agrandit quand Ezreal, jaillissant de l'ombre, apparaît sur la piste.
 
« Alors, Lux ! Tu t'es trouvé un nouveau copain ? » Jinx, en me tapant dans le dos, me ramène à la réalité et je manque d'avaler ma langue en essayant de lui répondre.
 
« Jinx, voici Ez », dis-je en tentant de retrouver mon souffle. « Ez, voici Jinx. »
 
Ezreal tend la main à Jinx. Elle accepte le défi et lui broie les phalanges en lui secouant la main comme à un concours de bras de fer névrotique. À sa grande surprise, Ez accepte la poignée de main farfelue sans sourciller.
 
Jinx tire d'un coup sec pour l'approcher. « Et quelles sont au juste tes intentions en ce qui concerne Lux ? » demande-t-elle d'une voix menaçante.
 
Je me sens rougir comme une pivoine.
 
« Nous... Nous... » bafouille Ez. « On parlait juste de nos sources de lumière préférées. Tu en as une ? »
 
Bien joué, Ez. S'il y a bien une chose qui peut distraire Jinx, c'est de parler d'elle-même.
 
« Oh, facile », dit-elle. Elle lâche la main d'Ezreal. Ez s'assure que ses os ne sont pas brisés.
 
« Sérieusement ? » dis-je, surprise. « Toi, tu as une source de lumière préférée ? »
 
Jinx se tourne vers moi. « Évidemment. Comme tout le monde. »
 
Ezreal hausse les épaules. Son sourire sûr de lui est de retour.
 
« Ezreal, tout va bien ? » demande une voix froide. Plus on est de fous... La grande rouquine, deuxième étoile de la constellation d'Ahri, approche sur la piste. Elle n'a pas l'air spécialement contente de nous voir. Surtout Jinx.
 
« Tout va bien, Sarah », dit Ezreal en essayant d'adoucir le mépris de la rouquine.
 
« Salut ! Je m'appelle Lux », dis-je en lui offrant la main, après l'avoir rapidement essuyée sur mon short. Ses yeux se rétrécissent et j'ai soudain l'impression d'être sous un microscope avant la dissection. Et, bien sûr, quand je suis nerveuse, je ne peux pas m'arrêter de parler. Les mots jaillissent comme si quelqu'un avait ouvert le robinet. « Euh, enchantée de te rencontrer, Sarah. Tes cheveux sont vraiment cool ! Le rouge, je n'oserais jamais, mais toi... »
 
« Miss Fortune », interrompt-elle. « Seuls mes amis m'appellent Sarah. » À voir son regard, je n'entre pas dans cette catégorie.
 
« Oh... Bien sûr. Je m'appelle Lux. Je l'ai dit, déjà ? Je voulais juste aller chercher un casse-croûte pour l'équipe et je me suis perdue. » Je cherche sur l'un des prospectus les détails que j'ai vus tout à l'heure. « C'est ça, casse-croûte des équipes, là, à la tente cuisine. On dirait des cookies au chocolat et... des oranges. »
 
« Je déteste les oranges », dit froidement Miss Fortune. Elle regarde Ezreal. « Ahri veut que nous fassions le tour du périmètre avant la nuit. »
 
Ezreal lui fait un salut militaire ironique. « À vos ordres, mon capitaine. »
 
Miss Fortune lève les yeux au ciel et commence à retourner vers le camp. Jinx me tire dans la direction opposée.
 
 
« On se voit plus tard, Lux », lance Ezreal avant de trottiner derrière son amie.
 
Je ne peux pas m'en empêcher. Je l'appelle. « Tu ne m'as pas dit laquelle était ta préférée ! »
 
Il s'arrête, repousse les mèches qui lui tombent dans les yeux et se fait un porte-voix avec les mains.
 
« La lumière des étoiles ! » hurle-t-il. Même à cette distance, j'aperçois son sourire. Il se retourne et rattrape Miss Fortune.
 
« Hum... » marmonne Jinx, pensive. « J'étais persuadée qu'il allait dire celle des doubles arcs-en-ciel. »
 
C'est à mon tour de lever les yeux au ciel. Je lui donne un coup amical dans le bras.
 
« Allez, viens, on va se trouver ces cookies. »
 
CHAPITRE 5
Histoires au coin du feu
 
Quand Jinx et moi arrivons au camp, il fait presque nuit. Poppy se bat d'ailleurs avec le feu de bois et ça n'a pas l'air de lui faire plaisir. Jinx croque bruyamment un nouveau cookie, annonçant notre arrivée.
 
« Ça vous en a pris, du temps ! » râle Poppy. Elle prend un autre morceau de bois pour le réduire en morceaux.
 
