Revenons quelques semaines plus tôt.
Le 1er Juin 2017, Riot annonce un des plus gros changements appliqué à sa scène professionnelle depuis le passage aux LCS : un système de franchises pour la ligue nord-américaine. Et comme Riot ne fait pas les choses à moitié, la décision a été prise d'accompagner cela de plusieurs réformes majeures qui ont pour objectif de protéger un peu plus les joueurs dans ce monde encore trop peu régulé. Suite à cette annonce, de nombreuses réactions se sont faites entendre, également en Europe où notamment Carlos "Ocelote" Rodríguez Santiago (fondateur de G2 Esports) avait fait part de son appréciation pour un tel système.
Visiblement la réflexion aura fait des émules puisque non seulement G2 mais aussi Fnatic, Misfits et Splyce ont participé à la postulation. Pour bien comprendre d'où vient cette décision, revenons sur ce qu'apporte ce nouveau système aux NA LCS.
Le nouveau fonctionnement des LCS NA
1) Le système de franchises
Le changement le plus important est l'apparition d'un système de franchises : le concept est de retirer la possibilité pour une équipe de se faire reléguer (comme en NBA par exemple).
La principale raison de faire un tel changement provient de très nombreuses plaintes remontées part différents fondateurs d'équipes professionnels en grande difficulté pour trouver des sponsors et investisseurs. En effet, avec la relégation possible deux fois par ans, n'importe quelle structure peut, suite à un mauvais split, se retrouver directement en Challenger Series et perdre une quantité absolument faramineuse de moyens, de visibilité et d'attractivité. On l'a vu en Europe avec Origen ou SK Gaming, malgré le fait que chacune de ces équipes dominait la scène européenne (voir mondiale pour Origen), un split en dessous aura suffi à mettre toute la structure à genoux.
Dans un contexte aussi peu stable les sponsors et investisseurs tendent à être extrêmement frileux et préfèrent ne pas tenter l'expérience.
Avec le retrait de la possibilité d'être relégué Riot permet d'atténuer les principales craintes et ouvre la voie royale aux investisseurs. Mais ce n'est pas la seule chose que cela permet !
En effet, Riot obtient à présent un contrôle totale sur la participation ou non d'une structure aux LCS : ce sont eux qui choisiront quelles équipes feront partie de l'aventure. Ceci leur donne la possibilité de ne pas travailler avec des structures (ou des personnes...MonteCristo est un nom qui doit faire écho à certains d'entre vous) dans lesquelles ils n'ont pas confiance ou trop peu ambitieuses à leurs yeux. Lorsque les dix équipes participant aux LCS NA auront été choisies par Riot, il n'y aura alors plus que deux possibilités d'entrée pour de nouvelles structures.
La première est l'expansion des LCS avec l'augmentation du nombre d'équipes. La deuxième est le rachat de la place d'une équipe déjà présente. Mais quel que soit le cas, Riot aura toujours la main sur les structures arrivant.
Mais avec ce système, est-ce que certaines structures ne vont pas tout simplement laisser certains splits tomber puisqu'il n'y a plus de relégation à craindre ?
Dans l'absolu ce serait possible, et c'est pour ça que Riot a instauré deux règles afin de s'en prémunir. La première est relativement simple et efficace : plus une équipe termine haut plus elle rapporte d'argent à sa structure. La deuxième est une version édulcorée d'une relégation : si une équipe termine 5 fois aux 9ème et 10ème places sur une durée de 8 splits (donc 4 ans) alors elle devra céder sa place à une autre structure. Cette règle est là pour s'assurer de ne garder que des structures de qualité en LCS et de ne pas garder celles visiblement pas assez compétentes.
Il faut également noter que cette crainte de voir certaines équipes ne pas tenter de sortir des dernières places provient d'un fonctionnement de la NBA qui ne se retrouve pas dans League of Legends : en effet, la ligue de basket américaine possède une phase de draft au début de chaque saison. Le concept est que, tour à tour, chaque équipe, en commençant par la dernière, choisit un joueur débutant en NBA (très souvent des joueurs issus des ligues universitaires). C'est une étape essentielle qui permet à certaines équipes de récupérer de jeunes talents. Sauf que ce système a engendré plusieurs comportements inadéquats avec certaines équipes essayant un peu trop fort de finir dans les derniers pour s'assurer d'avoir une des premières places dans la draft afin d'avoir une bonne chance de récupérer une des pépites de l'année. Ceci n'existe tout simplement pas dans les LCS.