« Ooh. Te voilà ! » Lulu saute de la souche où elle est assise et se précipite dans mes bras. Enfin, quelqu'un qui est heureux de nous voir.
 
« T'en fais pas, Bam Bam », dit Jinx en jetant le sac d'oranges sur notre table de pique-nique. « J'ai apporté des oranges et des cookies. » Jinx regarde dans le sac et en sort le dernier biscuit. « Enfin bon, j'ai apporté des oranges et un cookie. »
 
Jinx le casse en deux et en donne la moitié à Lulu.
 
« Tu pourras pas dire que je ne partage pas. »
 
Lulu regarde Jinx en souriant. Poppy grogne.
 
« Très bien », ajoute Jinx. « Mais seulement parce que tu es plus folle que moi. » Et elle donne à Lulu l'autre moitié. « Et parce que je ne veux pas que Poppy en ait », murmure-t-elle aussi fort que possible. « Eh, on n'est pas censé mettre le feu à quelque chose ? »
 
« Tu veux parler du feu de camp », dis-je.
 
« Oui, un truc de ce genre. » Jinx fouille dans son sac orné d'étoiles et de pistolets. J'entends le grincement de Kuro et le clic d'une queue de détente.
 
« Non. » Je secoue la tête. « Pas de pouvoir. »
 
« Rabat-joie. » Jinx lève les yeux au ciel. Poppy rit entre deux copeaux de bois.
 
Janna se penche sur le tas de bois et fait craquer une allumette pour enflammer des pommes de pin sèches. Après quelques secondes, le feu finit par prendre. De la fumée s'élève et Janna souffle doucement avant de poser une brindille pour encourager le feu. Elle tasse les braises sous le tipi de bois, au centre du foyer, avant de sourire à Jinx d'un air satisfait.
 
« Et ça, ce n'est pas de la triche ? » Jinx laisse tomber le sac de cookies vide sur la table avec un soupir mélodramatique et cherche un bâton autour d'elle. « Peu importe. On a apporté des marshmallows ? »
 
Poppy pose les bûches bien taillées à côté de Janna. « Tu n'as apporté que ça, sauf erreur de ma part. »
 
« Ooooh, c'est vrai ! » s'exclame Jinx. Elle tire un paquet de marshmallows de son sac et en embroche quatre sur un long bâton. « J'ai aussi apporté une serviette, Riquiqui. Je suis responsable. »
 
Je m'assois à côté de Janna. Elle semble aller un peu mieux.
 
« Ça va ? » Elle dit oui de la tête.
 
« J'avais besoin d'un peu d'air frais. »
 
Je fais un geste pour englober le paysage qui nous entoure. « C'est l'endroit idéal pour ça. »
 
Janna approuve, mais sans mon enthousiasme. Avant que je ne puisse reprendre, Lulu se frotte les mains pour en chasser les miettes de cookie et monte s'asseoir à côté de Janna.
 
« Raconte-nous une histoire, Janna. »
 
« Je ne connais pas vraiment d'histoires, Lulu. »
 
« Pourquoi pas une histoire de fantômes, Janna ? » demande Jinx. « Tu es vieille. Tu en connais sûrement. »
 
Janna lève un sourcil lavande.
 
« S'il te plaît ? » supplie Lulu.
 
Janna respire profondément. Ce soir, il semble qu'on ne puisse rien refuser à Lulu.
 
« Très bien », commence Janna. « Il était une fois une lumière solitaire qui se dressait contre les ténèbres. »
 
« C'était la Première Étoile ? » demande Lulu.
 
Janna fait oui de la tête.
 
« Oui. Au début, la Première Étoile était seule. Elle finit par se lasser de sa solitude, alors elle dispersa dans la nuit toute sa lumière stellaire. » Janna fit un geste de la main vers la voûte étoilée.
 
« Et c'est de là que nous venons ! » dit fièrement Lulu.
 
« Vous. Moi. Les animaux et les arbres. Même Jinx », ajoute Janna avec un sourire. « Tout le monde possède un peu de cette lumière. Elle est très puissante et la Première Étoile savait qu'il fallait la protéger contre les ténèbres. Les premiers Gardiens des étoiles qui furent choisis avaient réputation d'être très forts et emplis par la lumière. » La voix de Janna se tasse légèrement. « Mais les flammes les plus vives ne durent pas longtemps. »
 
« N'est-ce pas pour cela que nous sommes ici ? » demande Poppy, un peu confuse. « C'est notre devoir de protéger la lumière de la Première Étoile. »
 
« Oui », confirme Janna. Elle regarde dans ma direction. « Mais c'est plus que notre devoir, c'est notre destinée. Et c'est notre destinée de le faire ensemble. La Première Étoile savait qu'il serait très dur d'assumer de telles responsabilités et surtout de le faire seul. »
 
« Personne ne s'est jamais rebellé, en refusant cette histoire de destinée, tout ça ? » Jinx pique une des bûches enflammées avec son bâton de marshmallows, faisant voler des étincelles. Je suis surprise. Je ne pensais pas qu'elle prêtait attention à l'histoire, obnubilée par sa dose de sucre.
 