Quel avenir pour les Challenger Series ?
La disparition de la relégation a une conséquence logique : c'est également la disparition des promotions !
C'est pour ça que Riot a décidé de transformer les Challenger Series : exit la ligue 2, à présent les NA verront une Ligue Académie (Academy League). Ceci fait évidemment beaucoup penser aux ligues universitaires américaines. Cette ligue sera constituée d'équipes académiques montées par chacune des 10 structures présentes en LCS. L'objectif est de pouvoir créer un incubateur de jeunes talents avec une nombre de matchs fortement augmenté.
2) Le partage des revenus
L'idée derrière ce système est de refondre la manière avec laquelle la ligue américaine grandit : au lieu d'avoir chaque équipes qui grandit dans son coin pendant que Riot injecte des millions de dollars dans la production, toutes les parties (équipes et Riot) participeront à un grand pot commun qui sera ensuite repartagé avec Riot, les structures...et les joueurs. L'objectif est de pouvoir mettre tout le monde à contribution dans l'évolution et l'amélioration de la scène.
Ce partage n'est toutefois pas totalement équitable entre chaque équipes afin de s'assurer que les équipes les plus performantes gagnent (logiquement) plus que leurs concurrents.
Tout d'abord, tous les revenus d'une équipe n'iront pas dans le gigantesque pot commun. Seul une partie (pour l'instant pas précisée publiquement par Riot) de ces revenus fera office de contribution. Ainsi, une équipe extrêmement performante dans sa stratégie marketing (sponsors, fan base, productions etc...) génèrera toujours plus de moyens.
Ensuite, le partage se fera ainsi :
1) Pour les joueurs :
La première règle que Riot a décidé d'imposer, avant même le partage, a été d'instaurer un salaire minimum de 75k$ pour les joueurs.
La deuxième règle concerne le partage des revenus : le salaire combiné de tous les joueurs devra représenter une valeur au moins supérieur à 35% de la valeur totale des revenus de la ligue. Si jamais la somme des salaires des joueurs est inférieur à cette valeur la différence leur sera immédiatement redistribuée.
2) Pour les équipes :
Les équipes auront droit à 32.5% de ce pot commun. La première moitié sera partagée équitablement entre toutes les équipes et la deuxième sera pondérée par les performances durant la saison ainsi que par la capacité à engendrer des vues (une équipe plus suivie comme TSM par exemple aura une part plus importante qu'une équipe comme Echo Fox).
Riot précise dans son communiqué que l'objectif est que ces revenus aillent directement dans des améliorations structurelles comme la Gaming House, le staff etc...
3) Riot :
Riot ne s'est évidemment pas oublié dans l'équation : même si ceux-ci ne précisent pas dans son article la raison de cette part ni sa valeur (qui devrait correspondre à 32.5% + ce qui reste des 35% de compensation pour les joueurs), on peut fortement se douter que l'éditeur américain cherche à couvrir ses dépenses en matière de production : depuis plusieurs années maintenant Riot engloutit une quantité non négligeable de moyens dans la production des LCS et ce système pourrait très bien y mettre fin en couvrant leurs dépenses.
La nouveauté de ce système est d'ailleurs très bien représenté par ce schéma créé par Riot (en anglais)
3) L'association de joueurs
Ce troisième point est bien moins développé par Riot du fait de son extrême complexité et les détails de sa mise en place pas encore tout à fait décidés mais son importance n'en est pas moindre.
À la manière de l'ATP (Association of Tennis Professionals), Riot veut encourager et financer la création d'une association de joueurs dont le but est de défendre les intérêts de ces derniers. Des représentants sont choisis par les joueurs qui auront deux objectifs principaux : le premier est de participer à des négociations tripartites (Riot - Propriétaires - Association de joueurs) et le deuxième sera de conseiller les joueurs afin de mener leur carrière au mieux (à la fois pendant -gestion financière etc...- et après -reconversion-). Cette association serait gérée en toute autonomie par les joueurs.
Riot a promis que de nouveaux éléments seront communiqués plus tard dans l'année.
Ce tout nouveau système sera mis en place pour l'année 2018 et Riot avait donné jusqu'au 14 juillet (avant de reculer cette date au 28) pour déposer sa candidature (des candidatures qui s'étalaient apparemment de 7 pages pour les plus courtes à plus de 100 pour les plus longues).
Et l'Europe dans tout ça ?
Et bah justement... Pas grand chose !