« Une Gardienne des étoiles a décidé un jour qu'elle en avait assez de ce cycle. Elle ne voulait pas retourner à la lumière stellaire. Elle voulait rester elle-même. »
 
« Je t'écoute de toutes mes oreilles », dit Jinx en se tournant vers Janna.
 
« Il paraît qu'elle naquit dans un système envahi par les ténèbres. »
 
« A-t-elle trouvé des sœurs, comme nous ? » demande Lulu.
 
« Oh, oui. Et comme son coin de galaxie était plongé dans le noir, elles comptaient plus que tout pour elle. Pour la première fois, elles étaient heureuses. Et elle l'était elle aussi en leur compagnie. Puis, un jour, il y eut une bataille. Un grand mal s'abattit sur elles, vif et terrible. Notre héroïne perdit ses sœurs dans le combat et elle devint extrêmement triste. »
 
« Je serais triste aussi, à sa place », renifle Lulu.
 
« Moi aussi, Lulu », dit Janna en l'enlaçant. « Mais au lieu de succomber à la tristesse, elle devint folle furieuse et se détourna de la lumière de la Première Étoile. On dit qu'elle suivit le mal jusqu'à son point d'origine en espérant qu'elle y trouverait le moyen de se libérer de sa destinée. »
 
Lulu frissonne et se blottit contre Janna.
 
« Est-elle toujours en vie ? » demande Poppy.
 
« Je ne sais pas. » Janna est pensive. « Si elle est en vie, sa lumière doit être bien vieille. »
 
« Plus vieille que la tienne, Janna ? » se moque Jinx.
 
« Oui », répond Janna sur le même ton. « Plus vieille que la mienne. »
 
Lulu bâille. « C'est une histoire vraie ? » demande-t-elle.
 
« Je n'en suis plus sûre, Lulu », répond Janna à mi-voix.
 
Le silence règne. Je n'entends que le crépitement du feu tandis que le poids de la nuit tombe sur nos épaules. Je décide de rompre le silence.
 
« Bon, la pluie d'étoiles filantes commence dans environ quatre heures », dis-je. « On devrait peut-être dormir un peu en attendant. »
 
Janna relève une Lulu à demi endormie et la dirige vers l'une des deux tentes. Je commence à la suivre. Poppy m'arrête et me montre l'autre tente.
 
« Tu dors avec Jinx. Elle ronfle. Bonne chance. »
 
« Je t'ai entendue ! » dit Jinx en avalant une nouvelle bouchée de marshmallows.
 
« Ne te fais pas de souci », dit Janna en conduisant Lulu dans sa tente. « Je vais veiller sur elle. »
 
Je souris et je prends un seau d'eau pour éteindre le feu. Je lève les yeux. Il y a plus d'étoiles dans le ciel que je ne peux en compter. Elles sont si nombreuses. Il y a sans doute d'autres Gardiens des étoiles. Comme nous. Ce serait bien de ne pas se sentir si isolées. Je secoue la tête pour en chasser cet espoir et je verse l'eau dans le foyer. De la fumée s'élève tandis que je noie les braises et je me retrouve seule dans la nuit.
 
Je vais jusque dans ma tente. Jinx est déjà en train de ronfler et j'entends les lèvres de Poppy claquer dans l'autre tente. Ce n'est ni paisible ni bucolique, mais nous sommes ensemble. Il y a quatre trous dans le toit de la tente. Je vois le ciel à travers eux. J'essaie de compter les étoiles qui surplombent notre monde.
 
Je parviens à dix avant de sombrer dans le sommeil.
 
CHAPITRE 6
Encore ce rêve
 
Les ténèbres sont les mêmes, mais le rêve est différent, cette fois. Effroyablement différent.
 
Je ne suis pas seule au fond du puits, nous sommes toutes là. Lulu, Janna, Jinx et Poppy. Nous sommes toutes perdues dans les ténèbres. Leur calme et leur sérénité ont été remplacés par la panique. Leurs voix étouffées s'entremêlent, elles veulent aussi sortir de là.
 
Au-dessus de nous, au loin, je vois des étoiles. Leur lumière faiblit, au bord de l'extinction. Elles m'appellent aussi, mais je ne peux les atteindre. Je ne peux pas bouger. Des cendres rougeoyantes tombent sur nous. Elles scintillent en effleurant mes doigts. Je reconnais ce que c'est avant que la lumière ne s'affaiblisse davantage.
 