Riot EU avait seulement publié un
petit communiqué expliquant que malgré l'annonce du système de franchises en Amérique et en Chine, ce choix ne serait pas fait en Europe. Les raisons ne sont pas particulièrement explicite mais il se pourrait très fortement que cette décision ait été prise du fait de la très forte aversion présente en Europe pour un système qui ne laisse pas sa place aux relégations.
Sauf que l'avis des spectateurs n'est pas forcément celui des propriétaires. Un des plus vocaux à ce sujet aura été Ocelote qui avait participé à une très longue interview avec "The Score Esports" où il expliquait ce qu'il aimait dans un tel système. Il s'était également fendu d'un post sur Reddit pour le moins...évasif
Dans l'idée, ce post qui en dit beaucoup sans le dire, c'est que G2 sera ouvert à toute possibilité, y compris se tourner vers les NA si c'est nécessaire...
Et on en revient à la journée d'hier où ESPN et "The Score Esports" ont révélé que quatre des plus grosses structures en Europe (G2, Fnatic, Splyce et Misfits) ont chacune posé leur candidature pour participer aux LCS NA. Ces candidatures ont-elles vraiment une chance d'être acceptée ? Et si oui quelles seraient les conséquence ?
Pour la deuxième question, la réponse est relativement simple (et plutôt inquiétante), si jamais une structure européenne est acceptée en NA, celle-ci devra tout simplement transférer toutes leurs structures de Berlin à Los Angeles. Là où Misfits et Splyce sont gérés en partie depuis les États-Unis, Fnatic et G2 devraient faire un pas supplémentaire (même si Fnatic est déjà soutenu par le "Raptor group" qui possède principalement les Boston Celtics). L'Europe pourrait donc tout simplement perdre quatre structure essentielles, dont sa structure la plus iconique, Fnatic.
Malgré tout, pour rassurer les fans européens, il y a très peu de chances que ces quatre candidatures soient acceptées. Outre le fait que Riot se tirerait une balle dans le pied en assassinant les LCS EU, le passage de l'Europe en NA n'est pas facile à assurer : outre le déplacement de toute la structure les rosters eux-mêmes devront changer puisque ceux-ci devront trouver 3 joueurs américains et ne pourront garder que deux extra-communautaires. Il y a donc peu de chances que ces candidatures tiennent tête face à toutes les solides candidatures américaines.
Mais il est légitime de se demander si Ocelote et ses compères ne le savent pas déjà. Il est loin d'être impossible que ceci ne soit qu'un gros coup de gueule passé à Riot EU pour leur demander des évolutions dans un système qui semble avoir du mal à faire ses preuves.
En effet, lorsqu'on regarde bien l'histoire des deux ligues américaines et européennes, il est surprenant que ce soit les NA qui adoptent en premier le système de franchise alors que c'est bien l'Europe qui aura le plus souffert de la perte de très nombreuses structures clés comme Origen, SK Gaming ou Gambit, ce qui aura beaucoup nuit à l'attractivité globale de la ligue.
Comme vous pouvez vous en douter les communautés très orientées autour de l'esport comme Reddit ont complètement explosée à cette annonce. Tout le monde y est allé de son idée pour retrouver l'attractivité de l'Europe.
Dans toutes ces idées, le système de groupes se fait sérieusement attaquer : selon de nombreuses personnes ce système ne présente que peu d'intérêt avec un classement relativement statique, des rencontres hype en moins entre les équipes du haut de tableau entre autres. L'horaire des matchs est également mis en cause : commencer les matchs à 17h en semaine coupe la possibilité à de très nombreuses personnes de les regarder.
Toutefois, si on parcourt quelques comptes twitter de personnes influentes chez Riot EU comme Deficio, on peut tomber sur un
retweet intéressant d'un freelance expliquant que ce n'est pas l'Europe qui manque d'intérêt ou que le système de groupe n'est pas en cause mais plutôt que ce sentiment provient principalement de l'incapacité pour les journalistes/freelances/... de raconter ces histoires. La couverture de l'Europe serait donc bien moins bonne que celle de l'Amérique du Nord.
À votre avis, qu'est-ce qui pose le plus de problèmes en Europe aujourd'hui ? Est-ce vraiment la faute des journalistes/freelance/... ou est-ce qu'il manque quelque chose à l'Europe ?
Un système de franchises tel que présenté au-dessus pourrait-il être bon pour l'Europe et pourrait-il vous plaire ?