Les emblèmes des Gardiens des étoiles. Brisés.
 
Un poids inconnu me frappe en pleine poitrine, expulsant tout l'air de mes poumons, m'enfonçant plus profondément. La lumière des étoiles s'étiole encore plus, elle semble s'éloigner de moi. Le poids me rebondit sur la poitrine, me secoue, mais mes membres sont des poids morts. Je suis coincée, immobilisée dans les ténèbres.
 
Le poids cesse de rebondir. Je continue de sombrer.
 
« Ça ne sert à rien. » La voix de Poppy est à la fois ennuyée et résignée. Elle a l'air plus proche, mais je ne peux toujours pas l'atteindre.
 
« Attends. Laisse-moi te montrer comment on fait. »
 
J'entends le grincement d'un bouchon et un glouglou de liquide. J'aspire beaucoup d'air en sentant de l'eau froide m'asperger. Je suis en train de me noyer. Cette fois, je suis vraiment en train de me noyer. J'ouvre les yeux en crachotant. Ce n'était qu'un rêve. Plus ou moins. Le poids sur ma poitrine a clairement la forme de Poppy.
 
Jinx nous surplombe avec une gourde vide dans la main. « Oh, regarde, notre cheftaine sans peur et sans reproche est réveillée. »
 
« C'était vraiment nécessaire ? » Je m'essuie les yeux et j'essaie de sécher mon sac de couchage avec un sweat-shirt de rechange.
 
« Lulu a disparu », dit rapidement Poppy.
 
Je saute sur mes pieds, jaillit hors de la tente et enfile mes chaussures. J'ouvre la tente de Lulu. Son sac de couchage est vide. Celui de Janna aussi.
 
« Janna n'a même pas pris la canne que je lui ai faite », ajoute Jinx avec une vraie nuance d'inquiétude dans la voix. « Et si elle tombe, la vieille dame, elle risque de ne pas pouvoir se relever ! »
 
C'est pire que mon cauchemar.
 
« On ne voulait pas partir à leur recherche sans toi », insiste Poppy. « Tu as dit que c'était notre devoir de rester ensemble. »
 
« Moi je voulais juste voir la tête que tu fais quand tu reçois de l'eau sur la figure », dit Jinx. Son ton est indifférent, mais son visage raconte une autre histoire.
 
« On y va, maintenant ? » Poppy me tire par le bras.
 
Sur l'oreiller de Janna, je vois le dessin que Lulu a fait de nous toutes dans la prairie. Nous regardons toutes en direction du ciel. De nouvelles étoiles, a dit Lulu. Mon estomac se contracte. Les lucioles. Des lueurs noires et vertes volant autour de nous. J'ai un terrible pressentiment.
 
Je regarde Poppy et Jinx. Je ne sais pas quand elles ont partagé la même expression pour la dernière fois. Leur inquiétude est évidente. Les lampes torches ne suffiront pas, ce soir.
 
« Poppy, prends ton marteau. Jinx, réveille Shiro et Kuro. Il est temps de sortir l'artillerie lourde. »
 
CHAPITRE 7
Étoiles filantes
 
La lumière de mon bâton est infiniment supérieure à celle d'une lampe torche, mais cela ne calme pas les battements de mon cœur. Je cesse de courir pour jeter un coup d'œil à la carte du camp. Malheureusement, Lulu doit avoir trouvé un endroit qu'elle n'indique pas. Nous avons passé les limites du camp depuis longtemps.
 
« Il y a une clairière par ici », dis-je. « Un éboulement rocheux la sépare du reste du camp. »
 
« L'endroit idéal pour accueillir les nouvelles étoiles », halète Jinx, épuisée par la pente. « Saleté de cookies. »
 
Poppy serre le poing sur le manche de son marteau. « Allons-y. »
 
La distance entre les arbres s'allonge et nous débouchons finalement sur une prairie. Je respire profondément. Jinx émet un petit sifflement.
 
C'est beau.
 
Un brouillard bas recouvre la zone. Des fleurs de lune se mélangent à de petites roses sauvages. Des arcs de corolles bleues s'inclinent dans la brume. Des rocs de granit blanc reflètent les éclats de la lumière lunaire et étoilent la prairie sombre comme une claire nuit de pierre. Au-dessus de nous, la pluie d'étoiles filantes a commencé.
 
Au centre du tableau, assise sur un drap de pique-nique à carreaux blancs et rouges, se tient Lulu. Elle a même apporté les oranges.
 
« Oh, louée soit la Première Étoile. Elle est ici. » Une brise douce emporte un peu de la brume et Janna apparaît, émergeant de derrière un pin à côté de nous. Elle n'a visiblement pas pris le même chemin que nous. Même elle a le souffle un peu court.
 
« Lux ! » Lulu saute sur ses pieds. Je ne peux m'empêcher de courir vers elle. Je cours si vite que le sol en tremble. Non, ce n'est pas ça... Je m'arrête, mais le sol remue toujours. Une lueur noire à reflets verdâtres émane de la brume comme un réseau de sillons morbides. Une vibration rythme la pulsation de la lueur.
 
« Lulu. » Je m'entends à peine dans le grondement profond de la terre qui tremble sous nos pieds.
 
« Nous ne sommes pas seules. De nouvelles étoiles arrivent, Lux. » L'innocence a disparu dans les yeux de Lulu. Elle me prend la main. « Je les ai vues dans mes rêves. »
 
Bien qu'elle se tienne à côté de moi, sa voix me paraît très lointaine. Comme si elle était toujours prise dans ces rêves.
 
Jinx, Poppy et Janna font cercle autour de la clairière. La terre se soulève sous mes pieds.
 
« N'avancez pas ! » crié-je.
 
Mon avertissement vient trop tard. Les fissures deviennent des crevasses. La brume se déchire et une horde d'insectes noirs de la taille de chiens avancent vers nous, luisant d'une étrange lumière verte.
 
Bâton en main, je réfléchis un rayon de lumière lunaire vers la plus proche créature. Il touche sous la carapace ailée. L'insecte explose dans un geyser vert de bouillie fluorescente.
 
« Par la lumière ! Ils ont des ailes ! »
 
Je hurle aux autres : « Ils ont des ailes ! On ne doit pas les laisser atteindre le camp ! »
 
« Wou-hou ! » J'entends Jinx qui se lance joyeusement dans la mêlée. « Shiro. Kuro. Qui se sent d'humeur féroce ?! » Les missiles commencent à pleuvoir avant même qu'elle n'ait achevé sa phrase. « Allez, Riquiqui, c'est l'heure d'écraser des bestioles. »
 
« Inutile de me le dire deux fois, Miss Roquette ! » répond Poppy.
 
Je vois Janna s'élever de quelques pieds au-dessus du sol. « Attends, Lulu. » Je sens ses doigts s'agripper aux miens. La voix de Janna résonne dans le champ.
 
« Pour le calme ! » Une rafale de vent chasse la brume de la prairie. Plusieurs créatures sont prises dans le tourbillon et s'écrasent contre des troncs épais. Maintenant que le brouillard a disparu, je vois que les horribles bêtes sont bien plus nombreuses que je ne pensais. Ce n'est pas comme les attaques habituelles. Nous sommes surclassées.
 
Et c'est là que Lulu hurle : « Regardez ! Les nouvelles étoiles ! »
 
Cinq lumières laissent une traînée dans le ciel. Elles se dirigent droit sur nous. Je suis leur trajectoire jusqu'à ce qu'elles touchent terre. Elles atterrissent en une figure parfaite à cinq points. Plusieurs créatures explosent sous l'impact.
 
Quand la poussière retombe, j'ouvre des yeux comme des soucoupes.
 
C'est Ahri et ses compagnons. Miss Fortune, Syndra, Ezreal et même la fille silencieuse aux cheveux menthe.
 
 
« Tu es une Gardienne des étoiles ? » hurlé-je. « Vous êtes tous des Gardiens des étoiles ? » Dans la mêlée, personne ne peut m'entendre. Sans compter que tout le monde écoute Ahri.
 
« Éblouissez-moi, les filles ! » Son sourire pourrait éclairer la prairie à lui seul. « Toi aussi, Ezreal. »
 
Leurs mouvements sont ceux d'une équipe efficace, synchronisée. Miss Fortune tire une première balle avec son pistolet. Elle traverse une créature pour s'enfoncer dans une autre postée derrière. C'est la première fois que je la vois sourire et je remercie ma bonne étoile de ne pas être l'objet de son attention. Ahri et Ezreal foncent au combat, en ressortent, replongent : ce ne sont que des éclairs. Les bestioles ne sont pas assez rapides pour suivre. Ahri rit et envoie un baiser à l'un des plus gros monstres. Plus stupide encore qu'avant, il avance vers elle et l'orbe lumineux avec lequel elle joue. Elle cesse de rire en propulsant l'orbe vers la créature qui disparaît dans une explosion.
 
Syndra ne reste en arrière qu'un court moment avant de se jeter dans la mêlée avec trois de ses propres orbes. Le sourire dément sur les sphères ferait passer celui de Kuro et Shiro pour un rire de nourrisson. Au centre, la fille aux cheveux menthe lève dans les airs un long bâton pour canaliser la lumière des étoiles. En la regardant faire, je sens mon cœur reprendre lentement son rythme normal. L'orbe d'Ahri frappe la dernière créature qui explose dans une pluie d'exosquelette noir et de chair bioluminescente. À peine l'autre équipe arrivée, tout est déjà fini.
 
Ahri reprend son orbe et s'essuie le bout des doigts, dégoûtée par les résidus de la créature. Syndra jongle avec ses sphères violettes sans rien perdre de sa tranquille arrogance.
 
« Une nuit comme les autres, hein, Soraka ? » dit Ezreal en lançant un clin d'œil à la fille silencieuse. « Merci pour le petit coup de main. »
 
Soraka conserve un sourire serein tout répondant à Ez d'un geste énergique.
 
Satisfait par cet enthousiasme, Ez me sourit tandis que son familier ailé vient se blottir dans son gantelet. Miss Fortune souffle la fumée qui sort de ses deux pistolets sans faire attention à eux.
 
Ce moment de grâce s'évanouit quand le sol se remet à trembler. Avant que je ne puisse réagir, le sol se fend avec une violence qui me repousse. Ma tête cogne contre une bûche.
 
« Ouille ! » J'essaie de chasser le tintement métallique qui gémit entre mes oreilles. Je cesse de m'agiter quand je constate que la prairie elle-même est toute de traviole, comme si le tissu de l'espace et du temps se désintégrait sous mes yeux. La lueur verte est de nouveau là, plus forte que jamais.
 
« Lulu ! Jinx ! » Je cherche les filles du regard, mais je ne vois que la carapace d'une bestiole grosse comme deux éléphants émergeant de la plus grosse crevasse.
 
Je sens le sol frémir et un faisceau de lumière apparaît devant moi. Un gant blanc jaillit et prend ma main alors que le sol sous moi commence à s'effondrer.
 
C'est Ez.
 
« Je prends juste ta main, hein, je ne te la demande pas. » Sa voix se perd dans le chaos. « Cette fissure interdimensionnelle ne va pas se refermer toute seule. » Le monde part en morceaux, littéralement, et il sourit toujours. « Prête, Lumière stellaire ? »
 
Je fais oui du menton. Je ne serai jamais plus prête que maintenant. Il me relève, me projette au-dessus du monstre. De là, je vois tout le monde.
 
Janna et Soraka contiennent une nouvelle horde de créatures qui sortent des crevasses les plus étroites. Ahri, Miss Fortune et Syndra commencent à les détruire tout en tâchant de se mettre en position pour affronter le plus gros monstre. J'atterris à côté de Lulu qui esquive les pattes de la bête tandis que Pix s'occupe des petites créatures. Jinx et Poppy ont l'air de se disputer au périmètre du champ. Je les entends à peine dans le tumulte.
 
« Tu veux que je fasse quoi ? » hurle Jinx.
 
« La roquette ! Tire ta roquette avec moi dessus ! » répond Poppy.
 
« Poppy ! » Jinx a l'air sous le choc. Puis un sourire s'épanouit sur son visage tandis qu'elle se penche et embrasse la fille aux cheveux bleus. « J'attends ça depuis si longtemps ! »
 
Une seconde plus tard, Poppy chevauche un missile vers la bouche écumante de la créature, son marteau dans la main. Le marteau frappe sa cible dans un craquement sonore. La créature chancelle. C'est le moment. Je lève ma baguette et canalise la lumière stellaire. Les incisives tranchantes de la créature claquent dans l'air. Elle voit Lulu à ses pieds et ouvre grand la gueule.
 
Mon rayon de lumière s'y engouffre et ressort par sa nuque. Une pluie de liquide toxique retombe sur le champ. La créature hurle et commence à tomber.
 
Elle jette ses membres lourds vers l'arrière, dans un spasme. Pile là où se trouve Lulu. Je regarde aux environs. Personne n'est plus près que moi. Je plonge et pousse Lulu hors de la trajectoire. Des morceaux du monstre pleuvent sur moi.
 
Et puis tout vire au noir.
 
ÉPILOGUE
La Lumière se propage
 
La première chose que j'entends, c'est une toile qui bat doucement. Des oiseaux qui gazouillent. Mes paumes sont posées sur un drap léger. J'ouvre les yeux. La lumière du soleil m'aveugle par les quatre petits trous au plafond. Je suis dans ma tente.
 
« Hmm... Qu'est-ce que… » Les mots restent coincés dans ma bouche pâteuse. J'essaie de m'asseoir, mais je renonce quand tout commence à tourner. « …Je suis ? »
 
« Toujours pas morte », répond une voix avec froideur.
 
Le tissu au pied de mon sac de couchage bouge : quelqu'un rectifie sa position. Je plisse les yeux pour mieux y voir. Ahri replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
 
« Tu as fait une sacrée chute, la nuit dernière », dit-elle.
 
Les événements me reviennent vigoureusement en mémoire, comme dans un film expérimental. La course dans les bois. Le champ. Les créatures. Lulu. Tout qui s'effondre autour de moi. Et ce n'était pas un mauvais rêve.
 
Je me redresse vivement, et je le regrette aussitôt : parti avec une seconde de retard, mon cerveau vient de s'écraser sur ma boîte crânienne.
 
« Lulu ? Est-ce qu'elle... ? » Je grimace de souffrance. Je me frotte les tempes pour tenter de chasser la migraine.
 
« Tout le monde va bien. Je les ai envoyés chercher le petit déjeuner. Il paraît qu'il y a un marteau avec mon nom dessus si je ne préviens pas la bleuette à ton réveil. »
 
Ahri prend une gourde. Elle me la tend.
 
Je la regarde et avale une gorgée d'eau fraîche. À cette distance, je me rends compte que nous avons plus ou moins le même âge. Mais elle est différente. Plus d'expérience. Plus de confiance en elle. L'univers s'est davantage révélé à elle. C'est le chef dont nous avons besoin. J'en suis sûre.
 
« Je voulais te dire, tu as fait le bon choix », dit-elle. « En risquant ta vie de cette façon. »
 
« Ce n'est rien. Nous l'aurions toutes fait. C'est ce que font les Gardiennes des étoiles. Nous sommes sœurs. »
 
Elle rit doucement, mais un voile de ténèbres passe sur son visage. Une seconde plus tard, le masque de perfection reprend sa place.
 
« Nous ne sommes pas sœurs », dit-elle doucement, sa voix teintée de regrets. « Nous sommes des étrangers avec des souvenirs. »
 
Elle se lève.
 
« Nous avons scellé le point d'incursion. Mon équipe retourne en ville ce matin. Nous nous occuperons de tout à partir de maintenant. Toi et tes filles, vous pouvez rester ici jusqu'à ce que vous ayez récupéré. Profitez du soleil de l'été. Ensuite, débrouillez-vous pour ne pas nous gêner. »
 
« Quoi ? Tu ne vas pas prendre notre tête ? » Je suis confuse. Ma tête me fait mal. « On devrait rester ensemble, non ? Une équipe deux fois plus grosse, deux fois plus forte. Nous avons fait du bon travail ensemble, hier. »
 
« Tu as failli mourir la nuit dernière. »
 
Je ne l'écoute plus. « Ensemble, nous pouvons affronter n'importe quoi. »
 
« Non, Lux », me répond-elle d'un ton sans réplique. « Ensemble, nous avons beaucoup plus à perdre. »
 
Et d'une phrase, me voici de nouveau rejetée. Ahri s'apprête à partir.
 
« Les Gardiens des étoiles sont une équipe », dis-je. J'avale la boule que j'ai dans la gorge. Je ne vais pas la supplier, mais je peux essayer de la raisonner. « C'est notre destinée. »
 
Ahri s'arrête. Elle me regarde attentivement. L'entrée de la tente est ouverte, le soleil intense divise l'ombre et la lumière sur son visage. « Notre destinée ? » demande-t-elle avec une pointe d'amertume. « Je n'aime pas ce mot. »
 
La toile de la tente se referme derrière elle. Je me sens rougir de frustration. C'est un chef parmi les Gardiens des étoiles. Pourquoi refuse-t-elle de nous guider ? Pourquoi me laisse-t-elle seule ? Je lève les yeux vers le haut de la tente. Les quatre trous de lumière dansent devant moi.
 
Pas seule. Jinx, Poppy, Lulu et Janna m'attendent. Elles ont besoin de quelqu'un. Je suis tout ce qu'elles ont, je ne peux pas abandonner.
 
Je me lève péniblement et titube jusque dehors. Je ne peux pas rester couchée jusqu'à ce que le monde arrête de tourner.
 
Jinx a raison.
 
L'été ne durera pas éternellement.
 
Illuminez un Nouvel horizon : bande-annonce des sk...
RedTracker #122 : Des changements pour Janna au pa...
 
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    Lux, Gardienne des Etoiles · 6 years ago
    [i]Alors que Ahri débitait ses âneries, un léger éclat scintilla dans le dos du groupe, en provenance du Mont Targon. Ezraoul, toujours curieux, se retourna. Au loin, se découpant sur le ciel étoilé, une silhouette brillante se profilait en haut de la colline. Elle était d'un éclat fascinant. L'esprit de l'explorateur envahie l'esprit de Ezreal, qui se détacha du groupe, et pris le chemin vers cette mystérieuse présence. A travers les arbres, la lumière qu'elle semblait dégager était d'une beauté à laquelle le gardien ne pouvait résister: c'était sa lumière préféré : celle des étoiles. "Impossible ! Cette chose est tout sauf naturel !", et Ezreal se transforma. Le bord des bois approchait, et le sommet de la colline allait être dégagé jusqu'à la mystérieuse et éclatante personne. Il leva la main, puis fit un transfert éclair, jaillit des arbres.
    Mais au lieu de se retrouver face à la lueur en haut de sa colline, Ezreal se retrouva dans un paysage inconnu, et il n'était plus sur le mont Targon. A la place de la colline verdoyante, un pic de montagne solitaire s'élevait au milieu d'un ciel étoilé comme Ezreal n'en avait jamais vu sur Terre, toujours surplombé par la lumière, désormais flamboyante . Des constellations et des galaxies se détachaient, longues traînées vaporeuses, sur un fond d'encre, et la montagne, s’élevait en son centre, tel un autel sacré sublimé par les cieux. Ezreal escalada la distance le séparant de la lumière le surplombant toujours, grimpant avec une énergie et une ferveur mystique, parfois à quatres pattes sur la roche lisse et brillante quand la pente se faisait trop abrupte. Enfin, il émergea sur ce qui semblait être le sommet du monde, telle une table d'offrande à la jointure avec les cieux. Et tel son phare, un homme, cette lueur, se dressait au centre. Un visage tel la montagne, des cheveux reflétant l'univers miroitant au dessus, scintillant de tout son corps, sublimé par les cristaux des plus pures étoiles semblant l'enserrer. Il tourna son visage droit vers celui de Ezreal, l'éclairant d'une lumière nouvelle et surnaturelle au milieu de ce monde à part ...
    Une voix qui aurait pu être celle des Dieux; aussi puissante que la tempête et douce que la brise, résonnant dans une cathédrale de lumière, à la voûte infinie; lui demanda :
    "-Que fais-tu sur le mont Targon, jeune homme ? Es-tu venu briller avec moi ? Le destin est dans la lumière des étoiles, et elle t'appelles.
    -Le destin semble m'avoir guidé jusqu’à ce moment, comme si toute ma vie ne commencerait qu'aujourd'hui."[/i]

    la suite de l'histoire
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      Pix
      • Super-Tipeur
      · 6 years ago
      Je savais que Lux n'assumerait pas sa relation avec Ezreal
      Mais comme c'est bien écrit moi je dis que j'y crois.

      Sinon je trouve ça sympa d'avoir une sorte de lore alternatif, surtout que la plupart des persos évoqués ne sont pas souvent dans les lores.
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      Lux, Gardienne des Etoiles · 6 years ago
      Bah je trouve que ça colle plus aux personnages. Au final, on peut prendre n'importe quel perso et le faire tenir dans une histoire avec un peu de raccommodage ... Des skins comme MF/Hecarim/Sona Arcade, Super Rumble intergalactique, ... Lux gardienne des étoiles, Teemo commando ou ... Lulu éleveuse de Dragon sont des skins qui représente l'un des clins d'œil qui a mené à la création du perso à la base. Au final, on prend n'importe quel perso, on lui met des bonnes animations modernes dignes de devs avec autant de moyen que Rito games, un dragon de glace pour Ashe, des vêtements de magical girl (dans ce cas) tellement pompé à la suite que c'est limite du plagiat (en tout cas, très facile, à tel point que s'en est de la fainéantise intellectuelle), un casque fluo de power ranger et des sorts en forme de pixel, et HOP. Je te présente Lee Sin, combattant de l'esprit d'Ao Shin : une version gardien des esprit de Lee Sin du skin point divin, ( sauf que l'esprit c'est un dragon ), avec un casque de power ranger or, des portes clés de poros pixel à sa ceinture, dont le bouclier laisse des paillettes arc-en-ciel, et un Q spell en forme d'étoile comme les autos d'Oriana dark Star.

      Facile non !
      Des skins comme Popstar vont surement se retrouver avec une série, sauf que dans le cas de Ahri, c'était l'une des petites choses qui avait fait partie du perso ( K-Pop et starlette). Et au final, n'importe quel perso féminin, encore mieux si il est joué et attirant de base peut être en version Popstar avec ce raisonnement ...
      Lulu Popstar inc', avec un micro et un Pix effet projecteurs
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      Pix
      • Super-Tipeur
      · 6 years ago
      Je ne parlais pas vraiment de l'histoire mais des personnages en soi.
      Je pense que la personnalité des champions n'est pas vraiment altérée, et comme pour la plupart je n'ai qu'un vague aperçu ça permet de me faire une idée.
      [quote]Pix effet projecteurs[/quote]
      :p
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    NicoproF1
    • Super-Tipeur
    · 6 years ago
    Très sympa :). D'ailleurs, la cinématique sur Ahri aussi :p
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